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Corps, couple, amour, sexualité via le prisme de l’art contemporain

Corps, couple, amour, sexualité via le prisme de l’art contemporain

13 February 2012 | PAR Bérénice Clerc

La saint Valentin fête commerciale reliée au couple, désireuse de le célébrer l’espace d’une journée. Le thème du couple, du corps et de la subversion est très présent dans l’histoire de l’art contemporain.  A la vitesse d’une flèche de Cupidon, plongeons dans le prisme des artistes féminines aux personnalités hors genre.

Qu’est-ce qu’un couple ? Selon le dictionnaire, il peut s’agir d’un ensemble de deux êtres liés par des sentiments profonds dans une espèce d’entente inconsciente et sans explication. Mais il peut aussi s’agir d’un couple d’amis, d’un couple de danseurs ou d’un couple de pigeons. L’amour prends de multiples formes, le corps des formes complexes, les désirs et plaisirs se montrent sans limite si ce n’est l’illusoire morale prônée par la société désireuse de fixer les Hommes dans des cases. Le sexe n’est pas le genre, l’artiste exprime sa personnalité et sa vision du couple et du corps libre ou à libérer.

Louise Bourgeois, comme un prémice au Body Art dira «Pour moi le corps est une sculpture, mon corps est ma sculpture ». Elle imagine très jeune une réalité transfigurée, l’image de son père sous la forme d’une caverne sanguinolente dans laquelle subsistent des formes indéterminées mais organiques, les restes du père, dit-elle, après que la famille l’a dépecé sur la table de la salle à manger.. Elle invente et met en matière des corps hybrides composés de phallus, de mamelons et de vulves. Louise Joséphine Bourgeois née en 1911 porte en son prénom celui du couple parental, Louis et Joséphine Bourgeois tapissier. Elle trouve l’inspiration aux sources profondes de son enfance, sa mère devient une immense araignée, image d’une maman tisseuse, protectrice, effrayante, gigantesque et attirante. Les œuvres de Louise Bourgeois cherchent à créer le malaise, à troubler et pourquoi pas choquer ou faire peur dès son plus jeune âge à ses dernières créations.

Couple de Louise Bourgeois montre deux personnages nus, de petites dimensions, suspendus dans le vide par un fil. La femme est plus petite, ses pieds sont posés sur ceux de l’homme. Des visages, souvent enfouis dans le cou du partenaire, nous empêchent de voir, de figer un visage saisi par le plaisir. L’éponge rose ajoute à la douceur et à la nudité des amants. « Le rose est féminin. Il représente la sympathie et l’acceptation de soi-même ». Figures enlacées, acceptation réciproque, don et abandon, l’intimité entre les deux sexes est profonde, attachante. Intimité aussi avec l’extérieur par le filtre du matériau aspirant qu’est l’éponge. Pas de séduction dans ce couple, notion considérée comme dangereuse « Quelque chose va arriver si vous séduisez ».
Traumatisme infantile d’un père volage, séducteur. Triangle haï de la mère, du père et de la maîtresse. La profonde perturbation psychique causée par l’obligation de vivre dans une situation familiale faussée où le couple est anormal où trahisons, mensonges et jalousies régissent le quotidien, est ici réparée.
Louise Bourgeois répare en sculptant et en cousant. « L’aiguille est une demande de pardon ». La couture réconcilie, efface les accrocs, les déchirures. Elle rapproche et ajuste les deux corps si légers, les unit par le fil, fait se rejoindre les parties dissociées, resserre les morceaux préalablement découpés pour donner forme au couple.
« Les femmes conservent ». La couture, médium traditionnel féminin, conserve ici le trésor du couple.

