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Au HAU de Berlin, les paysages enchanteurs de Mette Ingvartsen

Au HAU de Berlin, les paysages enchanteurs de Mette Ingvartsen

27 February 2017 | PAR Nicolas Chaplain

Le théâtre Hebbel am Ufer de Berlin propose un voyage passionnant et singulier au cœur du travail de la chorégraphe danoise Mette Ingvartsen intitulé The Artificial Nature Series et composé de trois pièces. La plus ancienne Evaporated landscapes date de 2009, Speculations a été créé en 2011 et The Artificial Nature Project en 2012.

Les trois pièces que propose le HAU rendent compte de l’intérêt de l’artiste pour les phénomènes naturels, transformations et explosions en tout genre qu’elle tente de représenter de manière artificielle et artisanale. Les performances souvent lentes et répétitives suspendent le temps, éveillent les sens. La question des perceptions et sensations est très présente dans le travail de l’artiste. Le regard, la compréhension et l’imagination du spectateur sont bousculés et stimulés à travers des propositions inventives et oniriques, des tableaux hypnotiques d’une grande beauté plastique.

Chaque spectacle subjugue et provoque car il met en scène le plus souvent des matériaux et des substances non humaines. Les performeurs, quand il y en a, ne sont que des manipulateurs. Mette Ingvartsen impose, avec fantaisie et originalité, une réflexion esthétique sur le rapport de l’homme à son environnement et présente une nature grandiose, parfois menaçante et indomptable.

Dans Evaporated landscapes, une fumée souple et laiteuse court délicatement sur le sol, aux pieds des spectateurs rangés sur des gradins bifrontaux. Mette Ingvartsen invite à contempler une nature artificielle (nuages, fines bulles de savon dans un rai de lumière rouge, sons planants, couche de brouillard, petits monticules de mousse blanche qui changent de couleur) en mutation permanente.

The Artificial Nature Project commence dans l’obscurité totale. Une pluie d’étoiles apparaît. Ce sont des confettis argentés très faiblement éclairés qui tombent des cintres. Cette première image féérique émerveille. Pendant une heure, les sept performeurs jouent avec les confettis, les étalent sur le vaste plateau et, au moyen de souffleurs électriques, forment des images évoquant des jets, des geysers, des éruptions… Avec des couvertures de survie qu’ils font voler dans les airs, ils dessinent des figures abstraites. Le résultat est spectaculaire : un feu d’artifice de couleurs et de matières.

Speculations est une forme qu’on croirait presque improvisée tant la distance avec le public est mince. Les spectateurs sont debout, sur la scène du théâtre, libres et en mouvement. Mette Ingvartsen se déplace au milieu des gens, s’adresse à chacun et à tous spontanément et commence, comme pour une visite guidée, à montrer où sont les loges, le rideau de fer… Puis, elle décrit des performances que le public est amené à se représenter mentalement. Elle évoque la présence de musiciens à un endroit, de plusieurs femmes nues qui s’étalent de la peinture sur le corps et laissent ensuite leurs empruntes sur un mur. Lorsqu’elle raconte une performance dans laquelle il pleut dans le théâtre et où les spectateurs n’ont pas d’autre choix que rester et être mouillés ou partir, elle invite naturellement le public à s’asseoir sur les gradins prévus à cet effet. La lumière baisse lentement jusqu’à plonger l’espace dans l’obscurité totale. C’est alors que Mette Ingvartsen décrit les moindres détails d’un paysage que chacun peut s’imaginer. La lumière se rallume. Elle explique le plan d’un film dans lequel une maison explose. Elle fait alors appel à un technicien pour réaliser une explosion dans le théâtre, avec des confettis et deux souffleurs électriques.

La proposition du HAU de programmer ces trois spectacles en même temps révèle la tension permanente entre fascination, anxiété et volupté.

Au Hebbel am Ufer de Berlin, le 25 février 2017. © Studium Generale Rietveld Academie

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