Musique
Miossec “Mammifères” le coeur au bord des cils

Miossec “Mammifères” le coeur au bord des cils

12 June 2016 | PAR Bérénice Clerc

Miossec captif de la vie, vient partager son énergie positive avec une nouvelle bande de « Mammifères » musiciens heureux ici et maintenant d’offrir la musique comme le sang pompé par la valve cardiaque pour tenir debout même quand l’air devient irrespirable peut-être. Une cinquantaine de concerts dans des lieux partout en France et un très beau concert au Flow à Paris, Miossec, Christophe pour les intimes nous parle de ce nouvel album en tête à tête yeux bleus sur yeux noirs rien ne s’égare, sauf les mots.

Un vent léger, profond souffle sur Miossec, vingt ans de chansons, des musiques et des mots, sa vie, celle des autres, écrites sur du papier chanté dans des micros la peur au ventre parfois. La route, le public, travailler, se perdre aspirer par ses failles, laisser entrer la lumière, se retrouver chaque fois différent sans rien regretter, sans oublier, vivant, trop sans doute.

« Mamifères » son dernier né est une pierre précieuse en ces temps bruts, une pépite musicale ourlée de mots pour apaiser les maux et faire apparaître l’urgence à vivre encore.

Christophe Miossec est là à l’angle d’une terrasse, la vie grouille partout dans ce quartier de Paris le monde se rassemble pour siroter, discuter, marcher, personne ne se ressemble et ils aiment vivre ensemble.

Un chapeau gris, une cigarette roulée, l’œil bleu un peu en retrait, la main tendue, un sourire comme une esquisse prendra tous ses reliefs au fil de la discussion.

Il nous raconte la naissance de l’album, la rencontre avec sa nouvelle bande de musicien et comment comme par magie tout est né vite comme une étincelle.

Rémy Kolpa Kopoul meurt chez Miossec, deux jours après cette suspension de vie, un hommage parisien est rendu à RKK. Miossec y rencontre la violoniste Mirabelle Gilis, le guitariste Leander Lyons et Johann Riche à l’accordéon. Le conneXionneur avait encore frappé !

Improvisations, coup de foudre musical, des billes musicales et verbales en poche Miossec les rejoint à Londres où ils vivent. Ils improvisent sur les braises remettent des bûches, répètent dans une cave, l’album est né !

Après les tueries de Charly Hebdo et de l’hyper casher Miossec est comme tout le monde sous le choc, le Bataclan, le terrasse, l’innocence se fuit de lui, il faut faire quelque chose.

Sa matière c’est la musique, il sculpte dans la pierre chantée, alors il veut chanter partout, pour tous. Sa tournée précédente dans des grandes salles lui laisse de la fatigue, l’envie de repartir à zéro, un goût de doute, est-il légitime ?

Est-ce mérité de gagner de l’argent en chantant quand d’autres souffrent pour travailler et survivre ? Que peut-il faire pour redonner du moral aux troupes humaines françaises ? Chanter, encore et encore mais dans des petits lieux, partout, n’importe où, un village, une école, une salle municipale, une kermesse, un bar, une église, peu importe, la vie se conjuguera simplement en musique !

Miossec aime cette nouvelle aventure, un goût de liberté, la sensation du risque, proposer aujourd’hui un album sans clics, sans électronique, les mots, le violon, la guitare, l’accordéon.

La liberté a un prix, si cet album ne marche pas, cela va se payer cash et les concerts ont une rentabilité du cœur, des émotions, des rencontres mais juste de quoi rembourser les frais divers.

Et c’est possible ! il le dit le sourire extatique, c’est possible de chanter très proche des gens, de livrer le bonheur, la fête à domicile là où les chanteurs ne viennent pas, là où la technique et le son vrillent où comme un funambule il s’impose la fluidité et l’extrême concentration pour être ensemble et jouer sans douter, juste chanter comme des enfants doués dans l’art de vivre.

Il n’aurait pas fait cela il y a vingt ans, incapable d’affronter les autres de face, aujourd’hui il est un autre, celui qu’il ne sera plus demain.

