Rap / Hip-Hop
[Live report] Shabazz Palaces au Batofar

[Live report] Shabazz Palaces au Batofar

24 October 2014 | PAR Bastien Stisi

Mogwai, Metz, Beach House, Avi Buffalo, Chad Van Gaalen, Fleet Foxes, Dum Dum Girls…et Shabazz Palaces ? Sub Pop avait surpris son monde il y a trois ans en accueillant dans sa maison infiniment marquée « indie rock » l’extrémiste Black Up, le premier album du duo formé par les MC Ishmael Butler (aka Palaceer Lazaro) et Tendai ‘Baba’ Maraire, un disque qui devait devenir dans le même temps la toute première signature hip hop du mythique label de Seattle…Loin de la côte Est, le duo était hier soir dans le sous-sol sombre et humide du Batofar.

Et il y a fort à parier que la proximité géographique existant entre le tandem et son label (les deux viennent donc de la ville de l’État de Washington) n’est pas la seule raison de ce que l’on avait vu alors comme une cohabitation bien étrange. Car Sub Pop, dans l’imaginaire collectif, c’est d’abord Kurt Cobain et Nirvana, et par filiation l’émergence de la musique grunge, révoltée et un brin réac, qui avait fait savoir au début des années 90 qu’il convenait désormais de dire merde au diktat du présent (à l’époque, la new wave devenue massivement racoleuse) afin de revenir aux fondamentaux du passé (à savoir, le combo chant / guitare / basse / batterie / cheveux sales).

Shabazz Palaces est également un groupe grunge, et c’est ce qui a dû plaire aux gens de Sub Pop. Sauf que les guitares sont remplacées ici par des beats tortueux et des percussions triballes qui viennent accompagner les Macintosh sur scène, que le rock s’appelle hip hop, que les ennemis à combattre sont le rap musclé et autotuné, et que les héros à qui rendre hommage s’appellent Wu-Tang et les groupes étiquetés West Coast 90’. Le lien est tortueux, mais il existe.

On parlait d’hommages. Et on ne devrait pas. Car si le second album que le duo présentait hier soir au Batofar se nomme Lese Majesty, c’est qu’il s’agit bien justement de ne dresser de révérence à qui que ce soit. Alors, on emmerde les spectres du passé (bien que les beats paraissent parfois hantés…) et les collègues parfois semblables du présent (ceux de l’écurie Odd Future, surtout Tyler The Creator et Earl Sweetshirt), on dégueule contre les puissants et contre ceux qui incarnent le pouvoir spoliateur, et on le fait avec une désinvolture qui n’aura d’égale que son élégance forcenée. On porte, aussi, autour du cou, une écharpe aux motifs écaillés (on connaît la fascination du groupe pour les serpents…) histoire d’amuser la galerie (blindée).

Les deux rappeurs balancent leur tube sinoque comme s’ils souhaitaient rapidement s’en débarrasser (le toxique « #CAKE »), déglutinent leurs morceaux avec une linéarité monolithique, alternent leur flow jumeaux avec quelques séquences préenregistrées, et feront bouger les têtes des plus habités sans toutefois les brusquer. Car il n’y aura ici ni hymne, ni mélodie, ni refrain pour se rassurer. C’est aux origines d’un hip hop pas encore galvaudé que l’on songe. Celui qui sent le soufre et ces séditions dont on élabore les plans dans l’intimité bruyante des caves. Hier soir, dans celle du Batofar, pas sûr que tous auront entendu et compris le chant de la révolte. Et peu importe :  l’essentiel est qu’il ait été entonné.

Visuel : (c) Batofar

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Bastien Stisi
Journaliste musique. Contact : [email protected] / www.twitter.com/BastienStisi

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