Pop / Rock
[Interview] Bonnie Tyler, Rocks and Honey: “J’ai vraiment essayé de faire de mon mieux, de prendre mon temps, de m’entourer des meilleures personnes.”

[Interview] Bonnie Tyler, Rocks and Honey: “J’ai vraiment essayé de faire de mon mieux, de prendre mon temps, de m’entourer des meilleures personnes.”

31 May 2013 | PAR Marie Charlotte Mallard

Après huit ans d’absence, Bonnie Tyler nous revient avec un nouvel album « Rocks and Honey ». A cette occasion, elle était cette semaine à Paris pour le présenter au public français. Drôle, simple, avenante, et  d’une énergie débordante, celle que l’on surnomme  la Reine du Rock nous a fait part de son immense enthousiasme, de son affection particulière et de sa fierté pour ce nouvel opus. Un moment, charmant, chaleureux et pétillant, une rencontre résolument joyeuse et sincère. 

cover BONNIE TYLERTout d’abord, qu’est-ce que  ça fait d’être choisie à l’Eurovision pour représenter son pays ?  Aviez-vous déjà participé à un concours de ce genre auparavant ?

Lorsque j’étais jeune, avant de débuter ma carrière et de faire des disques, j’avais en effet participé à une compétition de jeunes talents ou j’étais arrivée deuxième ! Mais c’était dans un petit club de rugby au Pays de Galles ou les jeunes jouaient avec la France assez souvent d’ailleurs…

En ce qui concerne l’Eurovision, c’est un peu surprenant qu’ils m’aient choisie car en 1983 j’avais refusé.  A cette époque j’étais numéro un aux Etats-Unis ainsi qu’en Angleterre et l’Eurovision était encore un concours de jeunes talents, cela ne m’aurait pas semblé très juste par rapport aux autres participants. Aujourd’hui on sait que bien plus qu’un concours de chansons, c’est quelque chose de politique, et c’est très dommage d’ailleurs, c’est même une honte… Je savais très bien que je n’allais pas gagner, mais malgré tout cela, malgré le côté politique, je me suis dit qu’avec mon retour, la sortie de mon nouvel album c’était une opportunité à ne pas manquer, ainsi qu’une jolie publicité. C’est quand même un show regardé par plus de 20 millions de personnes ! Ce n’est pas rien, et aujourd’hui quand on est artiste ce n’est pas évident de s’offrir une si grande publicité…

Au-delà de ça, je dois avouer avoir passé un excellent moment et une superbe semaine. C’était vraiment très fun. Assez fatiguant évidemment, mais je recommande réellement aux artistes d’accepter et d’y aller. C’est une expérience extraordinaire et merveilleuse que de monter sur scène et d’arriver devant cette immense foule en délire. C’est véritablement fantastique.

Est-ce que c’était également un moyen pour vous de présenter votre nouvel album à la communauté internationale ?

Oui c’était exactement cela, mais je dois avouer que l’Eurovision est aussi liée à quelque chose de familial pour moi. Mon père et ma mère adoraient ce show et je sais qu’ils auraient été très fiers de me voir là-bas. Je me souviens que lorsque l’on était enfant, on se retrouvait chaque année devant la télévision pour  regarder l’Eurovision, on avait chacun nos papiers pour noter et comptabiliser les points, et on faisait des pronostics pour savoir qui allait gagner. Mes parents, auraient donc vraiment été très heureux de me voir représenter la Grande-Bretagne. Je sais que mon père serait allé dire à tous ses amis : «  hey regardez ma fille est à l’Eurovision ! » . Et puis, vous savez mon mari a représenté la Grande Bretagne également pour le judo aux Jeux Olympiques. Maintenant nous sommes tous les deux à avoir représenté notre pays!

Parlez-nous de ce nouvel album “Rocks & Honey”, est-ce que le mot honey (miel) laisse présager plus de douceur, une tendance plus soul  pour vous qui avez un univers très rock ?

