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Festival Rush – Alain Croubalian : « La country, c’est la recherche du Heimat »

Festival Rush – Alain Croubalian : « La country, c’est la recherche du Heimat »

05 June 2018 | PAR Antoine Couder

Alors que le groupe de Ty Segall met un brillant point final à la cuvée 2018 sur la scène centrale du Festival Rush, on bavarde avec le leader des Dead Brothers qui ont enthousiasmé le public, quelques heures plus tôt.

D’où venez-vous, Alain Croubadian ?
De Suisse, mais aussi de Montréal. Je viens d’une famille arménienne, mon père est né en Égypte et c’est un peu là où tout a commencé. Je jouais du punk rock, du garage, je déclarais mon amour à John Lee Hooker et à Van Morrison et puis, un jour en Égypte justement, on m’interpelle : « T’es musicien ? Eh ben, joue … » Et moi j’étais sans mes lumières, sans mes amplis, sans rien. Je me suis dit quand même, je vais essayer. Et ma musique a un peu changé.

Vous reprenez « Besame Mucho », « Amara terra mia » (Domenico Modugno) et, en même temps, vous êtes visiblement influencé par le Captain Beefheart, Tom Waits ou the Residents …

La musique est toujours de quelque part et nous, on cherche les jonctions : la valse, la mazurka des émigrants européens et les fanfares de la Nouvelle Orléans, le rhythm & blues et le rock’n’roll. L’histoire de la musique, c’est aussi celle des instruments et moi, je préfère une vieille trompette à un instrument tout neuf… J’aime les trompettes cabossées parce qu’elles ressemblent à nos vies : on avance, on fait comme on peut mais ça joue, ça joue !

N’y a-t-il pas une part de nostalgie dans la musique des Dead Brothers ?

C’est d’abord de la musique populaire, jouer ensemble sans imiter quoi que ce soit ; un peu dans le style Memphis : essayer de toujours jouer avec des gens pour la première fois, comme si c’était la première fois. Il y a ce moment de réglage, de connexion c’est magnifique ; ça se sent à l’intro… Si j’aime tant la country, si ça me touche tant, c’est parce qu’elle possède cette beauté simple et solide, l’idée du Heimat, le fait d’être là précisément, de quelque part.

Les « Dead » sont en fait un orchestre : 15 musiciens (mais qui ne jouent pas toujours ensemble), tous germanistes et vous-même, bien que résidant à Bâle, avez vécu à Genève. On se demande pourquoi vous n’êtes pas plus connus en France ?

On a un public en France et même un public de jeunes gens fascinés par nos instruments (banjo notamment). Nous nous sommes produits aux Transmusicales il y a peu près 15 ans et puis plus rien (jusqu’à aujourd’hui, jusqu’à Rodolphe, c’est une chance, Rodolphe c’est un peu mon Gainsbourg). Il y a eu un malentendu je crois. En France, on est classé dans la musique de cirque, guinguette, des arts de la rue, ça n’existe pas chez nous tout ça… Notre spectacle est issu d’une pièce de théâtre « Inside the black apple », un show musical, créé par Tom Schneider, à Zurich. Rien à voir … Mais j’ai l’impression que le vent tourne du bon côté en ce moment.

Une anecdote pour finir ?

C’est l’histoire de Marcus Aurelius Littler, metteur en scène américain et réalisateur de documentaires qui se trouve au Drekönigs Keller, son bar préféré à Francfort et tombe sur un superbe morceau de rock’n’roll joué sur la sono de la radio. Il est alors pris de nostalgie et explique à qui veut bien l’entendre que c’est précisément à cause de cette musique qu’il souhaite rentrer au pays. Et le patron de lui révéler que ce morceau des Dead Brothers a été édité à Berne, en Suisse, presque créée ici, quoi… Bref, le gars est resté à Francfort, il a commencé à fouiller cette histoire et a fait un film là-dessus.

Visuel : Pochette de l’album Angst (2018)

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Antoine Couder
Antoine Couder a publié « Fantômes de la renommée (Ghosts of Fame) », sélectionné pour le prix de la Brasserie Barbès 2018 et "Rock'n roll animal", un roman édité aux éditions de l'Harmattan en 2022. Auteur d'une biographie de Jacques Higelin ("Devenir autre", édition du Castor Astral), il est également producteur de documentaires pour la radio (France culture, RFI).

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