Danse
Les anges nus de Daniel Léveillé veillent sur June Events

Les anges nus de Daniel Léveillé veillent sur June Events

13 June 2018 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Le festival de danse mené par l’Atelier de Paris-CDCN a proposé hier deux spectacles où le nu est passé de glacé à charnel.

Tout commence avec Ruth Childs, (nièce de Lucinda). Ici, elle ne danse pas les soli iconiques de sa tante mais The Goldfish and the inner tube, sa dernière création.

Nous voici donc dans le bocal où, en guise de plantes en plastique d’agrément nous trouvons Ruth, cul nu pointé vers le haut et tête dans un sac poubelle bleu. Tout aussi nu du bas, Stéphane Vecchione est à la batterie, dans le même accoutrement. Sur le sol, une trentaine de bouées noires gonflent. Et ça commence bien. Un mécanisme de souffle dans des tubes fait avancer la marée noire. Canon. Rien d’autre ne bouge, surtout pas les corps. Puis, tout s’arrête pour entrer dans une succession de tableaux burlesques. Cela nous irrite en même temps que le son se fait acide, dans une teinte de cornemuse. Le spectacle devient un exercice de style où le duo cherche à explorer toutes les possibilités scéniques des bouées. Sympathique sur le papier, la proposition épuise plus qu’elle ne séduit, elle se dégonfle…

Tout se poursuit avec Quatuor Tristesse du chorégraphe québécois Daniel Leveillé dont nous avions adoré Solitudes duo, sexy à en mourir. Il s’agit d’un faux pas de quatre où se cachent en fait six danseurs :Mathieu Campeau, Dany Desjardins, Ellen Furey, Justin Gionet, Esther Gaudette et Simon Renaud. Mais sur le plateau rétréci, tout blanc, tout carré, nous n’en verrons jamais plus de quatre à la fois… Depuis 40 ans, Leveillé trace des lignes à la façon de l’architecte qu’il n’a jamais été. Alors en vis-à-vis, en opposition, en angle, il place les corps comme des traits, mais des traits lourds, à gros grains, qui se courbent, qui se tordent, qui chutent. La chute est permanente mais elle est fragile, douce.

On a la sensation de voir se mouvoir les anges de la Chapelle Sixtine. Les portés sont aux ralentis, et comme la pointe d’un crayon à papier trop taillé, ils risquent de casser à chaque fois. Les corps sont nus comme des statues grecques dont la lumière met en évidence chaque muscle. Il y a de la sculpture dans la danse impeccable de Leveillé. Il y a surtout de la transcendance, appuyée par la musique, baroque à souhait. En nappe, un medley composé de morceaux de John Dowland, Marin Marais,Luca Marenzio, Claudio Monteverdi, Josquin des Prés, Giovanni Salvatore et Giovanni Maria Trabaci. On devrait détester cette émotion renforcée mais elle nous saisit et nous pénètre sans consentement. Allier le sexuel, le divin et le charnel, voilà qui est très baroque.

Quatuor Tristesse est d’une beauté à faire pleurer les hommes. Aucun espoir ici, alors autant essayer de voler. Essayer, c’est déjà beaucoup. Les corps passent les uns dans les autres, les regards cherchent un espoir qui ne vient pas. Le spleen est là dans l’invisibilité des traces qui pourtant sont ultra présentes. Quand la chute, la vraie arrive, on a juste envie que tout recommence, et de re-essayer encore une fois, de rester verticaux.

Tout le programme de June Events est ici. Ne ratez pas ce jeudi, la dernière pièce de Myriam Gourfink

Visuel : ©Frédéric Iovino

 

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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