Electro
[Chronique] « Settle » de Disclosure : royal babies d’un royaume house rénové

[Chronique] « Settle » de Disclosure : royal babies d’un royaume house rénové

16 August 2013 | PAR Bastien Stisi

Disclosure - Settle[rating=4]

Trois années que l’on s’enfile dans les iPods les tubes XXL de Disclosure (“XX” pour le côté hyper sexuel de leur musique, “L” pour la banlieue sud londonienne de laquelle le groupe est issu), ce duo fraternel britannique dont les membres peinent encore à dépasser la quarantaine à eux deux, vecteurs émérites et prématurés d’une house 90′ revisitée par les sonorités numériques et nouvelles du siècle 21. Après une vague de hits balancés à la volée (« Latch », « F For You », « You & Me »…), leur premier LP complet Settle est enfin sorti au début de l’été. Après son conséquent succès estival et sa chevauchée en tête des charts outre-Manche, la question mérite de se poser concrètement : et s’il se trouvait plutôt ici, le royal baby du glorieux royaume britannique ?

La presse généraliste et spécialiste, dans un réflexe paresseux et un brin répétitif, a pris l’habitude depuis l’explosion des frères Guy et Howard Lawrence, d’employer à outrance le terme bien potache de « frangins puceaux », référence à l’âge particulièrement peu avancé des deux gamins londoniens (19 et 22 ans), apparus sur la scène électronique anglaise sans beaucoup de poils au menton et des joues encore parfaitement rosées…Pourtant, si l’on considère la culture électro house déversée comme une coulée de plaisir dans les vannes humidifiées de Settle, c’est plutôt à de véritables Dom Juan encyclopédiques qu’il conviendrait d’assimiler les deux jeunes garçons, archétypes ambulants d’une génération geek labélisée « Y » capable de s’enfiler avec une boulimie régulière une puissante dose de références musicales à grands coups de Youtube, de Wikipédia, et de téléchargements illégaux (et parfois même de YouPorn, si l’on s’en réfère au morceau « What’s In Your Head », dans lequel figure des samples de film porno…)

Les deux frères sont passés par l’apprentissage de la musique physique (batterie, guitare, basse, piano…) avant de s’accoutumer à la pratique de la musique électronique, et cet éclectisme se ressent dans leurs compositions : amateurs de techno aussi bien que de house, de dance 90 autant que de bass culture, de pop sucrée aussi bien que de minimale obscure, les Disclosure dégagent une maturité musicale surprenante et témoignent avec ce premier album un peu long (60 minutes de house calibrée pour les dancefloors, ça traîne forcément…) d’une dextérité immense pour l’élaboration de bombes syncopées et ensorceleuses presque toutes enregistrées dans l’intimité de leur domicile familial, et sur leur propre label PMR.

Les voix féminines et angéliques qui enjolivent l’album d’une saveur pop méchamment sensuelle (AlunaGeorge sur « White Noise », London Grammar sur « Help Me Lose My Mind », Eliza Doolitle sur « You & Me »…) élargissent les horizons d’un opus qui parlera aux références nichées des érudits autant qu’aux aspirations purement clubeuses de la plèbe : avec Settle, Disclosure dynamite la frontière entre l’underground et le mainstream, et livre un divertissement sonore d’une très haute qualité, à défaut de plonger dans l’élaboration d’une maxime électronique innovante ou dans une intellectualisation conceptuelle qui paraît être à mille lieues des objectifs des deux britanniques. Les puristes les plus absolus leur reprocheront d’ailleurs sans doute cette dynamique sacrifiant le fond pour la forme, ces plages claquantes toutes justes bonnes à circuler dans les enceintes du H&M de la rue de Rivoli, et clameront sans ciller à l’ersatz sacrilège, au revival grotesque en forme de pastiche d’un uk garage et d’une house sans nouveauté, malgré la présence de timbres dubstep et deep-house dont il ne faudra pas oublier de préciser la singularité.

https://soundcloud.com/disclosuremusic/help-me-lose-my-mind

Solidement ancré dans l’immédiateté grâce à l’apprentissage des leçons d’hier, Disclosure a déjà, malgré les voix discordantes, largement dépassé le quart d’heure de gloire warholien, et maculé ce début d’année 2013 de sa patte électronique et stimulante. Aventure facile et sans ambitions d’un été, ou stigmate imposant et résistant imprégné avec force dans les esprits, il reste aux deux petits princes de la couronne d’Angleterre à nous prouver qu’ils sont capables d’accompagner nos soirées clubeuses de demain, et à intégrer à leur tour le formidable répertoire encyclopédique de la house made in England de manière définitive.

Visuel : (c) pochette de Settle de Disclosure

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Bastien Stisi
Journaliste musique. Contact : [email protected] / www.twitter.com/BastienStisi

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