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Edito : Mémoires de l’esclavage et chaînes contemporaines

Edito : Mémoires de l’esclavage et chaînes contemporaines

10 May 2012 | PAR Yaël Hirsch

Ce 10 mai 2012, entre journée européenne, élections, grand week-end, ce jour de commémoration de l’abolition de l’esclavage, nous ne voulions pas encore une année le passer sous silence.

La rédaction a été marquée par une longue année d’attente pour l’ouverture quasiment occultée du mémorial à Nantes, ville clé du commerce triangulaire. Elle fut ensuite heurtée par certaines fausses notes au milieu de plein de bonnes intentions du complexe Musée du Quai Branly. Encore une fois, à travers le théâtre d’un Koltès ou d’un Niangouna, la danse d’Une Robyn Orlin ou la musique d’un tout grand comme Arthur H., nous avons voulu, dans ce dossier spécial, réfléchir sur l’actualité de l’esclavage. Une actualité en grande partie liée à la mémoire d’un fait historique terrible, mais également liée à de nouvelles formes de domination.

11 ans après l’adoption de la Loi “Taubira”, reconnaissant la traite et l’esclavage comme crime contre l’humanité (loi n° 2001-434 du 21 mai 2001) tracer une ligne entre une histoire horrifiante que certains hauts lieux du commerce triangulaire préféreraient  oublier et un présent marqué par de nouveaux types d’esclavages…

Qui dit esclavage pour un européen, dit aussi colonisation et la ligne est difficile à à tracer dans le mesure où le geste même de décréter un dominant et un dominé, un sur-homme et un sous-homme, n’a rien de romantique, mais tout d’une séparation criminelle qui ouvre la porte au pillage, puis à l’extermination. Avant même toute théorie raciste ou racialiste, l’esclavage est la part d’ombre des fondements mêmes de l’occident, qu’il s’agisse de la naissance de la démocratie (Les athéniens du Ve siècle avant Jésus-Christ étaient esclavagistes), du droit (Rome) ou de celle de l’État (le  commerce triangulaire commence exactement au moment de la sortie de l’obscur “Moyen-Age” et donc du fameux processus de “civilisation” et de centralisation avec la naissance des États).

Et il est bien difficile de se rappeler cette part d’ombre dans l’histoire de nos sociétés : l’archéologie de l’esclavage exhume trop de chaînes et trop peu de voix. Ce rappel, ainsi qu’une réflexion sur notre perception de l’autre, sur la tentation de toujours le répertorier et classifier en dessous – dans la zone de l’exploitation – est cependant impératif. Parce que sous des  formes diverses, plus ou moins inexorables et plus ou moins cachées, l’exploitation de l’homme ou la femme  par l’homme (ou la femme) existe encore en 2012, nous ne pouvons pas nous permettre d’oublier une journée aussi importante que le 10 mai. Une journée d’ailleurs aussi pleine de joie que de douleur, qui,  tout en rappelant les fers, fête  la liberté et la libération par le droit.

Bonne lecture du dossier

Passez un beau, profond et libre 10 mai !

La rédaction.

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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