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AudioGhost68, ou redonner vie au village œuvre d’art d’Alberto Burri

AudioGhost68, ou redonner vie au village œuvre d’art d’Alberto Burri

20 October 2015 | PAR Melissa Chemam

A l’occasion du centenaire de la naissance du grand artiste italien Alberto Burri, le sculpteur napolitain Giancarlo Neri a organisé une performance hors du commun à Gibellina Vecchia, en Sicile, au cœur de l’un des plus grandes œuvres de Land Art de Burri, Il Grande Cretto. L’œuvre a été construite sur les décombres de la ville détruite par un tremblement de terre en 1968. Samedi 17 octobre, a eu lieu AUDIOGHOST68, une œuvre de son et lumière créée par une formidable équipe anglo-italienne.

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Cachée au milieu de champs d’oliviers et de vignobles, dédale de nuances de vert et de blanc, la petite ville de Gibellina Nuova dénote en Sicile. Située au centre de la province de Trapani, loin des côtes et plages et donc des touristes, elle a des allures de ville fantôme, dépeuplée par le manque d’activité. Avec son architecture ultra-contemporaine, ses statues et œuvres d’art par dizaines, elle a moins d’habitants que de projets urbanistiques, dont certains restent malheureusement inachevés. A quelques centaines de mètres se trouve notamment la Fondazione Orestiadi, une merveille d’architecture rassemblant des œuvres d’artistes contemporains et une exposition consacrée à la place de l’islam dans la Sicilia Africana, la côte sud de la Sicile, imprégnée depuis des siècles par les échanges entre le sud de l’Europe et le nord de l’Afrique.

Il y a une raison à ce mélange unique. L’histoire de la petite ville sicilienne de Gibellina est à la fois tragique, inspirante et emplie de symboles. Presqu’entièrement détruite par le tremblement de terre qui frappe l’ouest de la Sicile en janvier 1968, une année qui secoua le reste de l’Europe par ses révolutions, la ville a été progressivement reconstruite quelques kilomètres plus loin, grâce à l’investissement et aux efforts de son maire, Ludovico Corrao, et l’intervention de nombreux architectes et artistes de toute l’Italie. Le site de l’ancienne ville, Gibellina Vecchia, a finalement été recouvert dans les années 1980 par une œuvre d’art monumentale, Il Grande Cretto d’Alberto Burri, un des plus impressionnants exemples de « land art » de l’artiste italien né en 1915, près de Pérouse, en Ombrie.

Célébrer le centenaire d’Alberto Burri et son œuvre Il Grande Cretto
En cet automne 2015, alors que le monde de l’art commémore le centenaire de la naissance d’Alberto Burri, notamment à travers une rétrospective au Guggenheim Museum de New York, Il Grande Cretto a finalement été complété à Gibellina Vecchia. Immense dalle de ciment d’un mètre cinquante de haut, sur des dizaines de mètres carrés, creusée d’allées correspondant aux anciennes rues de la ville, le Cretto de Burri est à la fois le sarcophage et le l’âme des anciens habitants de la ville. Il est encore entouré par les débris des maisons qui ont résisté au séisme.

C’est pour toutes ces raisons que s’est tenu samedi 17 octobre la première édition du Cretto Earth Festival, au cœur de l’œuvre de Burri, véritable ville symbolique. Pour l’occasion, les organisateurs du festival on réuni plusieurs artistes italiens et internationaux.

Un son et lumière fantôme
Inspiré par toutes ces occasions de célébration, le directeur des arts de la commune de Gibellina, Giuseppe Zummo dit ‘Peppe’, a eu une idée lumineuse : redonner vie au Cretto grâce à une œuvre-performance impliquant art, installations visuelles, et musique, ainsi que le public. Pour cela, il contacte deux artistes italiens, tous deux napolitains : le sculpteur Giancarlo Neri, connu pour ses œuvres également monumentales, et Massimo Passante, DJ et performeur.

La principale création au cœur de la soirée est une performance participative, œuvre de lumières, sons et interprétée par mille acteurs : le public lui-même. « L’art se fait par milliers » est le sous-titre de AUDIOGHOST68, mis en scène par Giancarlo Neri avec le musicien Robert Del Naja.

Né en 1955, Giancarlo Neri a vécu près de vingt à New York, où il a commencé une carrière de footballeur professionnel avant d’entrer en école d’art. Il est connu pour ses sculptures géantes, dont The Writer (Lo Scrittore) présenté à Rome et à Londres en 2005, ainsi que ses magnifiques installations de lumière dont l’une a déjà été accueillie dans le Cretto di Burri. Il envisage cette fois de mettre en place une performance incluant le public, où les spectateurs porteront eux-mêmes les lumières du spectacle à travers les allées de la sculpture recouvrant l’ancienne ville de Gibellina. Massimo ‘Max’ Passante a quant à lui vécu des années à Brighton, dans le sud de l’Angleterre. Tous deux ont comme ami commun Robert Del Naja, musicien et artiste de Bristol, membre fondateur et âme du groupe Massive Attack. Giancarlo et Max ont alors contacté Robert, dont Peppe est un grand admirateur, pour réaliser la création sonore de leur projet pour Gibellina et l’idée d’AUDIOGHOST68 est née au cours de l’été 2015.

Consulté à partir de la première idée de Giancarlo mêlant lumière et public participatif, Robert Del Naja suggère de créer un « programme radio fantôme », une bande-son réunissant les musiques et émissions de l’année 1968, où tout s’est arrêté à Gibellina. « La colonna sonora », bande originale de l’œuvre vivante, est diffusée sur plus de 250 postes de radio, installés dans toutes les allées du Cretto, parcouru par le soir de la performance par près de 2000 personnes munies d’une lampe torche sur le front. Elles illuminent ainsi de l’intérieur l’œuvre qui reprend vie à travers ses souvenirs sonores.

De Ennio Morricone au ‘Revolution’ des Beatles, en passant par des opéras italiens et des extraits de films et de journaux américains et siciliens, l’année 68 se déroule pour une heure depuis ces transistors. La soirée s’est ensuite poursuivie par un DJ set très britannique de Max Passante et une performance époustouflante du duo italien Percussion Voyager, qui joint un orchestre de percussions à sa playlist, déployant des trésors d’énergie.

« Nous voulions rendre hommage à cette grande œuvre, au grand artiste qui l’a créée, avec un travail collectif qui soulignerait encore sa grandeur avec un milliers d’entre nous », ont expliqué les artistes.

Les centaines d’habitants de la nouvelle ville se promenant ainsi dans les allées du Cretto aux sons si émouvants des radios ont ainsi pu communier avec ce passé pour mieux le transcender. Chef d’œuvre absolu.

visuels : Melissa Chemam. Plus de photos et d’infos sur le blog melissa on the road

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Melissa Chemam

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