Musique
Jazz à la Villette : sacrée soirée Coltrane avec Mills/Parisien puis Sanders/Hussain/Kühn

Jazz à la Villette : sacrée soirée Coltrane avec Mills/Parisien puis Sanders/Hussain/Kühn

05 September 2017 | PAR Elie Petit

Jazz à la Villette a de l’idée. Et du cachet. Exemple ce vendredi 1er septembre avec la double performance Mills/Parisien puis Sanders/Hussain/Kühn.

La grande Halle de la Villette est pleine, les derniers jazz aficionados d’une foule aux accents internationaux cherchent leurs places. Les portes se ferment. Dans une légère pénombre, Mills apparait déjà derrière ses machines. Parisien arrive aussitôt, son saxophone soprano à la main. Ce soir, on rend hommage au grand John Coltrane.

L’introduction des deux musiciens, rassemblés spécialement pour ce projet ressemble à un mélange de jazz et de sound design. On monte et on descend en intensité, tandis que Parisien s’agite comme un balancier aux mouvements irréguliers. Mills est concentré. Il tape les pads, circule entre les machines. Du saxophone de Parisien s’évade le son qu’il avait déjà laissé entrevoir dans son album Belle Epoque avec Vincent Peirani. Leur concert au Duc des Lombards nous avait ébloui. Des minutes durant, il improvise, Coltrane en tête, sur un seul accord, parfois trituré, parfois reposé par le pape de la techno de Detroit, son berceau.

Le second morceau voit un sample de cordes retravaillé, Parisien s’agite désormais comme une abeille et Mills joue des enregistrements de cymbales, les faisant durer délicieusement. Des roulements de tambours aussi. Mills a déformé la bande enregistré, l’a groovyfié. On voit dans ses déplacements, dans ses choix, l’habileté du maître, si rapide et précis. Il enregistre, il superpose et il déconstruit. Un magicien.

On verra, comme le précise Emile Parisien, des références à Giant Steps, à Jupiter mais aussi à Naima. Le saxophoniste est visiblement honoré de partager cette scène avec Mills. Mais il ne perd pas de sa fraicheur, se baladant, s’asseyant et toujours en envoyant ses saillies bien senties. Il joue aussi de pédales d’effets.

Mills se dessine percussionniste en calant divers accessoires comme des maracas métalliques en live. Au bout d’une heure, la rythmique devient plus soutenue et une mélodie apparait. Puis Mills efface soudainement le sample et part à l’aventure sur ses machines. Parisien suit easy. Ce qui naît dans la tête de Parisien, qui s’échappe de son pavillon est à la fois effroyable et génial. Il tape du pied. On en revient pas. Pour une première partie, on est déjà soufflé. C’est sans connaître la suite.

Entracte

C’est épaulé que Pharaoh Sanders rejoint le centre de la scène. Son pianiste Joachim Kühn et le joueur de tabla, Zakir Hussain, ayant fait les belles années de Ravi Shankar entame un début de set. Sanders semble dérouté, pas sûr de vouloir, ou plutôt de pouvoir y être. Il veut sortir de scène, est rattrapé par un régisseur, s’assied finalement, ressort, puis revient.

Pendant ce temps, le maîtres des tablas éblouit par l’agilité et la fugacité de ses doigts. Kuhn au piano la joue rythmique et d’une très grande dextérité. Sanders y est, son saxophone éraillé ébranlé la foule. Quelques phrases, pas plus. Et quand il a fini son propos, il se rassied, contemple la foule et ses musiciens, dans un mélange de fatigue et de complicité sur son age et son état. Mais si ses jambes sont lentes, ses doigts envoient toujours.

En parlant de doigts, ceux d’Hussain semblent vouloir montrer qu’ils sont les plus rapides du monde. Ses solos sont très applaudis. Surtout quand il se met à chanter, à jeter des incantations ou à adjoindre le rythme des tables au rythme créé par ses onomatopées vocales.

Sanders aussi, n’est pas exempt de facéties. Il chante dans son pavillon, esquisse quelques danses, pieds figés dans le sol, mais le bassin déhanché. Et s’exclame parfois. Un sage, agité, inspiré, est sur scène. Il rejoint aussi souvent sa chaise, assis, penseur, triste, peut-être. Toutes les émotions sont présentes, se succédant si vite. Il laisse parfois les musiciens jouer, laisse les grands enfants s’amuser et revient quand on redevient sérieux.

Après quelques développements mélancoliques du pianiste, Sanders nous gratifie une dernière fois de sa prose saxophonique, dans ses mots, dans ses notes, en hommage à ceux de Coltrane, puis s’eclipse.

Ce soir, sous la Halle, c’était le populaire et le savant, c’était le drôle et le sérieux, c’était le Jazz, à la Villette.

Visuel @ crédit : Maxime Guthfreund / Jazz à la Villette

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