Jazz
Le Périgord Noir, du Baroque au jazz

Le Périgord Noir, du Baroque au jazz

17 August 2018 | PAR Gilles Charlassier

Rendez-vous musical estival au cœur de la Dordogne depuis plus de trois décennies, le Festival du Périgord Noir initie cette année son premier week-end jazz, avec le tropisme jeunes talents qui fait son identité. Fruits d’un partenariat avec la Haute Ecole de Musique de Lausanne et la SPEDIDAM, les deux concerts du dimanche 12 août en offrent l’illustration.

[rating=4]

v-comme-vian

Quand au début des années quatre-vingt, Jean-Luc Soulé, le président du festival du Périgord Noir a initié un rendez-vous musical estival au cœur de la Dordogne, il s’agissait, dans la floraison impulsée par la vitalité politique du Ministère de la Culture d’alors, de faire vivre un terroir au-delà de sa carte postale pittoresque et gastronomique. Au fil des ans, la manifestation est devenue un lieu de passage pour les jeunes artistes, entre autres par le biais d’une académie longtemps dirigée par Michel Laplénie, figure tutélaire du renouveau baroque en Aquitaine. Si Montignac et l’église de Saint-Léon-Vézère demeurent les foyers du festival, ce dernier n’en investit pas moins la diversité d’un territoire aux ressources dépassant parfois les attentes consacrées. Ainsi en est-il de la Chartreuse des Fraux, corps de ferme et de dépendances sur un promontoire à la sortie de La Bachellerie, que Véronique Iaciu, la directrice artistique, a découvert, pour en faire le creuset d’un élargissement de sa programmation, et donner une véritable place au jazz, selon les mêmes principes d’émulation générationnelle autour desquels s’articule l’identité de Festival du Périgord Noir. Dans sa jauge intimiste, la grange en accueille ainsi le premier week-end jazz.
Si le samedi donne la parole aux étudiants du CRR de Bordeaux, avant une soirée avec le Gauthier Toux Trio et le Quatuor Arcos, le dimanche témoigne des partenariats tissés pour compter parmi les tremplins offerts à la nouvelle génération. Récent, celui noué avec la Haute Ecole de Musique de Lausanne se livre avec un programme concocté autour de la figure de Boris Vian. Sous la houlette de deux de leurs professeurs, Thomas Dobler, au piano – en lieu et place du vibraphone initialement prévu – et de Francis Coletta, à la guitare, cinq étudiants de l’HEMU Jazz Orchestra font revivre le swing acidulé d’un génial touche-à-tout de l’après-guerre, dans des arrangements de Philip Henzi et trois de ses étudiants en composition. En passeur de textes gourmands en jeux de mots, François Monteverde débite les avanies de la quotidienneté d’un zazou, avec un zeste de gaucherie ironique habile à faire oublier le compréhensible trac du cadet de la formation. La maîtrise de l’apprêt, peut-être un rien appuyé parfois, s’entend dans la clarté du timbre comme de la diction. La narration musicale et théâtrale réserve, comme il se doit, des solos à tour de rôle, de la trompette de Shems Bendali à la contrebasse de Matyas Szandai, en passant le saxophone ténor d’Arthur Donnot, et son frère alto par Micaël Vuataz, sans oublier le piano et la guitare des deux tuteurs enseignants. Les improvisations se répondent, sans jamais heurter la collégialité du propos.
On retrouve une balance semblable dans le concert du soir, placé sous le signe des croisements entre les genres, comme peut l’être le répertoire de bossa nova. Pierre Drevet, à la trompette et au bugle, a réalisé des arrangements pour son ensemble le Lilananda Jazz Quintet, et un quatuor à cordes, les Pernambuco, jeune ensemble soutenu par la SPEDIDAM. Sans rechercher une sonorité qui ne serait pas idiomatique, l’intervention d’une formation classique éclaire les ressources savantes des numéros de bossa nova interprétés, qui gardent, avec la voix de Claire Vaillant, leur saveur expressive et leur inspiration ensoleillée parsemée ça et là de mélancolie. Douée d’une chaleur communicative, elle invite, en bis, le public à faire chorus à sa suite. Un carrefour des genres et des émotions, ainsi apparaît la Chartreuse des Faux, et avec elle le Festival du Périgord Noir.

Gilles Charlassier

Festival du Périgord Noir, jusqu’au 8 septembre 2018, concerts du 12 août 2018

Visuel ©Festival du Périgord Noir

Voyou, de Itamar Orlev : père, fils et Destin
Michaël Ferrier signe un beau texte sur l’amitié et le deuil
Gilles Charlassier

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration