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[Best Of 2014] Les spectacles de la rédaction

[Best Of 2014] Les spectacles de la rédaction

19 December 2014 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Choisir, quel affreux dilemme ! Et nous voilà, rédacteurs fous des plateaux à relire notre année, à faire jaillir les souvenirs. Dans nos mémoires, il restera de la danse, du théâtre et de la performance, du vivant encore et encore parfois même mécanique.

Geoffrey 

Au bord (MC93 de Bobigny)

Jean-Michel Rabeux crée le fameux texte de Claudine Galea, Grand Prix de littérature dramatique en 2011, et nous atteint au coeur. Un spectacle de souffrance, certes. Sauf qu’ici, la souffrance sait être lyrique. Et nous apparaître universelle. Grâce aux mots de la dramaturge, qui se raconte, tétanisée par la photo du prisonnier irakien en laisse dans la prison d’Abou Ghraib, sur laquelle elle devrait écrire un article politique, alors qu’elle n’éprouve qu’attirance sexuelle pour la jeune soldate américaine. Grâce à Claude Degliame, comédienne exceptionnelle, lâchée dans une arène, qui s’approche près, très près de nous. Grâce aux peintures de Bérangère Vallet, effectuées en direct. Lyrique et noir, tout simplement.

Tempus fugit ? une ballade sur le chemin perdu (La Villette, Espace Chapiteaux)

Le Cirque Plume fête ses trente ans, et nous émerveille. Une heure quarante d’équilibres sur une main accompagnés de sons de xylophones en tubes de plastique ; de jeux dans des draps gonflés de vent ; de trapèze soutenu par une musique enivrante ; de scènes clownesques modernes et irrésistibles (avec le grand Mick Holsbeke)… Des circassiens on ne peut plus contemporains, qui cherchent, mais qui n’oublient pas que leur art doit être une fête. Et atteindre à la pure poésie.

Lilith (Théâtre des Halles, Avignon Off)

Une ballade rock en compagnie de la toute première femme de l’humanité, égale d’Adam, et partie du Paradis. Un texte d’Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre qui se sert du contemporain pour composer un portrait fragmentaire, mystérieux et lyrique ; Julie Recoing, comédienne qui le prend en charge frontalement, avec juste sa palette de jeu pour nous faire voyager ; et une musique live prenante pour la soutenir, jouée par les anges Geoffrey Palisse et Etienne Baret. Le tout dans une chapelle. De quoi gravir des cieux très noirs.

Amélie

200 spectacles vus cette année. Comment dire. En tirer trois fut juste impossible,la liste s’annoncera plus longue qu’autorisée, alors les descriptifs se font courts.

2014 a commencé frappé par les Foudres de Dave Saint Pierre et s’est clôt par le Sacre magique de Castellucci. Entre, Dominique Brun nous a permis de voyager dans le temps en nous offrant, rares spectateurs à revoir ce que personne ou presque n’a vu : Le Sacre du Printemps dans sa version originale de 1913.  Refaire vivre des oeuvres fut un gimmick de cette année. La somptueuse édition du Festival d’Automne s’est ouvert sur Limb’s Theorem de William Forsythe, bijou mécanique symbole des années 90. Autre chef d’oeuvre, Ceux qui restent,  de David Lescot qui donnait ( et donnera à entendre en mars 2015 au Théâtre de la Ville) qui mettaient en scène les témoignages de Paul Felenbock né en 1936 et Wlodka Blit-Robertson en 1931 qui ont été des enfants cachés, ils ont survécu au ghetto de Varsovie et ont échappé à la déportation et à l’extermination. Lui vit aujourd’hui à Paris, elle à Londres. Comment ont-ils réussi à survivre ? Le résultat sans mélo, est époustouflant. Il y eu aussi Dance de Lucinda Child’s, L’immense chorégraphe américaine est à Paris, et cela vaut événement. La reine de la danse minimaliste donnait à voir, à l’invitation du Festival d’Automne, le chef d’œuvre Dance qui jouait d’un glorieux name dropping : Philip Glass pour la musique, Sol LeWitt pour la vidéo, et bien sûr, Lucinda Childs aux pas. 35 ans et pas une ride.  Lui a plus de 90 ans et  son Intérieur a été l’un des temps forts et du Festival d’Avignon et du Festival d’Automne. Claude Regy a offert ici une ascèse troublante. On garde dans nos souvenirs le très cinématographique Mort à Venise de Thomas Ostermeier et le très sensible  La Brique de Guy Alloucherie qui nous a plongé dans le Pas de Calais ouvrier. Les larmes montent encore.

Yaël

Un américain à Paris au Châtelet : Le spectacle total qu’on peut conseiller à tout le monde sans aucune arrière pensée. Chant, danse, décors, subtilité, réflexion sur l’Histoire de l’art, tout y est. Avec le petti cocorico supplémentaire : une comédie musicale en anglais créée à Paris avant de partir pour Broadway. Indispensable.

