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Deux belles soirées à Jazz in Marciac

Deux belles soirées à Jazz in Marciac

14 August 2017 | PAR Delphine Habert

Dans le cadre du 40ème anniversaire du festival Jazz in Marciac, Toutelaculture était présent lors de deux soirées musicales de grande qualité les 6 et 7 août derniers.

Pendant le festival, le petit village de Marciac vit et respire jazz. La belle bastide gersoise accueille chaque année un nombre impressionant de spectateurs mélomanes, offrant des concerts de choix sous l’immense chapiteau qui prend place sur le terrain de rugby du village et dans l’Astrada, une belle salle de concert construite il y a quelques années. Sur la place de la mairie, on peut aussi se poser toute la journée sous les hauts draps qui protègent du soleil gersois et entendre des formations jazz de très bon niveau. On peut y manger les spécialités locales : du canard, du floc de gascogne, en écoutant les différents effluves jazzistiques.

Marciac, ce n’est pas seulement des concerts d’exception pendant les 17 soirées du festival in et le festival off place de la mairie, c’est aussi des concerts dans les nombreux restaurants et bars installés dans les ruelles du village, dans les jardins de maisons arrangées en auberge pour l’occasion. Ce sont des jam sessions à côté de l’église ou dans le camping sauvage près du lac. Puis ce sont les concerts improvisés à 2h du matin, quand les musiciens viennent jouer dans les bars pour prolonger la folle ambiance des concerts.

Le festival fêtait cette année ses 40 ans, soit plus de 600 soirées et près de 6000 levers de rideau. Toutelaculture a vécu pour vous deux soirées sur les 17 de cette édition.

Dimanche 6 août 2017 – Chapiteau de Marciac : la claque musicale du duo Hiromi / Edmar Castañeda et l’ambiance cubaine garantie par Roberto Fonseca

A 21 heures, Hiromi et Edmar Castañeda arrivent tous deux sur la scène, chacun se place derrière son instrument, imposant à sa manière. Le piano Steinway de la japonaise fait face à la harpe du colombien, comme si un duel se préparait. Le premier morceau, « A harp in New York » , composition du harpiste, impose la couleur. Le public est subjugué et ébahi en l’espace de quelques minutes.

Hiromi est coiffée avec les cheveux bien plaqués et ce chignon complètement déjanté, à l’image d’ailleurs de son jeu pianistique. Elle porte une robe et des basket au pied, le perfectionnisme et la fantaisie spontanée réunis. Dès les premières notes elle est en communion avec son instrument, elle est connectée, comme branchée, électrisée. Toutes les notes ont leur poids, leur importance. Elle joue du piano à la manière d’un(e) percussionniste, maîtrise et joue avec les nuances à la perfection. Elle est plongée dans la musique, à l’écoute de son acolyte harpiste. Ses solos sont étourdissants, ses doigts traversent le piano de long en large, tantôt à la manière d’une petite souris apeurée qui prend la fuite, tantôt à la manière plus lourde et brutale d’un marteau piqueur, en utilisant toutes les possibilités percussives de son instrument.

Face à elle, Edmar Castaneda n’est pas sans reste. On a du mal à imaginer ce que la harpe, cet instrument peu utilisé en jazz, peut rendre comme son jazzistique, qui plus est en duo avec un piano Dès le premier morceau, on comprend que le potentiel de cet instrument est en fait exponentiel. L’interprétation de la composition du harpiste « For Jaco » nous conforte dans cette idée et nous donne des clés de compréhension. Edmar Castañeda, fan de Jaco Pastorius, a essayé de reprendre le jeu du fameux bassiste en le transposant à la harpe. Son instrument devient un orchestre à lui tout seul, faisant tantôt office de guitare et de basse, tantôt de steel-drum ou résonnant parfois comme une kora. Des bend, des jeux avec les harmoniques, tous les effets utilisés par des instruments à cordes peuvent être reproduits. La technicité et la dextérité de l’artiste créent une explosion de couleurs et une vraie musicalité.

Le combo de ces deux artistes est flamboyant, à l’instar de la composition de Hiromi pour harpe et piano, la suite « The Elements » composée des 4 mouvements « Air », « Earth », « Water » et « Fire », qui démontre une palette de motifs, de styles, des battle de folie, toujours dans une écoute parfaite de l’autre, avec une virtuosité et une rapidité dans leurs échanges et engagements physiques qui impressionne et fait plaisir à voir, et surtout à entendre.

