Electro
[Interview] Salut C’est Cool : « On fait cette musique sérieusement, parce qu’elle nous plaît »

[Interview] Salut C’est Cool : « On fait cette musique sérieusement, parce qu’elle nous plaît »

21 November 2014 | PAR Bastien Stisi

« Putain mais qu’est-ce que vous avez fait ? ». « Mais quoi ? » « Mais qu’est-ce que vous avez fait au meuble dans les chiottes ? » « Ben j’ai essayé de l’enfiler comme un pantalon. Et le fond s’est décroché. Le but c’était pas de le casser hein… » Lorsque l’on débarque au Trianon pour déceler les ficelles du projet Salut C’est Cool, quelques heures avant la date ravageuse que le groupe le plus inattendu de ces derniers mois donnera au Divan du Monde dans le cadre du MaMA festival, les mecs sont en train de se faire engueuler par le personnel de la salle et par leur manager. En cause : un meuble auquel tient visiblement le Trianon, qui aurait été légèrement détérioré…Compliqué après ça de tenter d’intellectualiser le propos foutraque, tordu et électro punk de ces garçons intemporels et de leurs paroles déglinguées (« je suis une poule et je ponds des œufs pour eux ». Silence. Gros beat raveur. Cri chamanique. Gros beat raveur. Cut). On a tenté quand même.

Lorsque l’on parle de Salut C’est Cool, on met en avant le côté taré, bordélique, machinal, raveur, laid, grotesque… Ce dont on parle rarement, par contre, c’est du côté absolument subversif de votre musique…

Salut C’est Cool : Je ne sais pas si notre musique est absolument subversive, mais ce qui est certain, c’est que ça nous emmerde effectivement que l’on mette ces côtés-là en avant. Ou en tout cas que les gens voient ça dans ce que l’on fait. Ça peut même être extrêmement ennuyeux et vexant, lorsque des papiers donnent l’impression que l’on fait ça pour se moquer de quelque chose ou de quelqu’un. On ne joue pas de rôle. Ça crée un contresens total.

Les gens ne comprennent pas que vous faites cette musique parce que vous l’aimez, c’est ça ?

Salut C’est Cool : Oui. On fait cette musique sérieusement, parce qu’elle nous plaît. Le contresens qu’il y a c’est de penser que l’on fait ça au second degré. Après, on est suffisamment ouverts pour laisser à chacun sa porte d’entrée. Si les gens nous écoutent parce qu’ils trouvent notre musique moche, on respecte. Mais nous, on ne fait pas ça parce que l’on trouve ça moche. Si on dit « Salut C’est Cool, c’est foutre le bordel », alors oui. C’est vrai que l’on fait parfois des trucs un peu idiots. Mais dire, « c’est des intellos qui font des conneries », alors non, c’est pas nous. Beaucoup pensent qu’il y a un clin d’œil permanent qui se fait entre le public et nous, comme si on était tous entre gens qui savaient quoi penser et quoi faire, qui font exactement le contraire de ce qu’il convient de faire pour revendiquer des trucs…Alors que nous on n’a pas du tout cette connivence avec les gens. Notre rapport avec eux est beaucoup plus direct et franc.

Vous revendiquez donc le côté désintellectualisé de votre musique ?

Salut C’est Cool : Non pas vraiment, parce que ça voudrait dire que l’on a arrêté de réfléchir, alors qu’on pense énormément à ce que l’on fait.

On vous prend pour des clowns, et c’est ce que vous montrez au premier abord. Mais n’y a-t-il quand même pas eu à la base une hésitation entre Zavatta et Zapata ? Trouver une autre manière de dire tout simplement, « merde » ?

Salut C’est Cool : Je ne sais pas trop. À un moment on s’est surtout dit : « j’assume ce que j’aime ». J’assume d’aimer la musique rave, d’en écouter, de danser dessus, de faire la fête. Après s’il y a des gens qui trouvent ça drôle, y a pas de problème. On a mis le costume du clown, mais ce n’est pas pour ça que l’on se moque des gens qui écoutent de la rave.

Il y a donc une volonté de remettre en cause l’idée de « beau », dans la manière dont on le conçoit aujourd’hui en tout cas ?