A l’opposé du couple déchiré près duquel petite elle grandit, nécessité était de créer l’étreinte de ces deux corps suspendus. Comme tant d’autres œuvres de l’artiste. Suspendu, c’est aussi être « en dehors du temps », ce temps nécessaire pour « reconstruire l’histoire », s’éloigner du modèle familial, le regarder de haut. Le fil guide et donne corps à la définition première du couple : « … unis par les liens… » Unis, silencieux, à l’abri des cris et des disputes, ils oscillent, comme un pendule entre deux pôles, un côté féminin, l’autre masculin, soit la quintessence de l’être humain, sa totalité. Cette polarité, la représentation d’une « personnalité double »- est l’un des noyaux de l’œuvre de Louise Bourgeois. De cette juxtaposition féminin/masculin, que l’on retrouve très explicitement dans le Janus fleuri de 1968, « Janus est une référence à cette espèce de polarité que nous incarnons. La polarité que je vis est un élan vers une violence extrême, la révolte et une retraite. Je ne dirais pas passivité, mais un besoin de paix, une paix totale avec moi-même, avec les autres et avec l’environnement ».
Dans leur délicatesse, leur légèreté, leur douce union, leur étreinte infinie et muette, derrière leurs paupières closes, on ressent la vie intérieure de ces Couples. Le cœur de leur intimité est entièrement contenu dans cet abandon des corps. La paix les nimbe et les protège.

Elle peut tailler des personnages en bois très minimalistes, sculpter le marbre toscan d’une façon très réaliste, empiler des galets sur une tige en fer, fabriquer des cages grillagées où se déroulent des scènes familiales dramatiques, suspendre un corps réaliste en bronze doré dont la ligne courbé illustre l’arc de l’hystérie de Charcot, broder des mouchoirs, coudre des têtes en tissu ou encore concevoir ces araignées géantes en bronze, dont l’abdomen recèle souvent de biens étranges pour s’exhiber avec pudeur, montrer le désir de vivre, d’aimer et transformer la peur, la douleur, le plaisir en un langage universel.

Son passé devient une mythologie bouleversante pour l’art et délivre le spectateur.

Dans son sillage, mais avec un autre corps, une autre vie, une vison différente Orlan révolutionne elle aussi les codes corporels et fait de son corps une œuvre à part entière.

Photographies, vidéos, sculptures, installations et performances donnent vie à son langage. En 1977, sa mythique performance Le Baiser de l’artiste, exécutée lors de la Fiac au Grand Palais, fit scandale.

L’artiste, habillée en tirelire géante, monnaye ses baisers.  5 francs pour embrasser l’artiste, œuvre vivante. Donner du plaisir aux spectateurs, les provoquer, les faire rire est la première ambition d’Orlan. Ce geste fondateur signe la base de travail,  « art charnel », sur l’exploitation de son corps à des fins artistiques.  Son corps est toujours mis en scène tranfiguré, défiguré avec humour et décalage. En 1989, Orlan imagine L’Origine de la guerre, version masculine de L’Origine du monde de Courbet.

De 1990 à 1993, elle subit neuf opérations de chirurgie esthétique mises en scène comme par exemple la pose de prothèse en silicone. Performances filmées et projetées dans diverses institutions, dont le Centre Pompidou.  Lady Gaga a tenté une pâle copie il y a peu de temps.

L’artiste se lance ensuite dans l’interprétation des standards de beauté relatifs aux diverses civilisations (pré-colombienne, africaine, chinoise, etc.), « hybride » sa nouvelle image.

Marina Abramovitc visite également le corps, ses limites dépassent les codes pour en créer de nouveaux.


Avec Rest Energie,  Elle constate l’échec de la fusion harmonique des corps. cette performance met en image « la mort du couple ». Abramovic et Ulay se tiennent l’un en face de l’autre, la première il a un arc dirigé vers elle,  l’autre tire la corde de l’arc et pointe la flèche vers le cœur de sa compagne. Pour donner plus de réalisme à la scène, et ajouter une prise de risque plus spectaculaire, le couple se laisse légèrement tomber en arrière, ce qui donnerait plus de force à l’éventuel tir. La performance dure 4 minutes 12. Les artistes usent encore de la métaphore pour montrer que le couple est constamment livré à un péril potentiel, son existence « ne tient qu’à un fil ». On ne ressort pas indemne d’une relation ; on y laisse symboliquement sa peau car la rupture est toujours synonyme de mort, mort du Soi qui était voué à l’autre, mais aussi mort de l’autre à l’intérieur de soi.