Non pas du tout. En fait les mots Rock and Honey dans cet album viennent d’un duo avec Vince Gill, un immense et extraordinaire artiste primé 27 fois au Grammy Awards. Lorsque j’ai découvert ce duo, j’ai tout de suite pensé et espéré pouvoir le faire avec lui. Sa voix est véritablement comme le miel (honey) et la mienne est dur comme le Roc. Nos voix sont complètement différentes mais elles s’accordent très bien ensemble, ce contraste est vraiment très beau.

L’idée est également venue d’un ami qui en écoutant la chanson a évoqué cette comparaison entre la pierre et le miel. Je trouvais que cela pouvait réellement faire un bon titre. On a donc appelé cela Rock & Honey, qui n’est pas du tout le titre de notre duo, mais qui représente et convient parfaitement à cet album qui contient des chansons assez rock et d’autres plus douces et plus agréables comme la chanson Mom une chanson d’amour plus tendre.

Vous avez enregistré votre album dans le Tenessee, y retrouvera –t-on des influences Folk, Country, typiquement américaines et les Etats-Unis vous ont-ils insufflé un renouveau ?

Oui je suis allée à Nashville précisément et j’ai tout fait là-bas. En fait, je suis arrivée aux Etats-Unis sans rien, je veux dire par là que je n’avais aucune chanson. La seule chose que j’avais, c’était sept rendez-vous avec des maisons de productions qui espéraient pouvoir me proposer de bonnes chansons. Quand je suis arrivée, je n’arrivais pas à en croire mes yeux tellement la qualité des titres était bonne, c’était fantastique ! Ensuite, j’ai rencontré un producteur qui connaissait tous les bons musiciens sur Nashville et qui a créé le groupe qui allait m’accompagner en studio, ainsi que les choristes. Puis on a  travaillé dans un studio très connu du nom de Blackbird. Effectivement, tout cela a insufflé quelque chose de nouveau,  il y a des influences country tout au long de l’album, mais attention, pas de la country western ! C’est vraiment un beau mélange et j’en suis réellement  fière.

Vous avez travaillé avec de grands noms de la musique, notamment Bon Jovi. Avec qui avez-vous collaboré pour ce nouvel album ?

Avec Desmond Child qui a écrit pour Aerosmith et pour Bon Jovi notamment. C’est lui qui a écrit la chanson “Believe in me” et “Stuborn”. Dès que j’ai entendu ces deux chansons j’ai voulu les enregistrer  dans la semaine car je les adorais! Mais Desmond m’a répondu que ce n’était pas possible, qu’il ne les avait pas encore terminées et qu’il fallait qu’il rajoute un couplet. J’ai tellement insisté pour les enregistrer dans la semaine qu’il m’a proposé de venir dîner le lendemain soir. Lors de cette soirée beaucoup de personnalités étaient présentes, des gens que je ne connaissais pas mais qui étaient très reconnus là-bas, il y avait par exemple un producteur qui s’était occupé d’un album des Pink Floyd. J’avoue que je leur ai parlé très naturellement, comme je vous parle à vous… Avec le recul je me dis que ça ne se faisait peut-être pas, mais en même temps c’est peut-être aussi ce qu’ils apprécient, et c’est comme ça que ça marche….  En tout cas, c’était une très bonne soirée et Desmond a fini d’écrire la chanson sur un coin de table alors que nous étions en train de dîner. C’est incroyable, il est tellement talentueux. Le dernier couplet écrit ce soir-là est sur la version longue de la chanson. (ndlr: deux versions de “believe in me” figurent sur l’album).

 

Mis à part Desmond Child y-a-t-il d’autres collaborations ?

