Danse
[Avignon off] Danses plus poétiques que politiques par la Compagnie de la Mangrove

[Avignon off] Danses plus poétiques que politiques par la Compagnie de la Mangrove

18 July 2017 | PAR Camille Thermes

En se présentant comme une chorégraphie engagée, Ré(z)oné semble manquer sa cible au détriment d’une danse pourtant expressive et poétique : à voir plutôt pour le plaisir des yeux que pour la force d’un message qui a du mal à se transmettre. 

Danser pour inventer une autre manière de lier identité et territoire : l’idée de Jean-Claude Bardu et Hubert Petit-Phar est belle et se présente de manière convaincante. Mais si l’élan est attirant et les danseurs généreux, la pièce ne se laisse pourtant pas facilement aborder.
Pourtant, les deux chorégraphes semblent sur le point de nous emporter avec eux: dans un décor extrêmement sobre, suggérant peut-être une cascade en arrière-plan et un feu sur le devant de la scène, leurs danses parviennent à faire surgir une galerie d’images et de paysages dans un univers que la musique de Serge Alidor contribue à rendre poétique. Balançant entre échos traditionnels et sonorités modernes, l’accompagnement sonore très varié travaille en toute cohérence avec la chorégraphie.
La création 2017 de la Compagnie de la Mangrove s’inscrit on ne peut plus naturellement dans le cadre du Théâtre de la Chapelle du Verbe Incarné, dont la programmation artistique interroge le plus souvent notre rapport à l’identité, au territoire, à la pluralité du réel, dans une démarche référant assez clairement à la pensée du poète et théoricien Édouard Glissant (on y trouvera d’ailleurs les 16, 17 et 18 juillet un cycle intitulé « Les écrans du Tout-Monde » organisant notamment une rencontre avec Patrick Chamoiseau). Car ce que l’on a l’impression de voir sur scène ici, c’est surtout la rencontre de deux identités qui, se mouvant de manières totalement différentes, semblent d’abord s’opposer puis se croiser et s’assembler. On devine bien que les deux danseurs proposent une évolution narrative dans une chorégraphie qui semble vouloir raconter quelque chose, mais il est difficile d’entrer totalement dans ce que l’on nous présente. On imagine cependant une première partie dans laquelle les danseurs, côtes-à-côtes ou souvent dos-à-dos, n’évoluent que parallèlement sans parvenir à instaurer une relation. Dans un deuxième temps, l’un et l’autre se mettent en revanche à se montrer mutuellement des pas, et la succession des variations de chacun sur des bases traditionnelles semble ici justifier le lien avec la démarche annoncée de reconfigurer et de renouveler les codes régissant notre rapport à l’espace et à l’autre. Dans une atmosphère de plus en plus énergique, les deux hommes semblent ensuite parvenir à évoluer ensemble dans un espace commun mêlant de multiples images et évocations.

Dans cette pièce, c’est finalement plutôt le plaisir de voir des mouvements très personnels et harmonieux, la beauté de gestes généreux et expressifs, qui l’emportent sur l’efficacité d’une production annoncée comme engagée. Le message est moins fort que les danses dans lesquelles il s’incarne, et nous retiendrons surtout la présence poétique de deux danseurs à la fois subtils et extrêmement énergiques.

Ré(z)oné est à voir au Théâtre de la Chapelle du Verbe Incarné du 15 au 19 juillet. Plein tarif 17 euros, Tarif réduit 12 euros.

Visuels : ©David Pochal et ©Delphine Cammal

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Geoffrey Nabavian
Parallèlement à ses études littéraires : prépa Lettres (hypokhâgne et khâgne) / Master 2 de Littératures françaises à Paris IV-Sorbonne, avec Mention Bien, Geoffrey Nabavian a suivi des formations dans la culture et l’art. Quatre ans de formation de comédien (Conservatoires, Cours Florent, stages avec Célie Pauthe, François Verret, Stanislas Nordey, Sandrine Lanno) ; stage avec Geneviève Dichamp et le Théâtre A. Dumas de Saint-Germain (rédacteur, aide programmation et relations extérieures) ; stage avec la compagnie théâtrale Ultima Chamada (Paris) : assistant mise en scène (Pour un oui ou pour un non, création 2013), chargé de communication et de production internationale. Il a rédigé deux mémoires, l'un sur la violence des spectacles à succès lors des Festivals d'Avignon 2010 à 2012, l'autre sur les adaptations anti-cinématographiques de textes littéraires français tournées par Danièle Huillet et Jean-Marie Straub. Il écrit désormais comme journaliste sur le théâtre contemporain et le cinéma, avec un goût pour faire découvrir des artistes moins connus du grand public. A ce titre, il couvre les festivals de Cannes, d'Avignon, et aussi l'Etrange Festival, les Francophonies en Limousin, l'Arras Film Festival. CONTACT : [email protected] / https://twitter.com/geoffreynabavia

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