Comédie musicale
« Singin’ in the Rain » au Châtelet : une mise en abyme très élégante

« Singin’ in the Rain » au Châtelet : une mise en abyme très élégante

13 March 2015 | PAR Yaël Hirsch

La comédie musicale inspirée du film mythique de Stanley Donen (1952), Singing’ in the rain joue déjà pour la saison à guichet fermé au Théâtre du Châtelet. Alors que de nouvelles dates de cette production sont d’ores et déjà prévues pour l’automne, la découverte du spectacle a été à la hauteur de nos espérances. Les acteurs et chanteurs britanniques sont époustouflants et les infidélités mesurées au film sont l’occasion d’une mise en abyme très raffinée.

[rating=4]

Cousu par les scénaristes Betty Comden et Adloph Green autour de chansons célèbres de Nacio Herb Brown et Arthur Freed, le film Singin’ in the rain pointe ses caméras vers le passage du cinéma muet (datant de la sortie du film musical Le chanteur de jazz en 1927) au cinéma parlant, dans un Hollywood si bouleversé qu’il s’y met même à pleuvoir. Un grand acteur du muet rencontre une jeune comédienne pleine d’ambition et au final, c’est elle qui sauve le film de son prétendant par sa voix éblouissante… Sous des airs faussement simples, l’intrigue de Singing in the rain traite de thème graves et chers à un art qui serait en pleine réflexion sur lui-même.

Si des comédies musicales s’inspirent depuis les années 1980, cette nouvelle production du Châtelet marque d’abord par deux points : la qualité de sa troupe (à la succession de Gene Kelly dans le rôle de Don Lockwood, Dan Burton est bluffant et Daniel Crossley dégage une énergie folle à la suite de Donald O’Connor dans la peau du compositeur Cosmo Brown) et le choix délibéré de gommer les tons acidulés du film pour aller vers toute une palette de gris très élégants.

Ce dernier choix pointe vers la nostalgie du cinéma d’autrefois et va de paire avec le fil directeur de la mise en scène : faire passer le public à l’arrière de l’écran de cinéma. Du début à la fin, dans la production du Châtelet, on est face au cadrage renversé d’un film. L’écran est une boîte dans laquelle s’imbriquent d’autres boites d’action. Et qu’elles soient de Pandore ou de nuit, on y danse, dans ces boites, mais sans oublier qu’on est face à un écran qui souligne un spectacle lui même pointant vers un film qui parle de la fin du cinéma muet…

Bref, selon motif cher au metteur en scène Robert Carsen (et qu’on avait adoré dans sa vision des Conte d’Hoffmann devenus un classique de l’Opéra de Paris), le spectacle n’est jamais naïf et toujours réflexif. Et le chorégraphe Stephen Mear (qu’on retrouve encore dans du Gene Kelly au Châtelet après sa version de On the town en 2008) suit le mouvement quand il limite les claquettes aux morceaux les plus drôles (“Moses supposes”, “Good Morning”) et qu’il a la force de les écarter pour un solo central “Singing in the rain” parfaitement souple, gris argenté et libre.

https://www.youtube.com/watch?v=rmCpOKtN8ME

Si le choix des gris et celui de la mise en abyme laissent de côté la joie de vivre juvénile du film, cet angle permet de partir vers d’autres rives, plus nostalgiques et essentielles. De Sunset Boulevard à The Artist, revenir sur les laissés-pour-compte du passage au cinéma parlant résonne fort chez le grand public. Au Châtelet, avec Singing in the rain, cette interrogation ne ménage ni le perfectionnisme ni ses cruautés, ni ses effets. Pour le plus grand plaisir du public qui en redemande encore et encore…

Singin’ in the Rain d’après le film de Stanley Donen et les chorégraphies de Gene kelly. Mise en scène : Robert Carsen, chorégraphies : Stephen Mear, costumes : Anthony Powell. Avec Dan Burton, Daniel Crossley, Clare Halse, Emma Kate Nelson. Durée du spectacle : 2h40. Tout est reservé du 12 au 26 mars mais une repris aura lieu du 27 novembre au 15 janvier.

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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