Danse
Le ballet de Lyon retrouve le Théâtre de la ville

Le ballet de Lyon retrouve le Théâtre de la ville

03 May 2018 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Boy power au Théâtre de la Ville pour l’inégal programme composé autour du Ballet de Lyon, fidèle compagnon du lieu depuis 1985.  Trois pièces, neuf garçons, une fille. Cela offre deux possibilités : passer son tour ou en redemander. Alors quels sont les bijoux de cette trilogie ?

Tout commence mal avec une proposition hybride de Benjamin Millepied. Visiblement nostalgique des ballets classiques, il déploie un quartet qu’il divise sur “La Partita pour flûte seule et des Sonates et Partitas pour violon seul” de Bach. Tyler Galster est longtemps seul en scène, chemisette à carreaux et pantalon marron à pinces. Il sera rejoint par Sam Collbey, Adrien Delépine et Marco Merenda, en pas de deux, en trio ou en quartet. Chacun aura son solo. L’idée, intéressante, de Sarabande semble être le décalage.  Mais rien n’y fait. Les garçons ont beau être habillés comme dans un film de Jacques Demy, les pas épuisent par tant de convenances. Evidemment, ils sont tous les quatre d’excellents techniciens. Tous maîtrisent les entrechats, les piqués, les pointés, les jetés, les portés très académiques. L’ex-directeur du ballet de l’Opéra de Paris, qui avait su insuffler un vent de contemporain sur le Palais oublie ici que la danse a évolué depuis qu’Isadora Ducan a enlevé ses chaussons. On ne comprend pas pourquoi cette Sarabande (2009) est placée en ouverture de ce programme. Certes les variations mathématiques sur le nombre de danseurs peut amuser et il est impossible de dénigrer la fluidité et  la souplesse indéniable des interprètes. Cela ne suffit pas.

Heureusement, deux chocs suivent. En premier le duo composé de Albert Nikolli et Leonnis Pupo-Guillen. Ils dansent Critical Mass du britannique Russel Maliphant (1998). On se souvient de son Chevalier d’Eon donné en 2011 au Théâtre des Champs Elysées. Ici, c’est un duo dément qui s’offre à nous, à la bande son métallique très ancrée dans l’époque de création. L’esprit de Transpotting n’est pas loin. L’image est bleu nuit, bleu de travail aussi. Les deux sont habillés ville, mais la lumière les recouvre de ce bleu. Pas de deux masculins et très sexy où l’un danse dans l’autre et où l’autre n’est rien sans l’un qu’il retient par la main, puis par tout ce qu’il peut attraper. Cette danse entre combat et théâtre laisse bouche-bée. C’est violent et direct, sans compromis. La beauté surgit par la répétition. C’est incroyablement animal, particulièrement quand Maliphant ose un tango étouffé ou plus loin un solo dans un néon qui semble décupler le geste. Le rythme est assourdissant entre portés et corps jetés.  On s’empoigne ici, et les frappes s’évitent de peu. Une bombe.

Tout se finit bien avec un chef d’oeuvre attendu, car ultra connu. On ne boude pas pour autant notre plaisir à revoir le très graphique Steptext de Forsythe où le maître des alignements s’amuse à jouer à cache-cache et aussi, à danser sur le tempo impossible de “Chaconne de la Sonate n°4 pour violon seul en ré mineur”, toujours de Bach. Et enfin, on voit arriver LA fille. La fine Julia Weiss, ici poupée gracile qui manie le grand écart avec une facilité déconcertante. Seule en rouge au milieu des gars en noir. Mais…chez le grand Will, rien n’est facile ! Alors oui, il y a des grands écarts mais ils se font aussi à la verticale. Les bras s’étirent mais les mains se braquent. Les courbes sont comme toujours chez l’auteur du Limb’s Theorem, des lignes. Les danseurs sont ici comme robotisés, dans une figure déjà mécanique, quasi industrielle comme le montrent les coudes qui s’entrechoquent. Mais jamais, jamais, le beau n’est perdu de vue.

Un monument de la danse néo-classique qu’il faut voir et revoir encore et qui est ici très bien interprété, avec des ouvertures d’épaules et de hanches propres aux ballets. Julia Weiss, Tyler Galster, Marco Merenda et Roylan Ramos ne se laissent pas dépasser par cette chorégraphie sans aucune évidence, qui n’a comme seul credo de tenir le cap d’une ligne donnée, aussi raide que le carré blanc qui est posé sur la scène. La musique n’est pas continue, le geste est arrêté en plein effort avant de se libérer fort. C’est magistral.

L’ensemble du programme est un temple du virtuose qui manque malheureusement de violence et d’âme dans son ouverture.  Nous sommes face à des danseurs somptueux, qui éblouissent par leur technicité. Tant pis pour la Sarabande, on garde en tête les motos qui ouvrent et ponctuent la musique signée de Richard English et Andy Cowton pour Critical Mass qui restera un choc dont l’impact n’est pas prêt de s’effacer.

Visuel : ©Ballet de Lyon

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