Salut C’est Cool : Exactement oui ! On revendique le fait de faire des choses belles, mais on est conscient que ce n’est pas l’avis de tous…On a aussi construit le groupe par le biais de la scène, et on a vite compris que pour faire la fête, il n’y avait rien de mieux que cette musique-là…

Vous les avez vécues, les raves dans les bois et où dans les clubs sous extasie des années 90 ?

Salut C’est Cool : On en a vécu deux-trois, on n’est pas des gros teufeurs. Mais quand on fait la fête à la maison, c’est cette musique-là qu’on écoute.

Vous avez plus une expérience geek de la musique rave ?

Salut C’est Cool : Oui, geek dans le sens où tu fouines vachement. Mais on a surtout en fait découvert les musiques raveuses par rapport aux endroits où l’on s’est retrouvés en soirée.

On vous avait vu au Printemps de Bourges. Juste après vous, au Palais d’Auron aussi, il y avait Carbon Airways, qui proposait à peu près la même performance scénique : c’est-à-dire que les deux gamins étaient debout en train de sauter à côté de leurs machines. Sauf qu’eux sont signés chez Polydor…la sédition, elle est là aussi, condamner la pratique de ce genre de groupes en les imitant ?

Salut C’est Cool : Dénoncer ces pratiques-là, ce n’est pas notre objectif, mais c’est très vrai ce que tu dis. Quand on y réfléchit, c’est le truc de tous les DJ stars. Après tu vois, nous on a pas la prétention de dire que l’on est capables de faire des sets hypers organisés et tout. On ne se prend pas pour ce que l’on n’est pas. C’est aussi un peu une manière de détourner l’attention. Les gens sont focalisés sur autre chose du coup.

Dans le même genre de démarches, il y a des groupes comme Sexy Sushi, Musique Post-Bourgeoise, Arne Vinzon…

Salut C’est Cool :…alors c’est marrant, les trois groupes que tu viens de citer-là, c’est exactement les trois groupes sur lesquels on s’est penché et auxquels on a été très attentifs ! Les textes sont supers, il fallait ingurgiter un peu.

Êtes-vous un groupe ou un collectif ? Tout est kitsch chez vous, des pochettes au son, des vidéos à votre site officiel.

Salut C’est Cool : On préfère le mot « groupe ». On n’est pas « FAUVE ». C’est un statut juridique et une démarche qu’on n’a pas forcément.

La nature est là chez Salut C’est Cool, et le contraste avec la musique, où tout est synthétique, est amusant. C’est de la rave écolo ? On pense par exemple aux textes de « Je suis une poule », de « Simulateur de pêche », ou à la vidéo de « Techno toujours pareil », qui filme l’activité de fourmis travailleuses…

Salut C’est Cool : Quand on parle de la Nature dans les chansons, c’est très large, c’est plus la nature des choses. C’est pas juste la campagne, la forêt, les abeilles. Ça peut, mais c’est pas toujours ça. Ça peut être le carrelage, le plastique. Après c’est pas écolo. On dit pas « mangez bio, les pesticides c’est pas bien. » On n’est pas le porteur de messages aussi distincts. On se sent victime de plein de choses dans la vie, alors véhiculer un message…là pour le coup, on aurait l’impression d’être des escrocs ! La seule chose que l’on pourrait dire éventuellement, ce serait de dire aux gens de faire ce qu’ils ont envie de faire, ou en tout cas d’essayer…nous, c’est ce que l’on tente de faire en tout cas !

C’est quoi l’endroit où vous fantasmeriez de jouer ?

Salut C’est Cool : Ben par exemple ici, au Trianon, je crois qu’ils sont un peu trop attachés à leurs meubles tu vois (ndlr : quelques types de la sécurité les zieutent encore avec méfiance…) Mais dans une forêt ou un centre Emmaüs en pleine journée pour les gens qui chinent, ce serait impeccable !

En concert au Trabendo ce samedi 22 novembre, avec Flavien Berger.

Visuel : © Salut C’est Cool

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Théâtre de Suresnes Jean Vilar
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Bastien Stisi
Journaliste musique. Contact : [email protected] / www.twitter.com/BastienStisi

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