Non il n’y a que Desmond et le duo avec Vince Gill. Tout le reste c’est juste moi et ces supers musiciens. Et pour revenir sur sa conception, tout l’album a été mixé aux Etats-Unis. Certaines chansons ont été mixées à Los Angeles, dans le studio où ont été également mixées des chansons de Christina Aguiliera et Mickaël Jackson. Par contre les deux chansons un peu country “Mom” et le duo “What you need from me” ont été enregistrées à Nashville. J’adore réellement cette chanson ! Elle parle d’un couple d’amis qui se demandent s’ils ne pourraient pas être bien plus que cela et tentent de se mettre ensemble avant de réaliser que leur amitié est bien trop précieuse. Ils préfèrent donc laisser les choses comme elles sont, pensant qu’ils n’arriveront jamais à atteindre ce qu’ils attendent l’un de l’autre….c’est une très belle histoire vraiment !

Vous tenez cette voix atypique que tout le monde reconnait en une seconde d’une opération des cordes vocales, comment avez-vous transformé ce qui aurait pu être une véritable faiblesse en force ?

Non c’est parce que j’ai trop crié devant des matches de rugby au Millenium Stadium….

Vous savez même avant  l’opération ma voix était un peu rauque. Le gros problème c’est qu’après l’opération et durant 6 semaines, je n’étais pas supposée parler. Imaginez à quel point cela peut-être long, dur et frustrant ! Six semaines en écrivant uniquement sur du papier… ce fut très difficile. A la fin de ma convalescence, j’essayais vraiment de tout écrire sur papier, mais à un moment j’en ai eu marre, j’avais envie de hurler ! Je me suis donc mise à parler, je ne pouvais plus m’arrêter, ce qui n’a pas arrangé les choses comme vous le savez … mais juste après cette opération, j’ai enregistré “It’s a heartache” qui a eu le succès que vous connaissez donc finalement ce n’est pas plus mal. Mais c’est une très vieille histoire, les gens commencent à être ennuyés d’entendre encore la même chose.. c’est pour ça que je préfère parler des matches de rugby.

Mais sincèrement j’ai toujours eu cette voix rauque que tout le monde reconnaissait, sauf ma mère !! Est-ce que vous vous souvenez de cette chanson, “Betty Davies Eyes” de Kim Carnes ? Quand cette chanson est passée pour la première fois à la radio, ma mère m’a dit « j’adore ta nouvelle chanson » ! Je ne comprenais pas car je n’avais aucun titre nouvellement sorti, donc je lui ai demandé de quelle chanson elle parlait, et elle m’a répondu : “Betty davies eyes”. Lorsque je lui ai dit que ce n’était pas moi mais Kim Carnes, elle m’a répondu qu’elle m’avait volé ma voix !

Vous êtes connue de beaucoup de générations différentes et dans le monde entier, on vous surnomme la Reine du Rock, avez-vous le sentiment d’être un monument de la chanson ?

Non ! Pas du tout, même pas une seconde ! Pour moi, les monuments ce sont Tina Turner, Janis Joplin, Aretha Francklin qui est la reine de la soul. C’est vraiment gentil de penser cela mais personnellement je ne me vois pas comme ça. Je suis simplement heureuse que les gens me connaissent et aiment ce que je fais !

Vous venez d’une génération où la voix avait toute son importance. Entre les années 90 et 2010 ce style musical a été un peu oublié au profit d’une musique beaucoup moins axée sur la voix (pop, hip hop, electr) pourtant depuis quelque temps des chanteuses comme Adèle ou Gossip remettent la voix au centre de la musique et cartonne auprès du public, comment expliquez-vous ce retour ?

