Danse
[Festival d’Avignon] Fatmeh, le deuil d’Ali Chahrour

[Festival d’Avignon] Fatmeh, le deuil d’Ali Chahrour

17 July 2016 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Le chorégraphe libanais Ali Chahrour présente deux spectacles au Festival d’Avignon : Leïla se meurt et Fatmeh, dont la première avait lieu ce soir au Cloître des Célestins, précédée non pas d’une minute de silence mais d’une minute d’applaudissements en hommage et en mémoire des victimes de l’attentat de Nice. Mais tout ce spectacle est un acte de deuil qui vient interroger la place du corps féminin dans la société libanaise envahie par la guerre.

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Fatmeh vient entrechoquer les gestes appartenant à la culture orientale avec l’omniprésence des chansons les plus connues de la diva égyptienne Oum Kalthoum. Ali Chahrour fait dialoguer ainsi les périodes en faisant le parti pris d’une danse qui ne pioche pas dans la grammaire contemporaine occidentale. Elles sont deux et aucune d’elles n’est danseuse. Rania Al Rafei est vidéaste, Yumna Marwan est comédienne. Elles entrent dans le cloître en tenue de ville avant de se changer derrière la lune qui est suspendue sur scène. Elles deviennent des ombres noires, des fantômes en jupes longues. Mais elles ne sont pas (encore) voilées. Elles ont toutes les deux les cheveux longs. Elles vont de part et d’autre du plateau prendre en charge chacune une moitié du public pour répéter le geste que les pleureuses font lors des enterrements : elles se cinglent la poitrine de façon continue. Le geste fonctionne et convoque tous les disparus que vous voudrez. Ali Chahrour a lu un texte en préambule du spectacle en rappelant qu’en 2014, lorsque la pièce a été créée, six attentats ont ciblé Beyrouth.

La flagellation se transformera en transe avant de pouvoir retrouver une once de liberté qui, ici, prend la forme d’un voile qu’on avale et d’une séance de maquillage. Le chorégraphe interroge les figures séculaires charriées par son pays. De la fille du prophète à une chanteuse perçue comme un messie, le fil conducteur est toujours la tristesse. Les deux interprètes se confondent, symboles évidents de la disparition de la singularité des femmes.  Pour exister, et cela depuis les fondations, elles doivent être des veuves noires, capables de danser toutes en volutes dans les palais.

De la contrition au mélange hystérique, la route que trace le spectacle est cohérente. Avec peu de choses : cinq courts tableaux, c’est ici une plongée sans espoir dans les mythes, l’histoire et l’actualité du Liban qui nous est offerte.

Visuel : Fatmeh – Ali Chahrour – (c) Jad Safar

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