Danse
Compagnie Mi-Octobre, Serge Ricci et Fabien Almakiewicz : Au bord de l’oubli  &  Là où rien du cœur ne se perd

Compagnie Mi-Octobre, Serge Ricci et Fabien Almakiewicz : Au bord de l’oubli & Là où rien du cœur ne se perd

09 February 2012 | PAR Smaranda Olcese

Le festival Faits d’hiver bat son plein et donne, dans sa programmation 2012, une place de choix à la compagnie Mi-Octobre, qui présente deux créations autour de la mémoire et du désir de danse.

 

Le temps qui passe et les traces qu’il inscrit dans les corps au-delà de la mémoire volontaire, à même les chairs, dans les postures et les petits gestes qui reviennent, autant de résurgences parfois surprenantes, nourrissent un processus de création qui se déploie sur deux générations. Dans la première partie de la soirée, Serge Ricci partage le plateau avec Brigitte Asselineau, magnifiques danseurs ayant atteint la 50aine. Le duo est intitulé Au bord de l’oubli, rarement dans un spectacle nous aurons éprouvé un tel plaisir du mouvement et une telle passion pour la danse. Il s’agit certes de monter que le temps est passé, mais aussi la richesse de ses sédiments. Les interprètes se cherchent à tâtons dans la salle. Leurs visages et leurs yeux sont couverts de délicates pétales papillonnantes, fragiles, qui tressaillent à chaque respiration ou battement de paupières. Ce détail plastique nous fait penser à Steven Cohen et ses maquillages fantasmagoriques : le kitch, porté à son comble, devient de l’art. Le procédé est la fois touchant et très à propos. Au bord du plateau, les deux danseurs se retrouvent en amoureux, se dévorent de baisers, se repaissent l’un de l’autre, arrachent à la bouche les pétales qui couvrent leur visage, se libèrent de ce doux poids et retrouvent leur énergie, qui semble dire qu’ils sont faits pour la scène.

Survient alors une traversée, sous les feux de la rampe qu’ils se braquent littéralement l’un sur l’autre, dans des gestes qui magnifient parfois la maitrise, parfois le délire et la perte de contrôle. Il s’agit d’une traversée de l’histoire de la danse, chacun avec son cheminement personnel et ses références, parfois très disparates, renvoyant au music hall ou aux claquettes, à la nouvelle danse française des années 80 ou encore aux figures imposées de la danse classique. Tour à tour légers, empreints d’humour ou tragiques, les deux danseurs revisitent, avec une maitrise du rythme extraordinaire, des états particuliers ayant laissé des empreintes profondes dans les corps.

Après l’entracte, c’est au tour de la jeune génération de prendre place sur la scène. Là où rien du cœur ne se perd, pièce pour quatre danseurs autour de la 30aine, affirme avec force l’idée d’un trop plein : trop plein de références qui nourrissent une danse joyeuse et envolée, trop plein d’énergie et de plaisir qui gagne la salle par contagion, et y distille émotion et enthousiasme. Le geste créateur de Serge Ricci et de Fabien Almakiewicz opère pourtant avec subtilité et finesse. La pièce démarre, bercée par des chuchotements, une histoire incongrue, drolatique, reprise à quatre voix qui se mélangent, se répondent et se soutiennent. Le rythme s’accélère très vite par la suite. Mythologies, histoires personnelles (réelles ou fantasmées), imaginaire pop, glamour, parfois teinté de baroque, déferlent sur le plateau. Les danseurs passent avec une infinie aisance de la fébrilité un peu brute et ludique d’un pogo à la finesse guindée des salutations courtoises. Ils prennent des poses aguicheuses et provocatrices ou déambulent anonymement, affublés de coiffes intrigantes, ils se jettent avec furie dans le public ou s’effacent dans l’obscurité enveloppante d’un ballet enchanté de lucioles. Il y va littéralement d’une pléthore de matériaux corporels qui étrangement s’entretissent de manière organique, par des jeux d’associations et de connexions intimes. Un sens du rythme extraordinaire, une connaissance intime de la scène et de ses tempos et cadences fait que tout cela tient, prend de l’ampleur, nous embarque dans un tourbillon envoutant : inoubliable !

 

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Smaranda Olcese

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