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[Live report] Mulatu Astatke au Trianon : un peu d’Addis Abeba au pied de la Butte

[Live report] Mulatu Astatke au Trianon : un peu d’Addis Abeba au pied de la Butte

11 October 2013 | PAR Stéphane Rousset

Visuel MulatuAstatke HDIl est le père de l’éthio-jazz, ce syncrétisme musical entre une musique éthiopienne séculaire et un jazz teinté de soûl, de funk, et de rythmes latinos. Percussionniste, compositeur et arrangeur, Mulatu Astatke était au Trianon hier soir. Et nous aussi.

Une foule trentenaire et homogène de barbes de trois jours et d’épaisses montures de lunettes ; dans l’ambiance feutrée du Trianon, le public attend, assis par terre devant une scène encore vide. Puis les lumières s’éteignent et le brouhaha se dissipe ; il est 19h40 quand Debademba investit la scène. En première partie du légendaire Mulatu Astatke, le duo captive l’audience dès les premières notes jouées par Abdoulaye Traoré. La guitare sèche du Burkinabé accompagne la voix aiguë du griot malien Mohamed Diaby. Les spectateurs sont happés par la mélancolie du premier morceau ; Ismaël Lô n’est pas loin. D’abord silencieuse, la salle ovationne le duo avant de l’accompagner en tapant des mains. Celles du chanteur sont le seul autre instrument sur scène, et ce dernier en joue tel un manouche africain. Trois petits morceaux et puis s’en vont, pour laisser la place au pape de l’éthio-jazz.

Ceux qui étaient encore au bar rejoignent la salle qui se noircit a vue d’œil. Il est 20h30. Deux heures plus tôt, une longue file d’attente serpentait déjà sous la pluie et sur le boulevard de Rochechouart. Le Trianon annonce complet et les malchanceux cherchent désespérément des places sous le manteau. Sous la statue qui surplombe la scène, la lumière se tamise et rougit, l’ambiance se fait crépusculaire. Les 7 membres du groupe anglais Step Ahead sont vite rejoints par celui que tout le monde attend. Sur le devant de la scène, en chef d’orchestre, le compositeur est au xylophone. Un premier titre dans le style typique de l’ethio-jazz en guise de longue introduction laisse les spectateurs curieux. Mulatu se lance alors dans un solo de xylo, vite rejoint par la section cuivre. Aux premiers souffles combinés du saxo et de la trompette, la salle reconnaît la mélodie entêtante de Yekermo Sew et exulte. Morceau phare des compilations Ethiopiques et du film Broken Flowers de Jim Jarmush, il s’agit du “tube” qui a fait la renommée de l’éthiopien en Occident.

http://www.youtube.com/watch?v=3fdMZGd6BZ4

Le public est conquis et la soirée lancée. Astatke déroule les titres de Sketches Of Ethiopia, son dernier album. Plus arrangeur que soliste, Mulatu passe du xylophone à la batterie ou aux congas, et offre de longues plages d’improvisation à ses musiciens. Saxo, trompette, flute, piano, percus, au fil des morceaux, chacun y va de son solo et le sol du théâtre tangue en rythme sous les pieds de la foule. Une foule qui se tait quand arrive Motherland, au pic de la soirée. Le morceau est réinventé sous la forme d’un trio piano-violoncelle-xylophone. Les accents tristes évoquent le mal du pays, mais s’adoucissent quand le reste du groupe l’enrobe d’une rythmique suave et latine. Le contraste donne naissance à une musique cinématographique; on retrouve un peu d’Addis Abeba au pied de la butte Montmartre.

Pas question d’attraper la saudade après ces faux-airs de bossa nova, alors on enchaîne avec des breakbeats funk et des cuivres soul sans jamais délaisser les rythmiques est africaines. Tout le monde sent la fin du concert proche, alors, comme pour se faire pardonner, Mulatu a préparé une surprise au public acquis à sa cause: pour l’accompagner sur les derniers titres, il sort de son chapeau Gaël Faye. Les couplets du MC franco-rwandais s’échappent d’un large sourire: impossible pour lui de dissimuler sa joie de partager la scène avec le maître. Ils sont désormais 9 pour revisiter Yegelle Tezeta, l’autre morceau phare du père de l’ethio jazz.

Après un dernier rappel, les lumières reviennent et dévoilent des mines souriantes dans l’audience. Il est temps de rentrer. Surprise, la pluie s’est arrêtée.

Visuel : (c) pochette de Sketches of Ethopia de Mulatu Astatke

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Stéphane Rousset

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