A 23 heures, c’est au tour de Roberto Fonseca de prendre place sous le chapiteau de Marciac, accompagné d’une grande formation de sept musiciens, pour dévoiler un projet préparé pour l’occasion. Le pianiste cubain lance un morceau dansant dès le début. Sur deux pièces, la flûte traversière entonne des solos planant au dessus du chapiteau, les solos de saxophone et de trompette font se déhancher le public. Roberto Fonseca invite le trompettiste Erik Truffaz sur plusieurs morceaux, le son suave et nostalgique de sa trompette se marie à merveille avec les sonorités cubaines du groupe. Puis c’est au tour du dj Gilles Peterson de tenter une expérience unique : jouer avec le toucher percussif et doux du cubain. Des boucles électro se succèdent et Roberto Fonseca improvise sur et avec ces sons, puis c’est au tour d’Erik Truffaz de s’intégrer à la fête. Une belle réussite.

Un morceau est tout particulièrement dédié au chanteur cubain Ibrahim Ferrer, décédé en 2005, quelques jours après avoir donné un concert à Marciac. Le peintre cubain Alberto Lescay arrive sur scène accompagné d’un piano droit habillé de barres de scotch blanc. Roberto Fonseca commence à jouer sur ce piano tandis que le peintre sort ses pinceaux et démarre son œuvre en live. Le groupe fait chanter le public à l”unisson « Yo no sé, que sera, lalalalalalalala ». A la fin du concert, un beau piano coloré est livré.

Roberto Fonseca n’est pas sans reste, et revient trois fois sur scène pour faire danser le public, sur son morceau « Afro Mambo » puis sur une musique de salsa avant de terminer sur une berceuse au piano. Il est 1h30 du matin, le groupe a offert deux heures de concert.

Lundi 7 août 2017 – Chapiteau de Marciac : le groove rétro de Gregory Porter et le combo jazz / inspirations irakiennes du Wynton Marsalis Septet accompagné par le oudiste Naseer Shamma

Le chanteur à la casquette et cagoule noires n’a aucun air d’un gangster, il arrive sur scène avec élégance et un large sourire réconfortant aux lèvres. Fort de ses quatre albums Water, Be Good, Liquid Spirit et Take Me to the Alley, Gregory Porter est très attendu par le public marciacais. Il entonne ses morceaux les plus connus comme « Don’t Lose Your Steam » ou « Liquid Spirit », des morceaux très rythmés, et qui groove. Le son de l’orgue Hammond et le jeu piano bar du piano ajoutent une touche rétro vintage, plus que jamais au goût du jour. La structure rythmique est bien en place, et les solos du saxophoniste toujours bien amenés. Les mises en place multiples sont parfaitement maitrisées et appréciées. Les débuts et fin de morceaux sont amenés avec grâce et précision dans les nuances.

Gregory Porter, avec sa belle voix enrobante et ronde, sait aussi entonner des morceaux plus doux, comme « Take me to the Alley » et enchante le public en reprenant le célèbre « Papa was a rolling stone ».

En deuxième partie, c’est au tour de Wynton Marsalis, parrain historique du festival, et de son septet, de nous offrir une belle rencontre avec le joueur de oud irakien Naseer Shamma, récemment nommé « Artiste de l’UNESCO pour la paix ». Au programme, des compositions du oudiste, des standards de jazz comme « Limbo Jazz » de Duke Ellington ou encore des morceaux au style New Orleans.

Les solos de oud nous transportent vers l’Est, les envolées lyriques du petit saxophone ténor enchantent, les solos de trompette sont à l’image de l’artiste, toujours créatifs, poussant les limites sonores de l’instrument au maximum, et toujours bien construits. Les solos de trombone et de saxophone soprano sont parfaitement menés. La section rythmique est solide, elle est comme d’habitude composée des trois musiciens présents depuis déjà de nombreuses années au côté du trompettiste, à savoir Ali Jackson à la batterie, Carlos Henriquez à la contrebasse et Dan Nimmer au piano. Wynton Marsalis est le maître à bord, mais c’est surtout un leader qui encourage, qui s’imprègne des solos de chaque musicien, qui réagit tantôt avec un immense sourire d’extase, tantôt avec des grimaces, pénétré par la musique.

Le oud de Naseer Shamma se marie très bien avec le septet, trouvant notamment sa place lors de ses solos ou échanges avec d’autres instruments (comme le piano dans la vidéo qui suit).

Le trompettiste Wynton Marsalis, habitué du chapiteau depuis de nombreuses années, venait pour son premier concert pour les 40 ans du festival, avant de revenir avec la chanteuse Cécile McLorin Salvant le vendredi 11 août, toujours sous le chapiteau. Ce soir-là l’artiste a voulu partager son expérience et histoire commune avec le festival tout au long de ces années, un beau discours à voir ici :

© Juan Patino, Arien Chang, Shawn Peters et Frank Stewart

Agenda des soirées du week end du 11 août
L’agenda culture du lundi 14 août 2017
Delphine Habert

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