Je pense que les gens en ont eu ras le bol de ces musiques qui n’avaient pas vraiment d’âme… J’avoue que moi-même dans les années 90 j’étais effarée de voir que les gens n’aimaient plus le rock et je me suis dit que je devais évoluer et passer à autre chose. J’ai donc essayé différents styles et j’avoue qu’il y a des albums dont finalement je ne suis pas fière et que je ne referais pas à l’heure actuelle. Mais quelque part c’est une leçon, finalement il faut toujours rester attaché à ses principes. Si c’est quelque chose que vous voulez faire il faut rester dans cette idée. Ma mère me disait toujours : «  aie confiance en toi, car personne ne le fera à ta place ». Pourtant elle n’était pas une buisness woman qui te pousse à devenir une star, bien au contraire, elle était plutôt timide. Elle avait une voix d’opéra magnifique et nous a baigné moi et mes frères et sœurs dans la musique parce qu’elle chantait tout le temps et il y avait de la musique partout et tout le temps. Pour revenir à votre question, effectivement je trouve cela génial de pouvoir à nouveau entendre ces musiques et ces belles voix, comme celles d’Adèle ou de Emily Sunday. Je pense que les gens en ont eu ras le bol et ont voulu revenir à l’essentiel, et entendre de belles performances et de belles voix.

Donc vous aimez ?

Oui j’adore, mais j’ai un peu peur de cette nouvelle vague qui arrive….  C’est néanmoins une très bonne compétition aussi. Une chose est sûre la musique redevient de meilleure qualité !

Est-ce ce retour à la voix qui vous a donné envie d’enregistrer un nouvel album ?

Non, je voulais juste le faire ! Ce nouvel album par contre j’en suis vraiment très fière et j’y crois vraiment. Je n’avais pas sorti de nouvel album depuis 8 ans et mes fans commençaient à être assez impatients et me demandaient quand sortirait enfin cet album dont je parle tant et qui ne vient jamais ! Mais je ne trouvais pas de chansons, voila pourquoi j’ai dit à mon mari : « Allons juste à Nashville , secouons les arbres et voyons si des pommes en tomberont ! » Vous savez sans chansons, il n’y a pas d’album. Evidemment, j’aurais pu écrire quelques chansons comme ça, ça m’aurait pris 6 mois, et si on veut on peut faire un album tous les six mois mais personnellement, je ne crois pas en ces gens qui mettent deux bonnes chansons sur un disque et où le reste est très moyen. Pour moi il faut que l’intégralité de l’album soit bon.

Par rapport à cet album j’ai vraiment essayé de faire de mon mieux, de prendre mon temps, de m’entourer des meilleures personnes et franchement si avec celui-là ça ne marche pas je vois difficilement ce qui pourrait marcher. J’en suis vraiment très fière, c’est de la très bonne musique et j’espère vraiment que les gens aimeront. D’ailleurs, pour le moment les critiques en ligne sont superbes,  et la semaine dernière il était numéro 2 sur Amazon ! Je ne sais pas où ça en est maintenant mais je suis vraiment très heureuse avec cet album ! Et puis vous savez à l’heure actuelle, c’est ça qui peut nous permettre de faire des tournées. En effet, il ne faut pas se mentir, plus personne ne gagne de l’argent grâce à la vente d’album… On en gagne un peu mais on couvre les frais principalement. Ce que j’’ai toujours voulu faire c’est être chanteuse, et pour moi être chanteuse c’est se produire devant un public et partir en tournée, et c’est ce que je veux faire encore maintenant !

Interview réalisée avec la complicité de Juliette Hebbinckuys .

 

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Marie Charlotte Mallard
Titulaire d’un Master II de Littérature Française à la Sorbonne (Paris IV), d’un Prix de Perfectionnement de Hautbois et d’une Médaille d’Or de Musique de Chambre au Conservatoire à Rayonnement Régional de Cergy-Pontoise, Marie-Charlotte Mallard s’exerce pendant deux ans au micro d’IDFM Radio avant de rejoindre la rédaction de Toute la Culture en Janvier 2012. Forte de ses compétences littéraires et de son oreille de musicienne elle écrit principalement en musique classique et littérature. Néanmoins, ses goûts musicaux l’amènent également à écrire sur le rock et la variété.

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