Pop / Rock
[Chronique] « Pegase » : très haut dans les cieux

[Chronique] « Pegase » : très haut dans les cieux

11 February 2014 | PAR Bastien Stisi

Attablé aux côtés d’une bière vite désemplie et de songes omniprésents, Raphaël d’Hervez nous affirme avoir trouvé le nom de son projet solo avant d’en débuter la moindre composition, et ce n’est certainement pas sur ce coup-là que l’on se permettra de le contredire : à l’image du gracieux animal mythologique, le premier album éponyme de Pegase vole très haut dans les cieux, et égare les rêveurs les plus demandeurs dans des contrées dont on ne revient pas de sitôt…

[rating=4]

« La créature m’a toujours fasciné et m’a toujours fait rêver. On ne le sait pas trop, mais elle vient en réalité d’Asie, et non pas de Grèce comme les gens ont tendance à le penser. Sans conteste, Pégase est ma créature mythologique préférée depuis que je suis gamin : même encore aujourd’hui, quand je regarde un film produit par la compagnie Tristar et que je vois cet animal ailé qui s’avance près de moi, j’en ai des frissons. »

La fondation d’une mythologie personnelle

Indiscutablement, il y a quelque chose de touchant et de parfaitement passionnant dans la manière qu’à Raphaël d’Hervez d’évoquer la genèse légendaire de cet animal fabuleux qui lui a donné sa nomination artistique. La mythologie, cependant, l’ex-leader de Minitel Rose (un projet actuellement en stand-by), est bien loin de se contenter de la raconter. Avec Pegase, il en a même créé en quelque sorte une nouvelle, empreinte des muses, des terminaisons et des commencements d’une histoire toute personnelle dont il s’efforce de délimiter les contours avec ce premier album éponyme qui aura bien pris son temps avant de connaître une existence définitive (quatre ans pour le premier EP, cinq pour le LP) :

« Je conçois mon album comme quelque chose d’intemporel, un truc qui aurait pu sortir il y a cinq ans comme attendre cinq ans pour être sorti. Et puis c’est vraiment mon projet à moi seul, je ne me sentais pressé par rien. »

Conçu dans l’antre d’un esprit viscéralement rêveur et décliné sur scène avec des artistes tous signés sur le label de Pegase Futur Records (« Tous mes musiciens sont des proches avec qui j’ai de véritables relations d’échanges »), l’album porte en lui cette application favorisée par la pertinente utilisation du temps, et doit être envisagé comme le scénario d’un film destiné à prendre davantage encore de sens en étant « écouté dans l’ordre et du début à la fin ». Pas étonnant lorsque l’on connaît les minutieuses concordances du son, du jeu de lumière et de la vidéo lors des prestations scéniques de l’artiste nantais, dont les plages les plus poétiques, lorsqu’elles n’évoquent pas directement la mélancolie assumée du jeune Américain Youth Lagoon, renvoient aux ambiances cinématographiques d’Anthony Gonzalez et de son très cinématographique M83.

Poésie stellaire et synthétique

Sur un album dont on avait déjà pu s’éprendre des titres les plus charismatiques au cours des derniers mois (le somptueux et cathartique « The Bad Side Of Love », le fuyant « Without Reasons »), Pegase véhicule sa poésie rédemptrice à l’aide de plages stellaires et de rythmes syncopés, et livre une merveille de dream-pop stratosphérique et new-wave marqué par une évolution bienheureuse.

L’album ouvre en effet avec « The Bad Side Of Love » une fin douloureuse qui peut aussi être considérée comme un nouveau départ, et entraînera par la suite l’auditeur dans un océan synthétique fait de dépression mortuaire (« Out Of Range », « Blamed »), de révérence aux idoles (« Old Idol » évoque David Bowie), de revanche sur un trop terne passé (« Monkey »), et de capture de l’instant poétique (« Ladybug » narre une invasion de coccinelles réellement vécue par l’artiste).

L’atterrissage, en douceur, intervient avec l’espoir véhiculé par le lumineux « Diana », et termine d’échafauder la chapelle ultime des rêveurs contemporains qui n’avaient jusqu’alors pas eu le loisir de trouver territoire propice à l’étalage de leurs prières étoilées. Grâce aux chevauchements aériens de Pegase, les muses et les jolis espoirs aussi, ont désormais le droit d’être aimés.

Pegase sera en concert le 12 février du côté du Nouveau Casino. On vous faisait d’ailleurs gagner des places par ici.

Pegase, Pegase, 2014, Futur Records / Sony Music, 43 min.

Visuel : © pochette de Pegase

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Bastien Stisi
Journaliste musique. Contact : [email protected] / www.twitter.com/BastienStisi

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