Cette « mort du couple » n’a pas été sans effet sur la suite de l’œuvre siamoise Abramovic/Ulay, suivra une expérience de vie dans le désert australien au milieu des aborigènes, les artistes disent vouloir moins se consacrer au corps qu’à l’esprit. Ils désirent désormais explorer la nature morte et le paysage à travers la performance et retranscrire des univers mentaux proches de la vacuité cosmique, recherchée par les bonzes. Peu de productions différentes ressortent de cette deuxième période.

La désillusion de l’union se rejoue d’une autre manière encore dans Imponderabilia, la troisième performance du couple. Les artistes se placent de part et d’autre de l’étroite entrée menant  à l’exposition, proposée par la galerie. Le spectateur doit donc passer entre le couple et virtuellement séparerl’union de deux corps, nus, les regards, la concentration et un certain magnétisme anatomique. La relation invisible des deux artistes se voit donc sans cesse annulée par le passage d’un visiteur, à la manière d’un évènement, la désharmonie du couple est visible. Le public s’en voit désolé et on imagine parfaitement la gêne suscitée par ce rituel imposé, bien qu’il faille admettre que la majorité des personnes semble passer entre les deux artistes avec une extraordinaire inattention comme les humains savent le faire. Cette fois, la relation expérimentée ne se joue pas seulement entre les deux performers, mais également entre l’artiste et le spectateur ; certaines personnes prennent réellement plaisir à frôler les deux corps nus, une femme va même jusqu’à embrasser Marina Abramovic, tandis qu’ Abramovic et Ulay reste impassible et concentré.

Relation in space, exécutée en 1976 à la Biennale de Venise, met en scène les deux corps nus des artistes qui courent l’un en face de l’autre, sans s’arrêter, afin de créer une violente collision anatomique. Avant de reprendre leur élan, pour recommencer l’action, les deux plasticiens se touchent, se frôlent, se prennent la main, comme par repentir. Devenant de plus en plus rapide et de plus en plus dure, cette action a duré jusqu’à l’épuisement des deux performers (environ 1 heure). La symbolique de l’image est forte, elle révèle une union complexe qui met en évidence l’hybridation de la violence et de la tendresse, inhérente à l’humain et inéluctable à la vie de couple. Les deux performers tentent en vain de fusionner, l’un cherchant à pénétrer le territoire corporel de l’autre, par la vitesse et le choc de leur deux corps qui se percutent. Mais si deux corps ne peuvent créer un seul et même espace intime, les deux œuvres corporelles, elles, n’en deviennent qu’une, mêlant l’intensité physique des artistes et de leurs performances respectives.

Relation in time questionnera également l’unification des corps et son échec, à travers le jeu du temps cette fois ; dans cette performance, les artistes sont adossés l’un à l’autre, les cheveux entremêlés, donnant vie à une sorte d’artiste à deux têtes. L’effet d’hybridation fonctionne il est observé avec trouble par le spectateur. Malheureusement cette réussite n’est que temporaire, car au bout de la dix-septième heure les cheveux noués se détachent et séparent à nouveau les performers, le temps aura eu raison de cette union, tout comme l’espace dans l’œuvre précédente. Ici encore, la métaphore se met en marche : est-ce une manière pour les artistes de nous montrer qu’une relation de couple n’est pas durable, mais simplement temporaire. Qu’on finit par se « détacher » de l’autre. Les cheveux sont un élément corporel fort, objet de charme féminin dans le Coran et symbole d’énergie dans la Bible, cette rupture capillaire des deux plasticiens annoncerait-elle la fin de la magie de séduction, ou alors l’épuisement de l’énergie passionnelle ou libidinale ?

