Musique
[Live report] Mai Lan, Yan Wagner et Biolay à la Cigale

[Live report] Mai Lan, Yan Wagner et Biolay à la Cigale

12 November 2012 | PAR Bastien Stisi

Evénement musical le plus attendu de cette fin d’année 2012, la 25e édition du festival des Inrocks s’est teintée, hier soir, d’un coloris tricolore intégralement français, en accueillant les performances lives de Mai Lan, de Yan Wagner et de Benjamin Biolay. Le point de convergence entre les trois artistes s’arrête toutefois ici, tant les univers musicaux proposés hier soir à l’abondant public de la Cigale se détachaient les uns des autres…

Esméralda aux longs cheveux raidis et sombres et aux yeux en amande, chanteuse pop méconnue du grand public mais auteur d’un premier album éponyme remarqué, Mai Lan ouvre tout en douceur et en chaleur les hostilités réjouissantes de la soirée. Soucieuse de faire participer un public d’abord peu réactif, Mai Lan tient à partager son univers avec quiconque veut bien le recevoir, et se plaît à introduire ses chansons en les agrémentant de quelques anecdotes sur leur genèse, quitte à ralentir un peu un rythme que l’on souhaiterait parfois voir plus soutenu. Sur « Le Dahu », par exemple, Mai Lan évoque les chasses de cette bête fictive et effrayante qu’elle menait gamine, le cœur vaillant, avec son ami d’enfance rencontré en classe de CP. Cet ami d’enfance est devenu son guitariste, qui accompagne impeccablement la chanteuse durant la trentaine de minutes que dure la performance live. La scène se voit progressivement ensoleillée par la ballade aérée du tube « Easy », que Mai Lan exécute avec un sourire contagieux et véritable, sourire qu’elle gardera constamment aux lèvres jusqu’au terme de sa représentation. Parfois hip hop, parfois folk, parfois électro, la pop de Mai Lan, légère et sophistiquée, est un véritable patchwork musical, aussi débrayé et libéré que les coloris de sa tenue vestimentaire, qu’elle a confectionnée elle-même (la chanteuse est aussi styliste et est la fondatrice de la marque Bezem y Mailan). Si « Les huîtres », délire clownesque hyper dansant, évoque presque une musicalité disco, l’univers éclectique de Mai Lan devient même carrément rock, lorsque les guitares électriques se branchent et viennent répondre aux beuglements délicats de la chanteuse sur le très bon « Hard Joy ».  Le public, finalement, est conquis par la bonne humeur environnante et par la qualité véritable d’une artiste en pleine ascension.

Le sourire de Mai Lan, la hauteur de Wagner

L’épais rideau de la Cigale se baisse et les Inrocks en profitent pour retracer avec Deezer l’histoire du festival en organisant un blind test grandeur nature. La comm’ est réussie, l’entracte, ludique, est parfaitement comblé

, et permet au public de ne pas voir le brutal changement qui s’opère en coulisses et sur la scène. Lorsque les lumières s’allument et que les rideaux rubiconds de la Cigale s’écartent, le décalage est en effet total. Mai Lan et son univers doux, souriant et coloré a été remplacé par son antonyme, froid et parfaitement sûr de lui.

Yan Wagner, ovni électro à la frontière de la techno et de la pop, impose immédiatement sa voix grave et distinguée dans l’atmosphère emmurée de la Cigale, performance illustrée par des images plurielles défilant derrière l’artiste à toute vitesse sur un écran positionné pour l’occasion. Les synthés eighties et froids de Wagner remplacent le tambourin joyeux de Mai Lan et les morceaux s’enchaînent sans interruption notoire. La performance ne s’arrête que quelques instants, le temps pour l’artiste de balancer un laconique “Bonjour, c’est Yan Wagner !”, et d’enchaîner sans transition, sans prendre forcément le temps d’afficher son sourire le plus rayonnant…

Electro diabolique et pénétrante (“Love sick”), apothéose techno d’un autre âge  (“Recession Song”) ou tube électro pop en puissance (“Forty Eight Hours”), le premier album de ce disciple manifeste de Kraftwerk, parfaitement récité, fait danser la Cigale avec gravité, mais ne parvient jamais à lui offrir le retour somptueux que mériterait la performance pourtant impeccable de l’une des grandes figures émergentes de la scène électronique française. Même lorsque Wagner, pris d’un surprenant élan, s’élance par-delà la scène et s’aventure dans la fosse bondée de la Cigale, le microphone à la main, la foule ne bronche pas, trop peu réceptive à la musicalité sophistiquée de ce qui se déroule sous ses yeux. Biolay, durant les envolées technos de l’artiste, semble être sur toutes les lèvres…

La Cigale et la passion Biolay

Nouvel entracte. Et changement d’atmosphère, de nouveau. Les gradins trépignent d’impatience, la fosse se remplit, les bières s’épuisent et déjà, se digèrent : il ne manque plus que la véritable tête d’affiche de la soirée, celui que la plupart sont venus voir décliner son dernier album Vengeance : Benjamin Biolay. On applaudit, on murmure, on l’appelle. Lorsque BB se présente sur scène, la Cigale ne cache pas sa joie, trop impatiente de se gorger des performances de l’artiste, veste blanche et chemise sombre, les cheveux en arrière comme un crooner sur le retour. Le dernier album de l’artiste défile, de “Aime mon Amour” à “Marlène Déconne” en passant par le polémique “Vengeance”. Mais ce sont surtout les titres ancestraux du chanteur qui captent l’émotion du public. Apogée tubesque de la soirée, la Cigale reprend doucement les paroles de “la Superbe”, alors que les i-Phones enregistrent l’évènement en oubliant de le vivre, eux qui virevoltent dans les cieux, prêts à capter chaque souffle qui émane de la voix sensuelle et virile de Biolay. Le tube, étrangement interprété par l’artiste, n’est pourtant pas une réussite. Mais peu importe, le succès est acquis d’avance, et le public est pendu aux lèvres de l’artiste, qui enchaîne les morceaux avec une efficacité véritable. Element urbain et baroque de la soirée, Biolay se paye même le luxe de faire monter sur scène le rappeur Orelsan, son look de canaille, son bonnet et ses pompes rouges, qui vient poser, le temps d’un morceau sur l’excellent “Ne Regrette Rien”. Le duo, étrange et décalé, vaut le détour. Oxmo Puccino et Vanessa Paradis, également en featuring sur l’album studio, ne feront pas, pour leur part, acte de présence, au contraire de l’excellente Jeanne Cherhal.

En guise de conclusion, après deux rappels fructueux, un Biolay hyper souriant et manifestement comblé, offre à son public un “Padam” survolté et diablement convaincant. L’occasion pour la Cigale, en écho aux paroles de la chanson, de lui déclarer amoureusement sa flamme, naturellement. Car il est vrai que ce soir, c’était clairement Benjamin Biolay que le public était venu voir…

Visuel : crédits photos : Forty Eight Hours

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Bastien Stisi
Journaliste musique. Contact : [email protected] / www.twitter.com/BastienStisi

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