Savannah Bay de Marguerite Duras au Théâtre de l’Atelier : un pan entier de mon adolescence par Emmanuelle Riva et Anne Consigny. Et même pas déçue. Pas une seconde, malgré une mise en scène un peu empesée, les deux comédiennes se sont emparées de la pièce, ont pris toute la place et j’ai retrouvé tout Duras en une heure de grande intensité.

BIT de Maguy Marin au Théâtre des Abesses (théâtre de la ville) : 2014 a été pour moi l’année du passage à la danse. Sans les mots, je me sentais jusque là désarmée. Sensible à la sensualité des corps, à une certaine luxuriance, je n’attendais pas à être aussi soufflée par la réflexion sur le rythme que proposait Maguy Marin. Et pourtant, deux mois après, quand j’y pense j’ai encore un frisson de recherche et d’excitation. Un moment de révélation.

Audrey

The Fountainhead de Ivo Van Hove, vu dans le In d’Avignon cet été. Je suis une grande fan du roman d’Ayn Rand, ainsi que du film de King Vidor avec Gary Cooper et Patricia Neal. J’ai trouvé l’approche d’Ivo Van Hove, extrêmement intéressante dans la modernité de la proposition aussi bien que dans la compréhension de l’œuvre originale. On a cru ne pas pouvoir finir la pièce à cause du temps avignonnais capricieux cette année, mais heureusement, les cieux ont été plutôt cléments et la pièce a pu se terminer. Un grand moment de théâtre !

Un grand souvenir de cette année 2014, c’est La Finta Giardiniera de Mozart à l’Opéra de Lille, mis en scène par David Lescot et dirigé par Emmanuelle Haïm. Une mise en scène enlevée, où l’humour a une place de choix, sert merveilleusement bien cette pièce un peu moins connue de Mozart. Avec une Erin Morley qui interprète avec beaucoup de justesse et de malice la fausse jardinière qui fait tourner les têtes. Cette bien jolie production a ravi le public lillois, et nous avec lui !

Enfin, on file au Prato, théâtre international de quartier dédié au cirque dans le quartier de Moulins, à Lille, pour Vous êtes ici, un spectacle à la fois drôle et inventif, plein de cette créativité qui caractérise les jeunes comédiens. Débordant de poésie et plein d’un humour à la fois fin et tellement bien pensé, Vous êtes ici mérite d’être vu et revu, tant il est riche de trouvailles et de belles images.

Christophe

Schwanengesang D744, un concert avorté, une anti-performance radicale et dévastatrice dans laquelle Romeo Castellucci explore la faille humaine et la perte de soi à travers la figure explosive de l’artiste en proie au doute et mis à nu.

Idiot ! Parce que nous aurions dû nous aimer, car le théâtre de Vincent Macaigne frappe fort, secoue et renverse, il impose autant d’excès que de déchirure et fait prendre de plein fouet toute la fureur, la saleté, la beauté, le chaos du monde et son désenchantement.

Geschichten aus dem Wiener Wald (Légendes de la forêt viennoise), où l’humanité âpre et triste de Ödön von Horváth grimace et ploie sous les flonflons Straussiens et les confettis bigarrés dans un mise en scène bouleversante de Michael Thalheimer au Deutsches Theater.

Rien de moi, où se retrouvent pour la troisième fois Arne Lygre et Stéphane Braunschweig dont les écritures textuelles et scéniques, elliptiques et dépouillées, se conjuguent formidablement jusqu’à un point culminant de mystère et de vérité, grâce aussi aux interprètes hypersensibles.

Les Aveugles, la sublime pièce de Maeterlinck mise en scène par Daniel Jeanneteau dans une configuration étonnante où l’espace obscurci et étouffé par un épais brouillard fait vivre aux spectateurs troublés, aveugles parmi les aveugles, l’éprouvante expérience de la cécité.

En bonus, deux opéras mémorables : Le Ring de Bayreuth et Les Contes d’Hoffmann du Teatro Real de Madrid. Pour sa première mise en scène lyrique, le dynamiteur Frank Castorf s’attaque à la Tétralogie de Wagner et dans le temple sacré de la colline verte… Il saisit l’occasion d’en découdre formidablement avec les mythes en réalisant une mise en scène anarchiste et décadente, résolument matérialiste et volontiers provocatrice et signe le Ring des illusions perdues. Dernier spectacle produit par le grand directeur d’opéra Gerard Mortier tristement disparu quelques mois plus tôt, le chef d’œuvre d’Offenbach magistralement défendu par des complices de toujours, le chef Sylvain Cambreling et le metteur en scène Christoph Marthaler qui livrent, à travers la figure saisissante de l’artiste dépourvu d’inspiration, le portrait d’une Europe désabusée.

 

 Visuel : ©  Wolfgang Kirchner

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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