La fusion des corps est une hérésie pour Abramovic, elle poursuit sa route seule et met en scène son corps parfois avec violence et toujours en partage avec le spectateur pour créer en lui le désir, le trouble, la répulsion, l’attraction, le doute, l’envie de fusion et la réflexion sur le sens de la vie.

Le corps de la femme est visité par Annette Messager

Dès 1972, avec Les Approches, l’artiste zoome sur les braguettes d’hommes dans la rue, comme une chasseuse de trophées…

Puis Annette Messager truqueuse : La Femme à barbe (1975), elle s’y photographie affublée d’une longue barbe, récupération ironique du marquage sexuel, avec d’autres images, les poils pubiens sont réinterprétés à l’envers comme une barbe.

Avec Mes Jalousies (1972), elle peignait des rides et des dents manquantes sur les portraits de jeunes femmes, annulant ainsi beauté et jeunesse d’un trait de feutre !

Avec Les Tortures Volontaires (1972), elle compile des photos, découpées dans les magazines, de masques correcteurs ou d’appareils que les femmes utilisent en vue de modeler leurs formes, leurs corps. Toujours la destruction des clichés féminins, inspirée également par le surréalisme et l’obsession du corporel. Elle n’a de cesse de mettre en scène l’identité et la condition de la femme, alliant aux « travaux de jeunes filles » et « ouvrages de dames », une appropriation subversive des codes, rites et pratiques d’un quotidien qu’elle transforme en mythes individuels riches de mensonges fait à la réalité.

Sa collection de proverbes est une anthologie d’idées reçues sur la femme, brodées à la main par l’artiste sur des pièces de coton blanc. «Quand la fille naît, même les murs pleurent», «c’est la femme qui a fait pousser les cheveux blancs du diable».

Avec malice,  humour et amusement Annette Messager s’immisce avec cette œuvre dans le géométrisme et la quête de pureté du minimalisme, en épinglant littéralement ces «carrés blancs» qui dominent l’esthétique d’alors.

Avec son espièglerie, elle les charge de la sottise du monde, rend visible l’inconscient collectif phallocrate.

Tout au long de son parcours, Annette Messager déclinera ainsi le cliché sans le dénoncer, elle pousse à bout sa mise en circulation et ses variations. Sans poser de jugement, elle renvoie le spectateur à ses propres contradictions. la pièce a été accueillie à sa création en 1974 avec beaucoup de perplexité. Peut-on questionner le féminin sans s’engager dans le féminisme ? Mise en avant, comme par provocation, d’un art populaire méprisé : la broderie. En s’appropriant de façon parodique cette technique artisanale, Annette Messager détourne le signe d’une soumission à une condition dévalorisée et en souligne la forme de beauté. Elle s’interroge, aussi, sur les frontières de l’art, comme elle les interroge, notamment en employant des matériaux pauvres : peluches ou morceaux de tissus, autant de textures triviales qui traversent son œuvre, jusqu’à aujourd’hui. Avec «femme pratique», Annette Messager se concentre sur des tâches manuelles ordinaires (_Mes travaux d’aiguille, Quand je fais des travaux comme les hommes). Présentés ensemble, ces tableautins envahissent le mur et semblent pouvoir proliférer à l’infini. «On montre mieux les choses en les déplaçant et en les ordonnant comme dans un cabinet de curiosités», investir et détourner le vocabulaire de la classification, l’image démultipliée, hystérique, s’impose au musée. Ouvrage de dame et ouvrage d’art.

Gina Pane met également son corps de femme en danger, nue, sous les vers, manger du verre, cracher du sang, se mutiler, se lacérer, marquer son corps pour le faire exister, cracher du lait dans son sang…

Dans une première période, de 1968 à 1970-71, par ses interventions corporelles, elle met en question la relation personnelle à la nature : « Pierres déplacées » (1968), ou « Le riz » (1970). Ses actions ou ses installations se tiennent alors hors la présence d’un public.

