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[Interview] David Krakauer nous fait entrer dans son “Big Picture”

[Interview] David Krakauer nous fait entrer dans son “Big Picture”

13 November 2015 | PAR Yaël Hirsch

Le clarinettiste David Krakauer est de retour à Paris avec un grand concert à la Cigale dans le cadre de Jazz & Klezmer le 21 novembre. Avec The Big Picture, où David Krakauer revisite à sa manière le répertoire cinématographique juif américain – avec des vidéos assurées par le collectif Light of Day – il s’agit donc sur scène d’un projet d’un genre tout nouveau pour cette grande figure du Klezmer. Rencontre à quelques jours de ce passage très attendu en France.

Quand on corrèle le cinéma et musique, on pense souvent au cinéma muet et à ses accompagnants musicaux. Votre « Big Picture » prend-il les choses à rebours quand il commence par la musique des films pour recréer des images autour ?
Oui, on a choisi la musique des films emblématiques mais ce sont des films qui ont tous une relation à la judaïcité, la culture juive. Il y a 3 grands thèmes dans l’album : l’immigration des juifs d’Europe de l’Est vers les Etats-Unis, la Shoah et la sensibilité juive. Et ça ce sont les films de Woody Allen, Radio days, et La Marche de l’amour des trois oranges de Serge Prokofiev.

Ces thèmes créent une recherche d’identité, c’est ce qui fait mon histoire de juif américain, mais je crois aussi, celle de tout le monde. J’ai deux grands-parents déjà nés aux Etats-Unis et les deux autres sont nés en Europe de l’Est. Ma grand-mère paternelle est née dans une petite ville près de Minsk en Biélorussie et aussi mon grand-père maternelle qui est né en Ukraine et mon arrière grand-père est né en Pologne (près de Bialevstak).

Mais je crois que le cinéma, comme la musique, est un art universel. Et pour cet album, je voulais avoir des thèmes : universels. Là, j’ouvre pour le public plus large, j’essaye de m’ouvris plus largement que quand je joue du Klezmer….

Par quoi avez-vous commencé : le jazz ou le Klezmer ?
J’ai commencé par le jazz. Avec le classique et le jazz puis j’ai abandonné le jazz a 20 ans, j’avais peur de ne pas pouvoir m’exprimer suffisamment avec autant d’originalité. Le klezmer m’a fait entrer dans un nouveau monde culture. J’ai cherché ma voie personnelle. Mais vous savez, Klezmer et jazz, c’est aussi lié. Notamment dans The Big Picture, c’est un message et aussi un voyage et donc c’est ouvert.

Pour votre dernier disque, avez-vous choisi des films qui vous on marqué personnellement ou des films plus « universels » ?
Avec les producteurs, on a choisi des films vraiment emblématiques, mais aussi des chefs d’œuvres moins connus comme Avalon de Barry Levinson. Ca commence le 4 juillet 1900 et le père de la famille arrive aux Etats-Unis depuis l’Europe de l’est en bateau. Il arrive à Philadelphie le 4 juillet et il y a des feux d’artifices et il croit que c’est pour lui, pour lui souhaiter la bienvenue, et donc ça commence comme ça mais c’est cette naïveté qui est géniale. Le film commence avec une œuvre superbe de Randy Newman qui s’appelle The family et qui est comme une valse triste, une valse juive, russe mais à la Randy Newman avec un style un peu ironique…

Woody Allen, c’est un symbole du cinéma et de la musique juives américaines ?
Oui absolument, absolument, ce sont sensibilité juive et cette humeur juive qui sont extraordinaires. Dans son stand-up, Woody Allen est génial, il me fait rire, il me touche. Et aussi, Woody adore la musique, la clarinette. Et ca se sent dans les choix de musique de ses films. Au moment où on écoute “Body and Soul” dans Radio Soul, c’est somptueux, on tombe amoureux encore une fois de la musique.

Qui sont les musiciens qui vous suivent en tournée ?
Dans l’album, il y a la violoniste Jenny Scheinman, Rob Burger au clavier, Greg Cohen, le bassiste, Jim Black; le batteur et Adam Rogers le guitariste. J’avais aussi Cheryl Bailey et Nicki Parott mais pour la tournée, on a choisi consciemment des musiciens différents, des musiciens avec lesquels je n’avais pas l’habitude de travailler et donc c’est pas mon groupe normal le groupe avec lequel je joue et donc pour Paris on aura la violoniste Sara Caswell, le bassiste Brad Jones, le batteur John Hatfield, le clavier c’est Rob Schwimer et Cheryl Bailey va jouer de la guitare. Ce sont des musiciens extraordinaires, j’ai réuni des meneurs qui d’habitude fondent leurs groupes.

Visuellement, comment avez-vous pensé et travaillé le projet avec Light and Day?
Nous avons enregistré le disque de notre côté, en choisissant la meilleure équipe possible. Par exemple on avait l’ingénieur du son de Paul Mc Cartney qui est venu. On avait aussi un très beau studio à New-York. Je voulais qu’on entende que c’était fait soigneusement. On a fait l’album et ils l’ont écouté et ensuite ils ont réagi à la musique. Ils ont réagi visuellement à cette musique qui nous a été inspiré par de la musique. Ca a créé un grand cercle. …

A l’écoute du disque, il y a quelque chose de parfois mélancolique, bien sur, mais il y a aussi et surtout une impression de fête. C’est important pour vous qu’on fasse la fête quand on vous écoute ?
Oui, j’aime bien que les gens fassent la fête mais aussi qu’ils réfléchissent et c’est ça que j’essaye de faire : une musique réfléchie avec des éléments auxquels on peut penser mais aussi avec des moments de détente. The Big Picture c’est du vrai divertissement, toujours mais c’est aussi réfléchi, comme quand on va au cinéma, on s’assoit et on attend l’expérience Et par exemple alors que je ne voulais par reprendre le fameux Violon sur le toit, j’ai trouvé une idée pour faire quelque chose de Funky avec « Tradition ». Du coup le résultat est festif, relâché et en même temps ion réfléchir et c’est très important, je trouve.

Vous êtes très fidèle au Festival Jazz & Klezmer, est ce que vous pouvez m’en dire un peu plus sur la rencontre avec Laurence Haziza ?
Je connais Laurence depuis 2005, quelque chose comme ça, et on est très amis. Elle m’a interviewé plusieurs fois et quand elle m’a dit qu’elle lançait ce festival, Jazz & Klezmer, je lui ai dit qu’à chaque fois que je suis disponible, je viendrai. C’est un excellent festival.

Dans The Big Picture, il y a donc plus de classique et de jazz et moins de klezmer. Pour le prochain projet, allez-vous revenir au klezmer. Ou est ce que vous avez plus envie d’aller vers le classique et le jazz à nouveau ?
Je vais bien sur continuer le Klezmer, à côté de the Big Picture, je continue mes tournées avec Ancestral groove. Le but du Big Picture n’était pas d’arrêter le Klezmer mais d’ouvrir et d’élargir mon public. Mais aux fidèles, ne vous inquietez pas, sur scène et en final, je vous promets un morceau mortel de klezmer.

visuels : photos officielles

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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