Musique

Triomphal Couronnement de Poppée au TGP

09 March 2011 | PAR Christophe Candoni

Programmer un opéra dans un centre dramatique national en banlieue, c’est la géniale ambition qu’a eue Christophe Rauck pour sa première saison au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis en mettant en scène Le Couronnement de Poppée de Monteverdi grâce au concours de l’Arcal et de l’ensemble baroque Les Paladins que dirige Jérôme Correas. Un an plus tard, la reprise de ce spectacle s’imposait car la réussite est totale, tant scénique que musicale, et le public vient en nombre.

Après l’Orfeo et Le Retour d’Ulysse, Le Couronnement de Poppée est le dernier et sublime chef d’œuvre de Monteverdi à qui on attribue par tradition la naissance de l’opéra. Durant trois actes précédés d’un prologue, l’intensité dramatique va croissante sans jamais faiblir et c’est un bonheur d’écouter cette bouleversante mise en musique des passions. L’émotion trouve son acmé lors de l’ultime duo entre Néron et Poppée. Comment contenir ses larmes à l’écoute du « Pur ti miro » qui signe après trois heures de musiques le triomphe de l’amour.

Le Néron de Maryseult Wieczorek est un personnage jouisseur et capricieux, fuyant et insaisissable qui a vite fait de quitter la moiteur des draps de Poppée pour rejoindre la lagune sur une gondole d’opérette. Valérie Gabail déploie des trésors de séduction et de sensualité dans le rôle de Poppée. Les deux sopranos forment un beau duo, magnétique et très en voix. Justement, le succès du spectacle tient à l’engagement, l’investissement scénique des artistes, tous talentueux, dont fait partie Dorothée Lorthiois, une voix magnifique, qui interprète Drusilla avec force.

Comme d’habitude, Christophe Rauck a recours à une esthétique mélangée et dépouillée, plus proche de l’évocation que de l’illustration pure, mettant en avant, avec des moyens très simples, la théâtralité et l’imaginaire. Néron est despote mais aussi mari volage et, pour le metteur en scène, l’amour impose la fuite. Tandis que la pauvre Octavie répudiée (Françoise Masset) se lamente sur son humiliation dans les sombres murs du palais, l’empereur romain convole avec sa maîtresse, Poppée, dans les tentures rouge vif et les paillettes dorées d’un carnaval vénitien fait d’apparitions masquées, d’illusions et de fantasmes. Ce petit déplacement géographique par rapport au livret est aussi un clin d’œil à la ville de Venise et au théâtre San Giovanni e Paolo, lieu qui vit en 1643 la première représentation de l’Incoronazione di Poppea. C’est simple et beau, lumineux, une vision du baroque. La mise en scène se veut très attentive à ce que disent le texte et la musique. Elle joue avec intelligence sur différents registres : évidemment le drame dans lequel se mêlent des intrigues politiques et sentimentales, et aussi le comique de certaines situations, les travestissements qu’impose la partition. Les ténors Romain Champion dans Lucain perché sur des talons aiguilles et Jean-François Lombard dans la nourrice font tordre de rire. Et puis, il y a cette charmante scène des valets partis en goguette amoureuse sur une Vespa à travers Rome.

Poppée veut la couronne, elle l’obtiendra. Pour le final, visuellement très réussi, les amants referment le rideau de scène sur un globe qui prend feu, ainsi va le monde qui se consume sous les flammes de la passion.

 

 

visuels Anne Nordmann

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Christophe Candoni
Christophe est né le 10 mai 1986. Lors de ses études de lettres modernes pendant cinq ans à l’Université d’Amiens, il a validé deux mémoires sur le théâtre de Bernard-Marie Koltès et de Paul Claudel. Actuellement, Christophe Candoni s'apprête à présenter un nouveau master dans les études théâtrales à la Sorbonne Nouvelle (Paris III). Spectateur enthousiaste, curieux et critique, il s’intéresse particulièrement à la mise en scène contemporaine européenne (Warlikowski, Ostermeier…), au théâtre classique et contemporain, au jeu de l’acteur. Il a fait de la musique (pratique le violon) et du théâtre amateur. Ses goûts le portent vers la littérature, l’opéra, et l’Italie.
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