Pop / Rock
[Live report] Ought à La Maroquinerie

[Live report] Ought à La Maroquinerie

26 November 2015 | PAR Bastien Stisi

Quelques jours après le live, mystique, gangréné et tournoyant, proposé par Jerusalem In My Heart (avec Suuns) à l’Institut du Monde Arabe, c’était hier soir au tour d’Ought, autre signature de l’excellent Constellation Records (qui héberge aussi Godspeed You !, Tindersticks ou encore Silver Mt Zion), d’investir la capitale parisienne. C’était à La Maroquinerie.

Et 10 jours après les attentats du Bataclan et des terrasses, il nous aura fait un sacré bien, ce live-là. Car malgré un début un peu timoré, où la désinvolture viscérale de Tim Beeler, de son phrasé singulier et de ses mimiques digitales (il fait parfois des signes avec ses doigts, comme s’il nous disait « attention j’tai à l’œil »), donneront d’abord le sentiment de se retrouver devant un groupe de poseurs pas tout à fait à l’aise, justement, avec les poses proposées, ce live, diesel, évoluera progressivement vers ce que l’on avait pu voir cet été, lors d’un dimanche ensoleillé, lorsque le quatuor avait (enfin) convaincu qu’il était capable de s’avérer aussi s’excitant en live qu’il l’était jusqu’alors en studio. Très capable même.

Depuis ce live estival (c’était à Villette Sonique, sur une scène extérieure), le quatuor montréalais a eu le temps, en plus de cet EP (Once More Feeling…) dont il avait alors interprété quelques extraits, de sortir un second album, le très bon Sun Coming Down, un album évidemment présenté hier soir et porté par quelques extraits (« Sun’s Coming Down », « Celebration », « Men For Miles ») qui imitent, sans les surpasser, ceux d’un premier album qui avait imposé il y a un an et demi la puissance d’un post-punk patient, divagant, tendu et parfaitement lettré (on avait alors parlé de « spoken-punk »).

Alors, dans la fosse, et lorsque résonnent les émanations (« Habit », « The Weather Song », « Around Again ») de ce premier album qui paraît, considérant la manière dont il est reçu, avoir déjà tout d’un classique du genre, des sourires se dessinent et des lèvres s’agitent. Des corps se délient et d’autres se percutent, sagement. Tout semble normal, en somme. Même si Tim et le groupe interrompent un instant la récitation de leur set, le regard un peu égaré, afin d’adresser leurs pensées sincères aux victimes d’hier (salut Thomas, on espère que t’as pu voir tout ça, de là où t’es). On applaudit très fort. Vraiment très fort. On s’égare forcément un instant. Et on repart.

Les rappels (puisqu’il y en aura deux) feront figure d’apothéose. Le premier est factice et attendu, puisque le grand tube du quatuor, l’immense et vivant « Today More Than Any Other Day », qui avait donné son nom au premier album, n’avait alors pas encore été interprété. On répète des onomatopées débiles (« lalalalalalalalala ») à gorge déployée. Ça fait du bien.

Le second rappel, lui, n’était sans doute pas prévu. La foule réclame un retour, qu’elle obtient, et acclame l’interprétation, furieuse, du magistral et sauvage « Pleasant Heart », véritable point culminant d’un live absolument essentiel, la plus nette et la plus pure des réponses contre l’obscurantisme et la terreur que la lâcheté immonde et la barbarie sectaire a voulu imposer dans les esprits. « I’m no longer afraid to die », affirme Tim sur « Beautiful Sky ». Nous non plus. Et de vivre non plus d’ailleurs.

Visuels : (c) Robert Gil

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Bastien Stisi
Journaliste musique. Contact : [email protected] / www.twitter.com/BastienStisi

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