Médiatisée dans les années 1970, l’action « Escalade sanglante » la fait connaître. Cette seconde période pose la problématique du corps actif face au public. Le support du travail est l’espace-temps. Gina Pane met en scène son corps à l’épreuve de la perforation des chairs, escaladant l’échelle de la souffrance au cours de l’action. De l’œuvre d’art proprement dite, il ne reste que le relevé photographique d’un certain nombre de moments. La pratique élémentaire et quasi-primitive l’a conduite à utiliser son corps comme champ d’expérience. Son art devient combat de l’art, dans sa relation avec le monde auquel la gestation des œuvres est liée. Les actions constituent une recherche d’un autre langage, d’une pratique biologique de l’existence par une tentative de transformation de l’individu à travers l’agression de la sensibilité.

Mais l’automutilation n’est qu’un élément plastique utilisé à des fins picturales. La défiguration a ici la violence silencieuse d’une douleur assumée. La violence des gestes contre la chair est d’autant plus ressentie que le langage est transparent. Par sa souffrance, une sorte d’autoportrait, elle risque une définition d’elle-même, de sa transformation artistique à un principe d’action sur la société.

Par l’absolu de la créativité d’une démarche en constant renouvellement, Gina Pane bouleverse l’esthétisme et donne une nouvelle image de la beauté. En 1973, Gina Pane réalise par exemple une performance nommée « Azione sentimentale ». Celle-ci se compose de plusieurs parties qui illustrent une dimension catholique du martyre par l’automutilation : dans une galerie elle est vêtue de blanc et elle porte un bouquet de roses rouges, elle enlève chaque épine et se les plante dans le bras. Elle les retire par la suite laissant un filet de sang couler. Le bouquet de roses rouges devient blanc. Et c’est à ce moment qu’elle s’incise l’avant de la paume avec une lame de rasoir.

Après la création de l’atelier de performances au Centre Georges-Pompidou en 1978, Gina Pane arrête définitivement ses actions. Elle entreprend la troisième phase de son évolution artistique. Le langage mis en place par ses actions est utilisé dans un travail de création autonome. La représentation de la blessure devient symbolique. La matérialité du corps est traduite par le bois, le fer, le verre, le cuivre. À partir de 1981, Pane a terminé son cycle de performances et commence ses « Partitions » où le rôle du corps et sa relation au monde demeurent le sujet central. Elles mêlent des photographies de ses précédentes blessures à divers objets (jouets, verre, etc.) déjà présents dans ses actions. Gina Pane, par la voie du souvenir, des blessures de ses actions et par les évidentes références à l’histoire de l’art, d’Ucello à Memling, révèle une démarche profondément mystique et sacrée. « Vivre son propre corps veut dire également découvrir sa propre faiblesse, la tragique et impitoyable servitude de ses manques, de son usure et de sa précarité. En outre, cela signifie prendre conscience de ses fantasmes qui ne sont rien d’autre que le reflet des mythes créés par la société… le corps (sa gestualité) est une écriture à part entière, un système de signes qui représentent, qui traduisent la recherche infinie de l’Autre. »

Yayo Kusama artiste japonaise créant une partie de sa vie à New York elle aussi cherche l’espace corporel et visite des obsessions.

Elle détourne des objets quotidiens avec des protubérances molles, phalliques.

Ses actions de rue, happenings et performances dans un contexte sociale et politique de remise en cause dépassent le réel, transfigurent les espaces communs. Dénudés dans des lieux symboliques de la ville, elle pratique également les orgies dans son propre atelier.

Sophie Calle crée des passerelles entre l’art et la vie. Elle décide de suivre des inconnus dans la rue, comme pour retrouver Paris à travers les trajets des autres. Elle se prend au jeu, photographie, note ses déplacements, choisit un homme au hasard et décide de le suivre à Paris puis à Venise. Plus tard, la remarque d’une amie sur la tiédeur des draps, lorsqu’elle se couche auprès d’elle, lui donne l’idée d’inviter des gens pris au hasard à venir dormir quelques heures dans son lit.

