Musique
[Live report] Rock en Seine, 1ère journée

[Live report] Rock en Seine, 1ère journée

24 August 2013 | PAR Bastien Stisi

Rock-en-Seine-2013Au cœur d’une journée marquée par une chaleur littéralement étouffante, la 11e édition du festival Rock en Seine ouvrait ses portes hier en périphérie de la capitale parisienne. On y était, on vous en parle.

D’emblée, un contraste saisissant : sur la scène de la Cascade, d’un côté de l’immense Domaine National de Saint-Cloud, les rugissements post-punk et exclusivement féminins du quatuor amazone de Savages, nouvelle fracassante pépite garçonne du label londonien Pop Noire (Lescop, Johnny Hostile…) emmenée par la bombe punkette « Shut Up », mutinerie punk et ordurière contre laquelle on ne trouvera définitivement rien à redire. De l’autre côté, sur le devant de la Grande Scène, à quelques décibels et quelques encablures des sauvageries des anglaises, l’armada orchestrale et pop rock de Stuart Murdoch et de Belle and Sebastian, qui s’apprête à venir dessiner de larges et apaisés sourires sur les visages d’un public considérablement plus assagi.

https://soundcloud.com/kp182st/savages-shut-up-webster-hall

La veille, le groupe écossais formé du côté de Glasgow au cœur des années 90, sortait un album exclusivement composé de faces B qui n’avaient encore jamais été utilisées jusqu’alors. Bonne nouvelle pour tout le monde : peu de traces lors de la performance de la joyeuse bande de cette démarche un brin mercantile, mais une entrée en matière post-rock, une ribambelle de ballades idéalement pop ornementées de quelques tubes bien sentis et largement repris par une foule fidèle et connaisseuse (« Le Pastie de La Bourgeoisie », « The Boy With the Arab Strap »…), et quelques membres du public invités à monter sur scène partager la bonne humeur communicative des gentils britanniques.

https://soundcloud.com/detinha/belle-sebastian-le-pastie-de

De la pop outre-Manche, toujours, mais humectée cette fois-ci dans les larmes apaisantes et dans l’écume émotionnelle qui fait rougir le teint : nous voilà projetés du côté de la scène Pression Live où se produit le trio Daughter, emmené par la tendre et follement talentueuse Elena Tonra et par un statut de grande révélation pop folk de l’année passée. Malgré la chaleur accablante qui règne toujours sur l’espace verduré de Boulogne, et malgré les guitares considérablement alourdies pour les besoins du live en plein air, pas moyen de retenir le frisson élancé sur la peau et les poils qui s’hérissent instantanément à l’écoute de la folk introspective et rêveuse (cauchemardesque ?) des splendides « Run », « Tomorrow » ou « Medecine ». L’amour incestueux pour cette frangine de sang grandit encore davantage, plus authentique que jamais : on a hâte de la retrouver dans l’intimité du Trabendo, le 20 novembre prochain.

https://soundcloud.com/idil-gemici/daughter-run

Les Smiths ont pris quelques rides sur le visage et dans les guitares, se sont scindés en une seule unité, et perpétuent un rock très 80’ sans la domination des synthés par le biais de Johnny Marr, le mythique guitariste émérite du groupe de Manchester revenu sur le devant de la scène au début de l’année en sortant The Messenger, le tout premier album solo de sa carrière. Une production  sur la scène Industrie en même temps que les australiens rock et psychédéliques de Tame Impala (les choix sont parfois douloureux…), un public d’aficionados et de dinosaures 80’ fringués en conséquence, l’interprétation de quelques morceaux issus de l’album, dont le single éponyme « The Messenger », et surtout la curieuse impression de voir le légendaire guitariste se transformer au fil du concert en véritable jukebox ambulant, accumulant dans une démarche sans originalité les titres des Smiths (et même des Clash avec une reprise de « I Thought The Law » !) aux dépens de ses propres morceaux. Bon, les vieux (et les jeunes) fans des Smiths sont contents, et il faut bien avouer toute notre joie d’avoir la possibilité de se dandiner en live sur l’immortel « There Is The Light That I Never Goes Out »…

https://soundcloud.com/e-machinery-club/johnny-marr-the-messenger

Alors que les premières lueurs du soir viennent doucement s’emparer de l’immense domaine de Saint-Cloud, les premiers véritables blockbusters musicaux de la journée peuvent débuter leur enchaînement frénétique, un appel au mainstream et à la foule d’abord orchestré par les anglais de Alt-J et par leur pop folk teintée de psychédélisme et d’électro. Les vrombissements de « Fitzpleasure », les gimmicks et l’ambiance envoutante de « Taro », la pop experte de « Breezeblocks » ou de « Matilda » : satisfaite et bonifiée, la masse immense et uniforme prostrée devant la scène de la Cascade peut désormais se précipiter sur les devants de la Grande Scène où de nouveaux écossais sont sur le point de brandir la fureur des guitares en guise d’étendard d’une pop atteinte par le biais d’un rock énergique et flamboyant. Tête d’affiche centrale de cette première journée, les Franz Ferdinand et leur leader/chanteur/guitariste Alexander Kapranos confirment toute la formidable réputation scénique qui les précédent, et livrent une heure de concert où cette affolante usine à tubes bondissants et dévastateurs croise les classiques absolus de ses trois premiers albums (« Take Me Out », « Matinee » « Walk Away »…) avec les nouveaux titres issus de leur prochain opus Right Thoughts, Right Words, Right Action (dont l’excellent « Love Illumination »), allant même jusqu’à intégrer à leur set rock et vivifiant une reprise du titre techno et disco de Donna Summer « I Feel Love » (jadis mixé par Giorgio Moroder) ajusté à la chanson « Can’t Stop Feeling ».

https://soundcloud.com/inrockwetrust/franz-ferdinand-love-illumination

Après un ultime rush inédit des sautillants écossais (le groupe tout entier regroupé autour d’une batterie éreintée par les assauts répétés du quatuor…), la soirée se conclura avec un changement radical d’atmosphère, qui, s’il interrogera quand même la dénomination et la logique de l’intitulé « Rock en Seine », n’en affaiblira pas pour autant le contenu. Après la performance hip-hop et R&B de l’américain capuchonné Kendrick Lamar (présent hier soir en première partie d’Eminem au Stade de France), malheureusement faibli par une coupure de son assez longue entre les tubes « M.A.A.D City » et « Swimming Pools » (« Dranke ! »), c’est du côté de la Grande Scène et de la capitale berlinoise que se terminera la journée, avec le set tonitruant et technoïde du légendaire dj et producteur allemand Paul Kalkbrenner. Emmené par les morceaux phares de son dernier album Guten Tag, et par quelques classiques de sa vaste discographie (« Altes Kamuffel », « Aaron »…), le porte-étendard de la scène techno berlinoise post chute du Mur bouleversera une dernière fois les tympans et les sens d’une foule nombreuse et enivrée en livrant les résonances du fameux « Sky And Sand », le titre fétiche de la fiction cinématographique Berlin Calling dont Kalkbrenner était justement le personnage central et le compositeur principal. De notre côté, l’appel de Berlin et de tout le reste a parfaitement été entendu : rendez-vous nous a été donné dans quelques heures, pour la 2e journée du festival rock le plus généreux et le plus qualitatif de cette fin d’été 2013.

https://soundcloud.com/devlon/paul-kalkbrenner-aaron

 Visuel : (c) affiche du festival

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Bastien Stisi
Journaliste musique. Contact : [email protected] / www.twitter.com/BastienStisi

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