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[Interview] Teki Latex & Orgasmic : « Chez Sound Pellegrino, on a toujours beaucoup théorisé notre musique »

[Interview] Teki Latex & Orgasmic : « Chez Sound Pellegrino, on a toujours beaucoup théorisé notre musique »

30 March 2015 | PAR Bastien Stisi

Après avoir focalisé leur troisième compilation sur les morceaux percussifs, Sound Pellegrino poursuit le processus intellectualisant de ses compiles en étudiant, sur Melodic Mechanisms, la place de la mélodie au sein de la musique électronique. Teki Latex et Orgasmic, les deux fondateurs du label, évoquent avec nous ce processus rare et complexe.

Sur cette 4e compile Sound Pellegrino, vous problématisez une nouvelle fois l’objet de votre compile. Et il faut bien avouer que la démarche n’est pas si fréquente, les labels optant le plus souvent pour la démarche « compile de l’année »…

Teki Latex : C’est une envie de se renouveler, tout simplement. Que les gens ne se focalisent pas sur le fait que ce soit la quatrième compilation, mais qu’ils s’interrogent plutôt sur « pourquoi le thème de cette compilation ». Raconter une histoire derrière la musique. Naturellement, on organise aussi notre cerveau et les mouvements musicaux que l’on touche sous forme de mouvements et de thématiques. Il y a des moments où l’on va être plus dans une démarche rythmique, et d’autres pendant lesquels on va plus vouloir revenir vers la mélodie. Là, justement, c’est le moment où l’on a envie de revenir vers la mélodie. Puis ça met aussi un fil conducteur entre un morceau super composé d’un Joe Howe et d’un morceau beaucoup plus fait à l’arrache, comme celui de Koyote. Le fil conducteur entre des gens qui viennent de scènes a priori très différentes mais qui ont en réalité beaucoup de points communs.

Orgasmic : Et puis, comme Sound Pellegrino est tout de même un label assez varié, je crois que cette démarche de thème est importante. Les gens identifient souvent l’identité d’un label à un son très particulier, à une identité musicale assez forte venue d’un ou de plusieurs artistes, ce qui n’est pas forcément le cas pour Sound Pellegrino. On ne peut pas dire que Sound Pellegrino c’est juste de la techno distordue, ou du R&B, de la house tropicale…

Teki Latex : Et quand tu ajoutes à ça les projets que l’on a tous les deux menés de notre côté, que ce soit le Klub des Loosers, TTC ou tout le reste, ça brouille encore plus les pistes.

« La présence de la mélodie dans la musique électronique ». C’est la thématique de votre compile. On dirait presque une démarche de thésard en musicologie…

Teki Latex : On a toujours beaucoup théorisé la musique chez Sound Pellegrino. Peut-être beaucoup trop d’ailleurs. Tu vois, pour rentrer dans les détails, puisque j’ai l’impression que tu y tiens, il y a un moment où on en a eu un peu marre de ces producteurs d’électro qui se prenaient pour Beethoven et qui à un moment te disaient « attention, maintenant, je vais faire de la pop », avec des trucs très pédants et très émo, qui sonnaient en fait comme des trucs neo-metal. On trouvait tout ça surjoué. Et tout ça concerne aussi bien des types qui se sont mis au R&B l’année dernière tout comme des gens un peu plus vieux, comme Paul Kalkbrenner, des gens qui font une espèce de techno pour enfant qu’on peut très bien retenir. Un truc extrêmement midlle ground…

De la techno pour public Rock en Seine ?

Teki Latex : Exactement oui : de la techno pour gens qui n’écoutent pas de la techno. Ce genre de démarches nous a un peu dégoutés, et on a tenu à rester éloigné de tout ça…On s’est re concentrés sur ce qui nous existe dans le deejaying, à savoir prendre un morceau A, prendre un morceau B, et en faire un morceau C. Tout ça s’est manifesté par un attrait pour des morceaux purement basés sur des rythmes et des percussions, sans mélodies. Des morceaux superposables plus facilement. On a beaucoup exploré ça, y a encore six mois avec la compilation précédente (SND.PE vol.03 : Raw Club Material), une compile orientée sur les matières premières, c’est-à-dire sur les différents ingrédients qui permettent de construire un DJ set.

Sont-ce des morceaux spécialement créés pour l’occasion, ou des morceaux piochés dans de précédentes productions ?

Teki Latex : Oui, ou alors on disait « fais-nous écouter ce que tu as, et on va choisir le truc le plus mélodique dans les derniers morceaux que tu as fait. » On disait aux artistes : « on fait une compilation basée sur la mélodie, qu’est-ce que tu as à nous faire écouter ? » Soient ils nous répondaient qu’ils avaient déjà quelque chose, ou alors qu’ils allaient créés quelque chose pour le faire. C’est que des trucs inédits, sauf le morceau « Brigitte » de Koyote, qui était déjà sur l’un de ses maxis.

Il y a aussi ici la présence, remarquée, de Chilly Gonzales…

Teki Latex : Chilly Gonzales a toujours été plus ou moins mon mentor. Il a produit mon album solo sur E.M.I. (Party de Plaisir) en 2007. C’est quelqu’un d’extrêmement important dans ma carrière. En terme de mélodies, il sait clairement de quoi il parle, c’est un patron. Lui, clairement, il peut t’expliquer pourquoi telle ou telle mélodie te touche. « Au début c’est en mineur, puis ça passe en majeur, et c’est pour ça que tu ressens quelque chose à cet instant. » Il connaît les ficelles qu’il y a derrière l’illusion. Ça nous a intéressé de le mettre en collaboration avec un jeune artiste (P. Morris), qui a une approche beaucoup plus futuriste de la musique électronique.

C’était important pour vous de croiser comme ça les générations ?

Teki Latex : C’est une démarche que l’on a depuis la deuxième compile Sound Pellegrino, environ. On l’avait fait une première fois en convoquant ensemble Joakim, qui avait déjà plusieurs albums à son actif, et Bambounou, qui en était encore à ses tout débuts.

Et la prochaine compile, elle sera consacrée à quoi ?

Teki Latex : Ce sera peut-être une somme des deux dernières. Une mise en pratique de quelque chose de percussif et de mélodique. Voir ce que ça donne lorsque l’on mélange les deux.

Sound Pellegrino, SND.PE, Vol. 4 : Melodic Mechanisms, 2015, 64 min.

Visuel : (c) pochette de Melodic Mechanisms

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Bastien Stisi
Journaliste musique. Contact : [email protected] / www.twitter.com/BastienStisi

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