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[Live Report] Sexy Sushi au Trianon : un bordel magistral, évidemment

[Live Report] Sexy Sushi au Trianon : un bordel magistral, évidemment

16 May 2013 | PAR Bastien Stisi

Les Sexy Sushi nous avaient assuré il y a quelques jours, en marge de la sortie de leur dernier album studio Vous n’allez pas repartir les mains vides, que leur prochaine tournée live n’intégrerait pas dans sa folie suprême de morceaux destinés à parler au grand public, et qu’elle se contenterait au contraire d’accumuler les inédits que personne n’est habitué à entendre. Oh les vilains et immoraux cachotiers….

photo-1Trois croix géantes et blanchies maquillent la scène du Trianon d’une ambiance christique et mystique. Sur l’une d’elles, l’inscription « Jardin des Plaisirs », affirmation prophétique et sacrilège sans doute destinée à galvaniser davantage encore les ardeurs d’un public nombreux, punkisé et surexcité qui s’égosille et remue déjà dans la fosse avant même que ne retentisse un quelconque raisonnement sonore.

Sur le sol pas encore dégradé de la scène (l’affaire de quelques instants…) Rebeka Warrior et Mitch Silver (accompagnés par un pseudo Christ cagoulé, vulgarisé et considérablement ventru) se présentent alors, et s’agenouillent spontanément devant une foule qui peine décidément à contenir l’ampleur de son excitation électro-punk. Des stroboscopes d’une virulence épileptiques s’enclenchent alors, agressions visuelles bientôt accompagnées par les premières notes des machines de Mitch et par les incantations mystiques et assassines de « Il faut plonger les Enfants » (« dans des rivières de sang… ») Folie totale et dégénérée.

photo-5Rebeka, le sourire aux lèvres et le visage bleuté comme les créatures mi-Schtroumpf mi-Shrek qui illustrent le dernier disque du groupe, traverse la scène comme une furie infatigable, se jette dans la foule pour entamer le premier slame d’une très longue série, lance de la terre, de la bière ou de la peinture rouge sang dans la fosse, enfile les bières à n’en plus finir en même temps que les morceaux d’un album sorti lundi dernier et dont le plus grand nombre découvre les composantes quasiment en direct.

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Au sein de l’assemblée, des fanatiques grossièrement déguisés brandissent avec fierté le drapeau français sur le parodique et impertinent « J’aime mon Pays », le premier extrait polémique de l’album. Afin d’augmenter encore le chahut transcendant et la folie furieuse environnante, le duo le plus timbré de la scène électro-punk hexagonale de la dernière décennie offre même à son public les fameuses croix christiques et immenses de la scène, répliques hérétiques en polyester rapidement déchiquetées par une foule littéralement ivre d’ardeur sacrilège.

Orgie de larsens numériques dépourvus de toute morale sonore, boucles de basses destructrices, enregistrements synthétiques stridents et acérés, machina ignoble mais diablement efficace, vocalité sensuelle et déchaînée, construction en direct d’un explosif factice et étincelant sur « la Bombe », et enfin, l’arrivée de l’immense tube « Sex Appeal » (et oui, des tubes !) qui enivre bientôt le Trianon jusqu’à la moelle. Comme le veut la tradition établie depuis des lustres par le groupe, Rebeka et Mitch enlèvent alors le haut, invitent le public à monter sur scène et à se dénuder également, et accueillent deux garçons bodybuildés à l’extrême, porteurs d’altères et de testostérones aphrodisiaques, virilité paradoxale qui les poussera à aller se faire caresser plus tard par la foule sur « Distraction », puis à mélanger ardemment leur salive sur « Petit PD ».

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Si « l’âme de la poésie », elle aussi bleutée et accompagnée de deux êtres tout aussi étranges, se met soudain à déclamer quelques élucubrations moralisatrices et quelques vers désuets et parodiques (« L’Hirondelle ») dans une huée sonore qui manque de se transformer en rixe géante, les Sexy Sushi reviendront bientôt déverser leur misanthropie hilarante et leur énergie vivifiante, le temps d’interpréter le très taquin « Toutes comme Moi », l’agressif « Tu Dégages » ou l’immense tube « Cheval », interprété au piano avec la compagnie de William Sheller (une femme avec des cheveux blonds…) et avec Rebeka en guise de diva allongée sur l’instrument à queue et Mitch avec une rose rouge entre les dents…

Après plusieurs vrais-faux départs et un dernier élan d’électro-punk hardcore et fabuleusement jouissif, le duo finira par rejoindre les coulisses, laissant derrière lui un Trianon dévasté et débarrassé de la propreté de son élégance habituelle (une pensée pour les femmes de ménage de la salle…) tout autant que d’une vertu magnifiquement mise à mal par un duo aliéné, véritable et profondément essentiel.

Visuels : © Willy Orr

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Bastien Stisi
Journaliste musique. Contact : [email protected] / www.twitter.com/BastienStisi

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