En 1979, « par jeu », Sophie Calle demande donc à différents inconnus de venir passer un certain nombre d’heures dans son lit afin que celui-ci soit occupé sans discontinuer huit jours durant, en acceptant d’être photographiés et de répondre à quelques questions. Elle prend des clichés des dormeurs — parmi lesquels l’acteur Fabrice Luchini et note consciencieusement les details, éléments importants de ces brèves rencontres, sujets de discussion, positions des dormeurs, leurs mouvements au cours de leur sommeil, le menu détaillé du petit-déjeuner qu’elle leur préparait.

Sous la forme d’installations, de photographies, de récits, de vidéos et de films, l’artiste construit des situations associant, une image à une narration ou un rituel autobiographique pour tenter de conjurer l’angoisse de l’absence, et créer une relation à l’autre contrôlée.

Ses photographies et ses comptes rendus écrits, empruntent le style descriptif du reportage ou de l’inventaire, attestent la réalité des situations qu’elle crée : femme de chambre dans un hôtel, strip-teaseuse dans une fête foraine, poursuite d’un homme à Venise… Souvent fondées sur des règles et des contraintes, ses œuvres interrogent la limite poreuse entre sphère publique et sphère privée et le caractère interchangeable des positions du voyeur et de l’exhibitionniste. Le thème de la disparition de personnes ou d’objets, dont l’existence est avérée par quelques traces et dont l’absence est enregistrée par la photographie, constitue également un thème de prédilection de l’artiste.

Provocatrice, elle a été par exemple la première photographe à présenter une exposition dont elle n’avait pas pris elle-même une seule photo, elle avait demandé à une agence de détectives privés de la prendre en filature et de la prendre en photo d’elle à son insu.

Mise en scène de l’artiste, de son corps, faux mariage, Sophie Calle laisse une place importante au spectateur, il est récurrent dans ses œuvres, elle forme un couple avec lui, il participe activement à son oeuvre.

Un jour elle reçoit un mail de rupture qui se termine par Prenez soin de vous, elle prend le temps d’accepter cette séparation et demande à 107 femmes d’interpréter cette lettre sous l’angle professionnel, de l’analyser, la danser, la jouer, la parler, une façon de faire répondre l’autre à sa place. Transfiguration d’un amour partagé par tous, prendre le temps de rompre à son rythme.

Impossible de toutes les citer, Nan Goldin photographie les corps jusqu’à leur disparition, Cindy Sherman se défigure pour des autoportrait choc…

Toutes ces artistes libèrent le corps de ses carcans, permettent à toute la génération suivante artistique d’oser parler du corps, de l’amour, de son propre corps de celui de l’autre avec une réelle subversion.

Chiaru Shiota, Sigalit Landau ont inventé une nouvelle forme d’expression, une vision neuve du corps, d’autres jeunes artistes tentent de se montrer libres mais sont souvent dans les clichés d’une violence corporelle glauque sans distance ni humour. Il ne suffit pas de se montrer nu pour être subversif, l’orgie n’est pas la nouvelle vision du couple, le sexe brut mal mis en scène n’éclaire pas le monde de ses lueurs. le corps androgyne, le bouleversement des genres, la création du corps immatériel, non identifiable est peut-être une piste actuelle.

La couple, l’amour, l’art et les artistes doivent s’exprimer librement sans limite morale ou fausse transgression.

 Visuels: (c) captures d’écran.

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Bérénice Clerc
Comédienne, cantatrice et auteure des « Recettes Beauté » (YB ÉDITIONS), spécialisée en art contemporain, chanson française et musique classique.

2 thoughts on “Corps, couple, amour, sexualité via le prisme de l’art contemporain”

Commentaire(s)

  • Yayo Kusama est une des plus “barges” de la scène New Yorkaise en ce moment (barge, c’est un compliment dans ce contexte).
    Bel article.

    February 14, 2012 at 20 h 15 min

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