Pop / Rock
[Live-Report] Foxygen à la Machine (01/06/2015)

[Live-Report] Foxygen à la Machine (01/06/2015)

03 June 2015 | PAR La Rédaction

Depuis 2 ou 3 ans, les gamins californiens de Foxygen font le buzz et divisent : leur démarche de chineurs de bons plans Swinging London s’apparente à du pastiche pour les uns, à de la brillante réappropriation tribute, pour les autres. Avant que leur concert ne débute, ce lundi 1er juin à la Machine, une question se pose : quels illustres fantômes du passé ces petits génies ou petits malins, c’est selon, allaient-ils convoquer sur scène ?

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Il est pas loin de 21 heures et on a un peu peur. Ces histoires de fantômes ne sont pas faites pour nous rassurer. On a beau avoir révisé nos chromos psyché, allait-on être capable de relever toutes les références qu’on s’attend à voir étalées sur scène comme elles le sont sur les galettes de ces post-ado érudits-rock ? Tiens, un peu de rage Townshend (The Who) ; bon sang, de la sexiness fofolle Robert Plant (Led Zeppelin) ; my God, du glam furieux Marc Bolan (T-Rex)… Ou alors ces marqueurs absolus allaient-ils être, on l’espérait, la matière première d’une performance inédite ? En d’autres termes : allait-on voir « du Foxygen » sur scène comme on voit « du Tarantino » à l’écran ?

L’enjeu est de taille. Alors on a un peu peur. Et pour couronner le tout, ça commence de façon déconcertante. Sur scène, les claviers et la batterie sont recouverts de guirlandes rutilantes, kitsch de noël et bande-son orgue de barbarie (qui joue « Hey-hi, hey-ho, on rentre du boulot » (!)),
façon fête foraine. Mince, on ne s’attendait pas à ce que papy Tom Waits soit invité à la boum ! Le Foxygen-on-Tour déboule enfin sur scène : le chanteur Sam France et le claviériste Jonathan Rado, créateurs du groupe, accompagnés de leurs batteur et bassiste habituels, plus deux guitares, et trois choristes déchaînées.

« We are the 21st Century Ambassadors of Peace and Magic », un premier morceau qui n’est pas qu’une profession de foi : c’est aussi le titre éponyme de leur pénultième LP, 2012, celui de la consécration – comprendre : du (très grand) succès d’estime et du (respectable) succès commercial.

Suit un autre titre de cet album, “On Blue Montain”. Comme pour le précédent et ceux qui suivront, le morceau est maltraité, étiré, méconnaissable par moments, mais balancé avec une belle énergie et une maîtrise impeccable. Puis, quand s’enchaînent trois titres du controversé (on y reviendra) dernier opus, « … And Star Power », on se dit que c’en est fini des petits bijoux de « We are the 21st Century Ambassadors… ». D’autant que Sam France, dans un moment assez hallucinant, sort de derrière les fagots une pochette format vinyle de « We are the 21st Century Ambassadors… » et la déchire avec rage et délectation. Pour signifier, d’une façon bien peu diplomate pour un « ambassador », qu’à présent, on oublie le passé ? Même pas : d’autres titres de l’album seront interprétés par la suite. A vrai dire, tout ça est un peu flou, mais on en n’est qu’au début de notre étonnement. Et de notre perplexité.

Mais à part lacérer un morceau de carton, puisqu’apparemment il ne fallait pas voir plus loin que ça, que fait donc Sam France ? Il chante, bien, de son organe modulable à l’envi. Il se jette par terre, donne des coups de pied de danseuse, entre autiste lourd et kung-fu master. Et, bien sûr, ne peut échapper aux poses hautaines du sex-appeal rock’n’roll, avec caresses de son torse ceint dans une chemise de playmobil, et moues idoines.

Au bout d’une quarantaine de minutes de show, vont s’enchaîner trois évènements remarquables.

