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[Chronique] « The Big Dream » de David Lynch : mélancolique et cohérent

[Chronique] « The Big Dream » de David Lynch : mélancolique et cohérent

14 July 2013 | PAR Bastien Stisi

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Toujours pas de production cinématographique à l’horizon pour l’auteur américain David Lynch, mais un second disque personnel, qui, deux ans après la parution du convaincant et singulier Crazy Clown Time, poursuit la déclinaison de son univers surréaliste et psychédélique en usant une nouvelle fois d’une fusion de blues, d’électro, de rock électrique et de lyrics torturés. Deux albums studios seulement, et déjà une indéniable marque musicale aux sonorités immédiatement identifiables.

Voilà désormais six années complètes que l’auteur de Muholland Drive brille par son absence prolongée de la sphère cinématographique internationale. Une éternité pour l’un des cinéastes les plus marquants et les plus prisés de sa génération, qui affirmait il y a encore quelques mois ne pas avoir d’idées suffisamment neuves à retranscrire derrière un script et derrière une caméra pour se lancer dans l’élaboration nouvelle d’une réalisation sur grand écran.

Depuis la parution de son dernier long-métrage Inland Empire en 2007, le réalisateur n’a pourtant pas chômé, trouvant le temps de se consacrer plus pleinement à la pratique de la photo, du dessin, et même du design, lui qui a supervisé en 2011 l’élaboration visuelle du très élégant Silencio Club à Paris. Plus inattendu encore, la créativité cérébrale de l’artiste s’était aussi manifestée par le biais de la musique et par celui d’un électro blues expérimental qui, après s’être contenté de quelques productions aléatoires et éparses, avait finit par accoucher d’un album, Crazy Clown Time, exploration psychique et électronique d’une contrée perdue entre le monde des rêves et celui d’une réalité dangereuse et anxiogène.

The Big Dream (Sunday Best / [PIAS]), qui sort aujourd’hui en Europe et demain aux États-Unis, fait appel aux mêmes processus de création que son prédécesseur discographique. Une nouvelle fois aidé dans la production et dans l’interprétation de l’album par son fidèle ingénieur du son Dean Hurley, Lynch caresse sa guitare (électrique ou sèche) et ses synthétiseurs, et pose sa voix nasillarde vocodisée sur onze morceaux qu’il a intégralement composés, auxquels il convient d’ajouter une reprise du classique folk de Bob Dylan « The Ballad of Hollis Brown ».

Au sein de ce trip blues avec un côté roots très affirmé, que l’on n’oubliera pas de passer en boucle, la clope au bec et les cheveux dans le vent, lors de notre prochain passage sur la route 66 (« Say It », « Star Dream Girl »), toujours cet esthétisme cinématographique inévitable et cette atmosphère de rock assombri, endimanché par une touche d’électro ornementale qui accompagne la voix de Lynch, aussi torturée que la mélancolie chialeuse de ses compositions (« Last Call », « Cold Wind Blowin’ »). Songes, souvenirs, souffrances, essoufflements vitaux : compte tenu de l’ambiance globale de l’objet et de sa matière textuelle, il est bien possible que David Lynch ait récemment connu une rupture considérablement douloureuse…

Si les sons émis par les cordes vocales de l’auteur laissent d’ailleurs parfois émettre sa volonté sadique de partager sa souffrance avec son auditoire, comme sur le très désagréable et cradingue « Sun Can’t Be Seen » (à ce point, le mec ne parle plus du nez, mais carrément du bec…), il ressort une cohérence absolue d’un second opus logique et intelligent, parfaitement ponctué par un duo aérien et superbe avec la chanteuse Lykke Li (« I’m Waiting Here »), qui vient rappeler à l’esprit la collaboration de la Yeah Yeah Yeahs Karen O sur le psyché « Pinky’s Dream » issu du premier album. De notre côté, comme la jolie sirène suédoise, il va bien falloir nous résigner à attendre encore et toujours. Un nouveau film émanant du prisme du gourou new- yorkais, ou un troisième album studio. On ne sait plus vraiment.

Visuel © : pochette de The Big Dream de David Lynch

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Bastien Stisi
Journaliste musique. Contact : [email protected] / www.twitter.com/BastienStisi

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