He’s still there : Bob Dylan et son “Together through life”
Together through life, la promesse d’entendre un nouveau Dylan qui retourne au style épuré de ses débuts.
A quelques jours de la sortie du nouvel album de Bob Dylan,
Together through life, les réactions les plus diverses se faisaient déjà entendre. Comme toujours, les dylanophiles se divisent pour juger ce dernier disque. De son passage à Paris en avril au hors série de avril-mai de Rolling Stone entièrement consacré à l’artiste, en passant par l’édition de Bob Dylan, une biographie de François Bon enfin en poche et du Temps des possibles de Suze Rotolo (qui a partagé sa vie dans les années 60), chaque événement représente une nouvelle occasion de parler de celui qui parle peu de lui même. Pour certains, Dylan en concert c’est He’s not there, d’après le magnifique film de Todd Haynes sorti en 2008. Ceux là se contentent donc d’écouter ses disques. Certes, l’arthrose n’aidant pas, il se contente de son clavier et de son harmonica. Souvent de profil sur scène, il peut donner une impression d’être ailleurs. Et alors.
Bob Dylan en concert
De ses deux dates au palais des congrès, on se souviendra surtout de son timbre toujours aussi saisissant et de son interprétation complètement différente de chansons connues et reconnues. Plusieurs secondes, voire minutes, pour reconnaître sa silhouette du haut de son perchoir du palais des congrès. Plusieurs secondes, voire minutes, pour reconnaître la chanson qu’il est en train de jouer, maniée et remaniée, Interprétée de manière à ce la chanson ait l’air complètement nouvelle, voilà le travail de Bob Dylan en concert. On adore, ou on déteste.
L’impression d’avoir déjà entendu cette ballade sans la reconnaître vraiment, ou de n’écouter qu’une seule et même chanson pendant une heure trente. Voilà l’effet que nous fait Bob Dylan en concert, on ne peut que supposer que
Together through life nous fera un effet similaire.
Toujours aussi peu prolixe à propos de son travail, le discret Dylan n’a donné qu’une seule interview inédite au sujet de ce 33ème album, et encore, celle-ci est publiée pour son site web bobdylan.com. Au cours de six entretiens, Bill Flanagan essaie de percevoir les différentes facettes de Dylan, ses opinions, ce qui l’a fait. Politique, musique : la diversité des sujets abordés tranche avec la concision des réponses (parfois trois mots).
Together through life
A l’origine de Together through life, l’écriture de la BO de My own love song d’Olivier Dahan, Dylan aurait été tellement inspiré qu’un album entier en est sorti. La douleur, l’amour, sur des ballades blues, sont les thèmes principaux de ce disque. Dans la lignée de Love and Theft et de Modern Times pour certains, un retour aux chansons épurées de ses débuts pour d’autres, ce nouvel album laisse encore une fois la porte ouverte à différentes interprétations. Mais une chose est sûre chez Dylan : ce qui compte, ce n’est pas ce qu’il dit ou ce qu’il a voulu dire. C’est l’effet, que l’on comprenne ou non les paroles.
Un prétexte aux discussions et suppositions, c’est aussi ce que représente la sortie d’un nouvel album du mystérieux chanteur pour les dylanophiles. Puisque toutes les interprétations sont possibles chez lui, qu’il ne réfutera aucune hypothèse, chacun se laisse porter par son imagination et y voit ce qu’il veut. Si Like a rolling stone est vue aujourd’hui comme une chanson sur Edie Segwick (l’actrice d’Andy Warhol), Dylan ne l’a jamais dit. Selon lui, un jour elle est à propos de quelqu’un qui dit à quelqu’un d’autre quelque chose qu’il ne sait pas; un autre elle représente vingt pages de colères qu’il avait écrites. Chaque événement Dylan rend possible des interprétations complètement divergentes comme celle-là. Aujourd’hui, c’est au tour de la pochette de Together through life, de laisser planer des interrogations. Tout ce que l’on voit de la photo de Bruce Davidson, tirée de sa série Brooklin Gang, deux silhouettes enlacées à l’arrière d’une voiture. Si Dylan lui même reconnaît que les personnages représenteraient bien deux hommes, il peut paraître un peu rapide d’y voir la reconnaissance d’une certaine homosexualité latente de l’artiste. Pour autant, que l’on adhère ou non à ce genre d’hypothèses il est évident que ce qui nous attire chez Dylan, c’est aussi cette part de mystère, insaisissable qui l’enveloppe. La distance qui le sépare des médias, la rareté de ses interview, tout cela contribue à former le mythe Dylan.
Ecouter Beyond here lies nothing:
Pauline MOULLOT