Dans un concert rock, il n’est pas rare qu’une discussion s’engage entre les musiciens. Ca sert à les rendre plus humains, à créer de la complicité avec leur public, à le faire rire aussi, car, bien sûr, c’est drôle et censément spontané. Chez Foxygen, c’est un sketch qui est mis en scène, façon sit-com, avec répliques qui fusent et prétexte débile, en l’occurrence une partie de cartes que joueraient en loucedé le bassiste et l’un des gratteux pendant le concert, alors que bon, ça se fait pas. Comment des gamins aussi respectueux de leurs aînés quand ils sont en studio peuvent-ils se foutre d’eux avec une telle morgue une fois qu’ils mettent le nez dehors ?

A l’issue de la sit-com, le groupe fait une pause. Oui : il fait une pause. Les zicos vont se fumer une clope, se boire un verre ou pisser un coup, on n’en sait rien, en tout cas, ils font une pause. Or, normalement, les rockers ne prennent pas de pause : ils arrêtent leur concert car il est fini, puis reviennent sur scène car le public les rappelle, puis quittent la scène car leur rappel est fini, puis reviennent sur scène car le public les rappellent, puis quittent la scène parce que leur deuxième rappel est fini, mais ne reviennent pas parce que faut pas déconner.

Les Foxygen, eux, prennent une pause. Puis une deuxième un peu plus tard. Ce sont des pauses, c’est tout. D’ailleurs, ils les présentent comme telles à un public médusé, qui se dirigera vers le bar de la Machine, au moment du rappel traditionnel. Apparemment, le message était passé.

Enfin, juste avant la fin de cette fameuse « pause », alors que la scène est toujours déserte, le public est gratifié de la version studio de “San Francisco”, tirée de « We are the 21st Century Ambassadors… ». Sacrilège ! Dans un concert rock, la musique enregistrée préfigure le rallumage des lumières de la salle, annonce la fin du show. Là, ce n’est visiblement qu’une petite provocation liée à l’attente du public, peut-on imaginer, mais rien n’est moins sûr.

Ont-ils conscience, les Foxygen, qu’ils cassent ici des codes essentiels du concert rock ? Ce n’est pas sûr tant tout baigne dans une sorte de nonsense assumé. Perplexité donc, d’autant que l’empathie à l’égard du public n’est pas du tout évidente.

Foutraque. C’est le mot qui vient à l’esprit. C’est aussi celui qui est le plus fréquemment employé concernant leur dernière production, le double-CD de 24 titres « … And Star Power ». La critique concernant l’album nous semble injuste : les doubles sont souvent foisonnants et désordonnés, qu’il s’agisse, pour taper dans le dur, du white album des Beatles ou du London Calling de The Clash. Celui de Foxygen, à la limite, réserve une cohérence plus grande que la plupart de ses illustres ancêtres. Un CD pop / un CD expérimental. Et, bien sûr, sur les quatre morceaux de cet opus proposés à la Machine, les Foxygen se sont amusés à en piocher trois dans la galette la moins accessible… Et « oublié » de jouer le tube de l’album, “How Can You Really ?”

Si c’est pas charmant, ça ! Oui, mais foutraque, donc. Et foutraque, si pour un double ça passe, pas pour un concert. Un concert, c’est un voyage, soit : un point de départ et une destination. Le public – ils étaient 600, ils auraient pu être un tiers de plus, tous ayant au moins une fois et demie l’âge des zozos sur scène – est resté sur le bord de la route.

On comprend vaguement qu’on a assisté à une tentative de Rock’n’roll Circus. Mais le résultat relevait davantage du bordel ambiant. 10 titres, 1h15 de concert, emballé, c’est pesé, les barmaids de la Machine sont prises d’assaut alors que les vibrations de la dernière disto flottent encore dans l’air.
On avait peur, nos craintes étaient justifiées, mais au final, on a vu « du Foxygen ».

photo : (c) alias production

David KELLER

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