Chaque concert est différent, une ligne fixe pour improviser avec grâce et folie. Au Flow la salle était plus grande, parisienne, ils voulaient la trame plus fixe, un fil tendu qui les rendit moins à l’aise à ses dires mais pour les spectateurs le bonheur fût au rendez-vous !

Une salle sur l’eau avant la crue, le soleil au zénith surexcitait la foule avant la fouille, joie d’entendre le dernier Miossec sur scène. Sous sol, l’eau, un flottement imperceptible berce quand même de temps en temps.

Quatre chaises face aux spectateurs, la salle pleine gronde dès l’entrée de Miossec. A part les luxueux privilégiés, personne ne connaît encore l’album, « Mammifères » accouche par voie fluviale.

Le plaisir de jouer ensemble est palpable, violon, guitares, voix, accordéon, mandoline tout se croise, tout se rencontre.

« On y va » vivre, survivre a-t-on le choix, on y va, on y va, on y va ! Un petit orchestre tzigane, la vie habite la scène, « Après le bonheur » la salle se laisse aller à quelques danses. « La vie vole », « les mouches » tout le monde saute, est en fête, drôle d’époque où la douleur partager rend le bonheur plus fort, les moments de joies plus intenses comme si « les écailles » perdues nous recréions notre peau de celle des autres en miettes comme la notre.

« Le roi » et  « l’innocence » sont des perles très rares au milieu des joyaux de l’album. Musique, mots, vie, mort flottent ensemble sur le Flow. L’accordéon virtuose de Johann Riche et ses voix dingues bousculent les idées toutes faites sur cet instrument comme ses chants soufflés sur des aigues jusqu’au cri.

Idem le violon de Mirabelle Gélis avec archet, comme une mini guitare ou la mandoline voyagent à grand coup de notes magiques. « La nuit est bleue » et « Papa » tirent les larmes en suspension. Miossec prend même sa guitare, il ose, s’excuse, pourtant tout est en place, l’univers sonore entraine les spectateurs heureux de faire cette belle traversée.

Pas d’égos mal placés, sincérité, honnêteté sont là chevillées à chaque chaise, dans les corps et les instruments. Les spectateurs jalousent les provinciaux chanceux de vivre ce concert quasiment sur la scène au cœur du spectacle dans des petits lieux !

Miossec nous racontent les gens, la France profonde dans toutes ses beautés, ses différences, les petits villages, les bars, pas de loge, les gens après le concert viennent lui parler, ils racontent des morceaux de vie, il aime les écouter, des mots peut-être habiteront ses futures chansons, il aime se nourrir de chaque rencontre.

« On n’était tellement de gauche » qu’il n’y a plus de repère, plus de place politique pour Miossec, c’est étrange, c’est chiant, une drôle d’époque alors militer pour lui c’est partir à la rencontre des gens. Il prends la tache à cœur, il donne tout et prend du plaisir en retour à hauteur de celui partager par les spectateurs !

Il va dans son village breton, a l’impression d’être une valise de ville en ville mais a depuis peu un pied à terre à Paris. Après les violences de 2015 il voulait sentir la vie, le monde, les gens, être au cœur de ce qui se passe, ne pas être à coté de la plaque dans son village où le FN n’a pas droit de citer, même si en effet on y est parfois bien pénard loin du réel ! Mais le but de la vie est -il d’être pénard ?

Miossec est honnête, il n’est pas résumable, pas marketable, des dizaines d’adjectifs pourraient le qualifier, il est un animal humain, le regard franc, le sourire sincère, l’âme visible, le cœur au bord des cils.

Écouter l’album “Mammifères” est une promesse de joies partagées seul ou en famille, chaque concert est libre, unique, fou, différent et à vivre partout en France où sa musique le portera et du 24 au 28 octobre dans les puissants Bouffes du Nord.

 

Orlando
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Bérénice Clerc
Comédienne, cantatrice et auteure des « Recettes Beauté » (YB ÉDITIONS), spécialisée en art contemporain, chanson française et musique classique.

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