Musique
Fantaisie militaire et danses russes, Stravinsky rencontre Fanny Ardant et le Philarmonnique de Radio France à la Cité de la Musique

Fantaisie militaire et danses russes, Stravinsky rencontre Fanny Ardant et le Philarmonnique de Radio France à la Cité de la Musique

03 April 2012 | PAR Bérénice Clerc

Stravinsky était à l’honneur Cité de la Musique, L’histoire du soldat finement interprétée par Fanny Ardant en compagnie des musiciens du Philarmonique de Radio France très à l’écoute et Petrouchka en demi- teinte, une musique puissante et bien livrée mais la présence d’une danseuse en avant -scène peu convaincante hélas.

L’histoire du soldat est une musique de scène composée par Stravinsky en 1917 pour 7 instruments, violon, contrebasse, basson, cornet à pistons, trombone, clarinette et percussions, sur un texte de Charles-Ferdinand Ramuz pour trois acteurs, le soldat, le narrateur et le diable.

Le propos de la pièce est faustien, il trouve également ses sources dans un vieux conte russe, un soldat pauvre vend son âme, métaphorisée par un violon, au Diable contre un livre aux pouvoirs prédicateurs d’avenir et gage de fortune future. Après avoir montré au Diable comment se servir du violon, il rentre dans son village. Hélas, au lieu des trois jours promis, le séjour passé avec le Diable a duré trois longues années. Tout le village pense le soldat mort, personne ne  le reconnaît, sa mère le fuit comme un revenant et sa fiancée est mariée avec des enfants. Bouleversé et seul, le soldat utilise son livre magique pour devenir fabuleusement riche. La richesse ne fera pas son bonheur, il veut retrouver sa vie d’avant où son violon le réjouissait. Il défie le diable aux cartes, lui propose son argent contre le violon. Le Diable gagne, mais enivré par ses gains il se laisse voler l’instrument. Le soldat retrouve son âme d’enfant et séduit au son de son violon la princesse malade promise par son père le Roi à qui la guérirait. Malheureusement à la recherche d’un bonheur toujours plus grand, l’insatisfaction pousse la princesse et le soldat à quitter le royaume et ainsi désobéir au Diable. Le soldat est emporté en enfer. L’œuvre se termine par le triomphe du démon dans une marche sarcastique.

La Cité de la musique un dimanche, pleine du sol au plafond, un espace scénique transformé, la petite formation musicale s’installe en avant scène, Fanny Ardant, élégante, sobre et belle les suit puis se place derrière eux, surélevée. Les pieds sans chaussure, sur le sol pour trouver les appuis de son texte, la musique démarre,  rythme saccadé, Fanny Ardant commence l’histoire, scande, vibre, articule et entraine les spectateurs dans une marche vive et fantaisiste. Souvent jouée ou récitée  par des  hommes, l’Histoire du soldat prend ici les contours de la voix féminine de l’actrice en fusion avec la musique pour une interprétation fine des trois personnages. Son corps est engagé, sa voix limpide, claire rend visible les scènes et fait vivre chaque personnage avec une saveur, une musicalité différentes. Tango, Ragtime,  suite pour piano clarinette et violon, la musique sonne très bien et participe pleinement à l’histoire. La direction d’Arvo Volmer, remplaçant Pablo Heras-Casado souffrant, est vive, passionnée, précise, académique et enthousiaste.

Un entracte plus tard, Petrouchka sous-titré scènes burlesques en quatre tableaux est un ballet composé par Stravinsky en 1910, 1911. Tout commence, un jour de mardi gras… Inutile de raconter l’histoire de Petrouchka puisqu’il n’en sera pas question lors de cette interprétation où une danseuse chorégraphe au très joli parcours, Raphaëlle Delaunay a été invitée pour un solo et un projet de rencontre artistique très attirant.

Le Philarmonique de Radio France est au complet, la musique sonne et prend l’espace comme dans un film hollywoodien enveloppé de guimauve sirupeuse mais enjôleuse, la danse musicale est agréable.

L’orchestre est très précis, les musiciens multiples. Accord Petrouchka, intervalle diminué, tout y est pour faire vibrer les spectateurs. Une danseuse arrive avec des béquilles, grises, ternes, loin de l’accessoire magique et fantastique comme suggère la composition. Tel un cygne bleu elle enchaine avec ses béquilles des figures techniquement complexes mais hélas vides d’émotion, de partages et de liens avec la musique. Il en fut hélas de même lors de tous les passages dansés, longs colliers de perles bruyants, mouvements sans élégance disharmonie avec l’orchestre et le chef qui ne déméritent jamais.

Le summum du ratage fut la dernière séquence où la danseuse fait mine de bouger son corps sur du Hip hop, entre Mickael Jackson et le rap mal digéré, rien n’ est en place, là ou elle pourrait triompher, le public rire, la suivre et applaudir un décalage possible, la danseuse se retrouve seule à applaudir sous le regard d’un chef mimant l’étonnement de la voir bouger, crier en dehors de sa musique… Quel dommage, Raphaëlle Delaunay est à n’en pas douter une grande danseuse, peut-être a-t-elle manqué de répétitions avec l’orchestre ou de regard extérieur…

Les rencontres artistiques sont tellement rares, quelle joie pourtant quand l’orchestre,  croise la danse, la voix, l’art plastique et la mise en scène ! L’art rend l’erreur possible, il faut l’accepter.

Les théâtres, opéras et lieux de musique doivent soutenir les collaborations artistiques pour laisser place à de nouvelles formes toujours plus riches.

L’orchestre symphonique d’Ile de France a fait des prouesses avec Fanny Ardant en grande forme pour l’histoire du soldat et a sauvé la mise pour Petrouchka grâce à un son léger et dense.

 

Visuels © : JF Leclerc et Carole Bellaiche.

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Bérénice Clerc
Comédienne, cantatrice et auteure des « Recettes Beauté » (YB ÉDITIONS), spécialisée en art contemporain, chanson française et musique classique.

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