Pop / Rock
[Chronique] « Les Chansons de l’Innocence Retrouvée » d’Étienne Daho

[Chronique] « Les Chansons de l’Innocence Retrouvée » d’Étienne Daho

24 November 2013 | PAR Camille Hispard

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[rating=5]

Six ans après son dernier opus l’Invitation, Daho revient en force avec un album lumineux et incroyablement orchestré. De la pop aérienne et moderne qui confirme que le chanteur à la voix susurrante s’est créé son propre univers musical, souverain et pénétrant.

Compositions sans barrières ni automatismes. Ce nouvel objet musical proposé par Étienne Daho est tout simplement une ode à la volupté et à la liberté des sens. Paroles profondes et parfois glaçantes, mélodies sous forme d’envolées lyriques popissimes : le chanteur précurseur du dandysme à la française nous met une douce claque avec ses Chansons de l’Innocence Retrouvée.

Son duo avec Jeanne Moreau en 2010 sur l‘adaptation du somptueux Condamné à Mort de Jean Genet avait déjà annoncé un retour flamboyant. Mais cet album co-réalisé par ses complices Jean-Louis Piérot et Richard Woodcraf assouvit tous nos désirs latents.

L’ouverture de ce long album de dix-sept palettes nous pénètre instantanément. « Le Baiser du Destin » offre une pop arabisante soutenue par des instruments à vents libertaires. Déjà, une transe possédante investit nos tympans. On ressent presque les sonorités indiennes du Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band des Beatles. Quarante-sept cordes ont été enregistrées au Studio 2 d’Abbey Road, tout de même ! D’entrée de jeu, ce titre marque des thèmes obsédants qui frappent nerveusement nos cerveaux embrumés.

« Il n’y a qu’à trébucher pour se ramasser. Serait-ce le libre choix ou la destinée, quand l’infortune se rit en coin et que l’on passe à côté du baiser du destin. »

Lyrisme des mots violents et cinglants qui claquent sur les synthés étourdissants. À l’instar de la chanson « Un Nouveau Printemps », qui offre des mélodies délicates mais d’une efficacité redoutable. Ça groove furieusement, grâce à une présence massive de guitares qui se font soudainement aériennes comme une grand bouffée d’air frais. Le piano lancinant perce cette pop légèrement rocailleuse. « Vois les plaies qui scintillent aux torses des vaincus. Mais si la cause est belle, peu importe le but ». Moment de grâce ultime sur ce morceau qui évoque les corps sauvagement rejetés des rives, d’un continent à l’autre.

On vogue d’ailleurs sur cet album comme une errance insouciante assez bouleversante. Les Chansons de l’Innocence Retrouvée alternent lyrics sombres et fatals à une pop libertaire d’une fougue enfantine. À l’image des « Torrents défendus » : une explosion tubesque sublimée par des cordes pétantes.

Avec « Le Malentendu », on se laisse envahir par une vague qui lentement déferle pour éclater violemment à travers des paroles puissantes, poétiques et sombrement somptueuses. « La ville noire s’endort ce soir, je serais ivre mort. Ta voix se sera tue, je ne rentrerai plus. Comme un fou comme un chien, le ventre et les yeux vides, ta souffrance est un miel dont je suis délivré. »

Beauté sinueuse presque vénéneuse, Daho diffuse sa voix orgasmique et tellement atypique

Dans cet opus, les arrangements frôlent la perfection, comme sur les titres « Onze Mille Vierges » ou « L’Étrangère », en duo avec Debbie Harry, chanteuse emblématique du groupe Blondie. On retrouve un spleen gainsbourien sur le titre « L’Homme qui marche » qui nous rappelle étrangement « Initials B.B. »

Apogée bien sûr, lorsqu’on surfe sur « Les Chansons de l’Innocence ». Ce morceau vraiment représentatif de l’album est d’une férocité rythmique absolue, épaulée par les riffs de guitares percutants comme une madeleine de Proust enivrante.

Le clip publié sur la toile incarne parfaitement cette état de plénitude et de liberté que dégage ce titre et l’album tout entier. L’unique étrangeté de cet opus réside peut-être dans le titre « La Peau dure », qui paraît bien terne et musicalement pauvre par rapport au reste de l’œuvre. De même que la pochette, censurée par la RATP et Itunes, manque de cohérence par rapport au propos des « Chansons de l’Innocence retrouvée ». Malgré la beauté du cliché, on ne voit pas bien ce que cette femme à moitié nue vient faire dans tout ça.

Quoi qu’il en soit, ce douzième album enregistré à Londres est un véritable chef-d’œuvre qui confirme l’incroyable richesse de la pop française façon Daho. Pas étonnant que tous les Lescop, La Femme et Aline revendiquent leur appartenance au style du dandy sauvage. Les chansons de l’Innocence retrouvée, qui fait écho aux Chants d’innocence de William Blake, est désormais un album référence absolu.

Étienne Daho, Les Chansons de l’Innocence retrouvée, 2013, Universal Music, 66 min.

Visuel © : pochette de Les Chansons de l’Innocence retrouvée d’Étienne Daho

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Camille Hispard

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