Musique
Insula Orchestra met la Goethe génération en marche

Insula Orchestra met la Goethe génération en marche

19 April 2013 | PAR Bérénice Clerc

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Insula Orchestra, donne actuellement sa deuxième série de concerts, le 18 avril ils sacrèrent le printemps pour un Gaveau Intime entre Mozart, Schubert, le Piano-fortiste Kristian Bezuidenhout et Laurence Equilbey à la baguette vive pour un concert gorgé d’énergie et d’émotions.

Paris noyé dans le soleil offre les sensations exaltées des premiers beaux jours. Les couches de vêtements disparaissent, le corps se réchauffe et l’esprit léger les spectateurs de la salle Gaveau venaient voir grandir Insula Orchestra.

La salle Gaveau ou le charme désuet d’un espace aux allures germaniques destinée à la musique de chambre. Naïve y invite ses artistes à imaginer un concert pour Gaveau Intime, Laurence Equilbey choisit Mozart et Schubert avec les instrumentistes de son nouvel orchestre Insula Orchestra.

Nous avions assisté à sa jolie naissance en novembre 2012 sur la Messe en Ut Mineur de Mozart avec l’angélique Julie Fuchs et bien d’autres.

L’orchestre prend place, tous les âges y sont représentés, Laurence Equilbey d’un bon sort de l’escalier à jardin, la musique peut sortir du chaos. L’ouverture de Lo sposo deluso, opéra inachevé de Mozart commence en douceur, la lumière d’une petite luciole légère, puis la musique avance, avance se fait plus puissante, un feu naît jusqu’au grand brasier inondant de lumière et de couleurs toute la salle et les spectateurs ravis.

Kristian Benzuidenhout, le piano-fortiste du moment, s’installe pour le concerto pour piano et orchestre n°23 de Mozart. Il rayonne de beauté, jeunesse et pudeur, dès les premières notes de l’orchestre il est totalement investi, complètement dans la musique, en partage avec les musiciens d’Insula et la chef à la direction sensible et vibrante. Malgré un léger problème de balance orchestre, pianoforte rendant les graves parfois difficilement audibles, la magie opère.

Tous les instruments sont visibles, le piano-forte détache les notes dans l’espace sonore, les croisements et résonances se multiplient et font naître la musique au moment présent avec le respect du texte et du compositeur.

Le choix des tempi est judicieux, une prouesse rythmique forte de l’énergie du jeune Mozart loin de la guimauve parfois clichée entendue jusqu’à présent dans diverses versions de ce concerto. Le second mouvement élève, dans une tonalité inhabituelle il fait éclore le mystère d’une mélancolie poignante, sombre, sensuelle, éclairé par quelques touches lumineuses finement livrées par la chef, l’orchestre et le piano-fortiste.

Ce morceau tellement connu, utilisé de nombreuses fois au cinéma renaît ici autrement, intime, avec la finesse des grands orfèvres de l’émotion. L’équilibre des pièces et les balances instrumentales sont parfaits, vents, cordes, tout brille, le pianoforte éclaire l’orchestre, Insula envoie des faisceaux lumineux au piano-fortiste, l’emportement des spectateurs est palpable.

L’allegro du troisième mouvement éclate, la joie triomphe, simple brillante, il suffit de se laisser aller à la quiétude, faire le choix de la vie et de l’épanouissement grâce aux jaillissements de gaité de Laurence Equilbey transmis sans intermédiaire à son orchestre et Kristian Bezuidenhout. Les bravos fusent de toute la salle, la joie du beau voyage est lisible sur le visage des musiciens et de la chef. Kristian Bezuidenhout revient seul pour un rappel expressif, doux et nuancé.

Le temps de l’entracte les spectateurs échangent leur vision positive de la première partie du concert et retournent à leur place sagement pour attendre avec impatience Schubert.

Dès les premières notes, Laurence Equilbey déroule un tapis rouge pour Insula Orchestra, leur pâte sonore a déjà muri depuis novembre, plus souple, stable, confiant, solide et tout en nuance, chaque instrument respire. Une ballade joyeuse du début à la fin de la partition, des tempi enlevés, une urgence à offrir la musique, pudique, retenue, explosive la direction est précise, contrôlée, rien n’est laissé de coté pas une note ne s’échappe sans briller.

Alan Emslie rend les percussions sensuelles et extatiques comme jamais, les douces mélodies des bois enivrent, les violons pulsent, les instruments d’époque résonnent de toutes leurs particularités, la performance vibratoire semble arrachée au réel de 2013.

Laurence Equilbey féline ondoie au rythme enivrant de la partition, telle une petite fille en plein jeu, la maturité et l’expérience musicale en plus, elle anime la musique avec une énergie dramatique sans faux semblants ni mise en scène de sa direction.Tout est chargé, comme si la terre parlait à ses pieds, le fluide monte jusqu’à ses doigts et jaillit sur les musiciens instantanément pour les nourrir de beauté et faire marcher la musique jusqu’au ciel peut-être…

Les applaudissements furent nombreux et après la ridicule distribution de bouquets de fleurs à la femme chef d’orchestre et la première violon (comme si seules les femmes, petits êtres fragiles, émues d’un rien avaient besoin de recevoir des fleurs ou ne pouvaient être remerciées autrement… !) un rappel Entracte de Schubert acheva de séduire les spectateurs caressés par le voile du printemps musical.

L’entrain et l’ardeur habitent le public, en ces temps de crise de la pensée, il est bon de voir un orchestre se créer avec l’envie de transformer les sensations en émotions. L’énergie créative sauve le monde, les Hauts de Seine ont eu la bonne idée de financer l’excellence et d’offrir à leurs habitants de tous âges la rencontre possible avec la musique.

Insula Orchestra marche d’un pas aérien, bien ancré dans la culture musicale du passé avec l’absolue nécessité d’inventer une matière sonore actuelle.

Ce programme est à écouter le 19 avril à Boulogne au Carré Belle Feuille à 20h30 et à la vieille église de Puteaux le 21 avril à 10H30. Insula Orchestra reviendra en juillet avec l’exquise Sandrine Piau, le brillant Johannes Weisser et le célèbre Accentus pour Le Requiem de Mozart. Suivez leurs actualités ici.

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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