Danse
En sécurité au bord du gouffre, une plongée dans CARE de Mélanie Perrier au Manège de Reims

En sécurité au bord du gouffre, une plongée dans CARE de Mélanie Perrier au Manège de Reims

24 November 2016 | PAR La Rédaction

Par Marie Juliette Verga

Le festival Born to be alive apparaît inévitablement comme la signature de Bruno Lobé, directeur actuel du Manège de Reims. De la première soirée, extrayons CARE de Mélanie Perrier, chorégraphe -chercheuse ès subtilités relationnelles.

CARE (Création 2016) from Compagnie-private on Vimeo.

Clairement, les choix du festival se portent sur la danse dans toute sa largeur, pioche dans le nuancier complet de ce que la danse frictionne de l’espace et du temps, les objets et les sensations. Dark Marilyn(s) de Marinette Dozeville incarne un récit, Horion de Malika Djarbi fragmente les corps, tout à fois matière sonore et symbolique tandis que Donne moi quelque chose qui ne meurt pas de Sine qua non art brasse la joie et l’anxiété dans la puissance du geste.

CARE, elle, flirte tout à la fois avec la surface et l’histoire du mouvement, l’étude et l’immédiateté du sensible. Ici, la danse est travaillée à cru. Directement dans ses fondamentaux, ceux-là même qui ne s’usent que lorsqu’ils sont figés : le porté est au centre de la création.

Un double duo – Massimo Fusco et Ludovic Lezin, Marie Barbottin et Doria Bélanger – occupe la plateau dès l’entrée publique. Des corps allongés, déposés, profondément pesants, baignés dans la lumière écrite par la chorégraphe. L’enjeu spectaculaire du porté est soigneusement évité. C’est dans la subtilité de l’engagement, de ce que l’on porte de l’autre et de ce que l’autre accepte de donner à porter que l’empreinte de CARE se marque.

Les interprètes ne se soulèveront qu’à peine mais ils se supporteront, se basculeront, se soutiendront. Face à face, côte à côte, de déséquilibres assumés en suspensions acceptées : jamais déportés par l’élan ni emportés par l’oscillation ; pas même lorsque la bande-son en temps réel de Méryll Ampe laisse entrer le lyrisme des cordes.

La virtuosité est ailleurs. L’attention à l’autre, hors de tout enchaînement, l’autonomie de chacun à l’intérieur d’un dialogue fin, avant tout fait de réponses à des attentes rarement formulées – le care du titre, synthèse de recherches féministes relationnelles, est traduit en danse. L’analyse du mouvement dansé sous le regard expert de Nathalie Schulmann accompagne cela. Celui du porteur Alexandre Fray – qui a travaillé à porter des personnes âgées très empêchées afin de les conduire hors de leurs possibilités immédiates, entre autres choses – relie CARE à une expérience circassienne du danger maîtrisé.

Et, alors que l’on assiste à une pièce de danse, avec son écriture, sa scénographie minimale, sa musique vivante (live) et sa lumière – ses interprètes évidemment, on se trouve transportée dans un ailleurs qui berce, un ailleurs hautement humaniste qui contient et laisse libre de ses mouvements, un lieu où la prise de risque est possible, le déséquilibre également aussi bien que le désaccord (entre les partenaires, entre les duos) parce que chacun est attentionné avant d’être intentionné.

Lors du final – parce que final il y a – on retient son souffle alors que chacun retient l’autre au bord de la chute, de la chute en avant, de la chute inévitable. Et c’est un fondamental du cirque qui entre dans la danse : le jeu avec le vide vertigineux. Tout ça avec presque rien. Ou avec tout : pensée relationnelle et manifestations mouvantes du lien.

Marie Juliette Verga

CARE, à suivre :
11 mars 2017 -Théâtre de Brétigny.
27 et 28 mars 2017 – CCN de Caen dans le cadre du Festival Spring

Visuel ©Stephane Robert

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