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[Interview] Addictive TV : « ne pas être contraint par l’idée de frontière »

[Interview] Addictive TV : « ne pas être contraint par l’idée de frontière »

12 February 2014 | PAR Bastien Stisi

Avec Orchestra of Samples, les Britanniques Mark Vidler et Graham Daniels (regroupés sous le nom d’Addictive TV) repoussent un peu plus encore les frontières du sample et de la fusion musicale, en regroupant au sein du même projet les effluves vidéo et musicaux émanant d’une centaine de musiciens à travers le monde entier…Entretien avec l’orchestre virtuel le plus fascinant de ce début d’année 2014 :

ADDICTIVE TV - Orchestra of Samples posterVotre projet Orchestra of Samples est-il une nouvelle manière d’envisager le concept de groupe de musique ?

Graham Daniels : Je crois que l’on peut un peu parler de ça oui, même si en vérité, ce que nous faisons avec Orchestra of Samples n’est pas totalement nouveau. Le groupe n’existerait en effet plus dans sa manière classique, puisque Orchestra of Samples, ce n’est au final qu’Addictive TV (Mark et moi-même). Sur ce projet, nous utilisons et samplons de grosses archives que nous avons inventé, et que nous appelons entre nous de manière humoristique « la bibliothèque complète ».

Y’a-t-il un lien direct entre la bande-son d’Iron Man que vous avez réalisée et le tour du Monde que vous exportez dans le projet Orchestra of Samples ?

Mark Vidler : Non, il n’y a pas vraiment de lien direct. Le seul point commun est notre façon de travailler, notre méthodologie de sample et de création : dans Iron Man, on peut trouver des bruits de serveurs et de machines. Dans Orchestra of Samples, il y a des instruments qui viennent du monde entier,  mais la méthode reste la même.

Lorsqu’on parle d’Addictive TV, on a l’habitude de parler d’un « groupe d’électro alternative britannique ». En réalité, est-ce que l’on ne devrait pas plutôt parler d’un groupe anthropologue et philanthrope ?

M.V. : Nous n’y avons jamais pensé en ces termes, mais dans un sens je peux comprendre ce que tu veux dire. C’est un travail qui nous tient à cœur et auquel on consacre beaucoup de temps. Les retours que nous avons eus sur ce travail, d’ailleurs, parlaient souvent de « road-movie musical », voire de « documentaire musical ». Certains nous ont raconté s’être crus en voyage, ou même avoir l’impression de se sentir « très humains »…

À propos d’anthropologie, il est d’ailleurs amusant de voir que vous allez bientôt jouer du côté du Musée du Quai Branly…

M.V. : Avec le genre de musique qui est le nôtre, jouer sur la scène d’une institution comme le Quai Branly est une véritable reconnaissance de notre travail, même si je dirais quand même qu’Orchestra of Samples est moins un concept anthropologique qu’une proposition nouvelle. C’est une exploration de possibilités musicales, l’idée principale étant de faire se rencontrer des musiciens très variés qui n’auraient pas eu à la base l’idée de jouer ensemble.

Vous sentez-vous d’abord musiciens ou vidéographes ?

M.V. : Les deux ! Je suis musicien et mon expérience est très rock’n’roll, j’ai été le guitariste et le parolier du groupe Chicane pendant 10 ans avant de devenir DJ. Graham, lui,  a commencé au cinéma et à la télévision.

G.D. : Oui, j’ai produit des concerts pour la télévision avant de mixer des vidéos et de me produire sur scène. D’ailleurs, j’ai aussi été dans un groupe dans les années 90, mais pas en tant que professionnel. Du coup, quand Mark et moi avons commencé à travailler ensemble, on a immédiatement été très complémentaire – comme « hand in glove » (comme « cul et chemise »), comme ils disent en anglais !

Orchestra of Samples mixe dans le même projet des instruments venant du Mexique, de l’Afrique subsaharienne, et même des percussions de Motorhead…quel est exactement le sens de ce melting-pot ?

M.V. : C’est une bonne question, et la réponse tient en un mot : découverte ! En travaillant en dehors des conventions musicales classiques, nous découvrons des combinaisons et des styles complètement inattendus qui se mélangent à merveille de manière hyper excitante. Des gens ont fait ça avant nous pendant des siècles, c’est comme ça que la musique, l’art, la culture, mais aussi la science, la technologies et tout la reste ont progressé : en testant de nouvelles choses ! Il faut toujours se souvenir que bien des découvertes le furent par accident !

G.D. : Nous essayons de ne surtout pas être contraints par l’idée de frontière. Pour nous, si ça marche, alors pourquoi pas. Si c’est cool, alors pourquoi ne pas mixer le batteur d’une formation rock avec un chanteur traditionnel mauritanien ? Et plus nous créons notre « bibliothèque complète » – notre archive -, plus nous avons une chance de créer d’improbables connexions musicales.

Il se trouve justement qu’on vient de celebrer le 100eme anniversaire de l’ouvrage du mathématicien Emile Borel sur le “paradoxe du singe savant”, un théorème selon lequel des singes qui tapent au hasard sur le clavier d’une machine à écrire pourraient quasiment écrire les œuvres complètes de Shakespeare. Alors, on pourrait dire que ce même nombre infini de singes avec des instruments de musique et avec un temps infini aurait aussi pu composer tous les albums des Beatles !

M.V. : Il aurait fallu évidemment beaucoup moins de temps à ces singes pour composer l’œuvre de Justin Bieber…

G.D. : En effet ! C’est en tout cas dans cette optique que nous projetons sur les écrans au début de nos concerts cette phrase de Brian Eno devenu célèbre : « J’avais envie d’entendre de la musique qui n’est pas encore arrivé en faisant se rencontrer des choses qui suggèrent quelque chose de nouveau, qui n’existe pas encore ».

Addictive TV présentera son projet le 1er mars au Musée du Quai Branly (au côté de Fabrice Bonniot de l’association Technopol), et sera en concert le 4 avril au Hangar à Ivry et le 5 avril à l’Echonova de Vannes.

Visuel : © affiche de Samples of Orchestra

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Bastien Stisi
Journaliste musique. Contact : [email protected] / www.twitter.com/BastienStisi

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