Musique
Cyprien Barthez (Phonographe Corp): “Les disquaires ont un rôle essentiel dans la transmission de la musique et l’éducation des auditeurs.”

Cyprien Barthez (Phonographe Corp): “Les disquaires ont un rôle essentiel dans la transmission de la musique et l’éducation des auditeurs.”

18 April 2018 | PAR Donia Ismail

Le vinyle opère un grand retour déjà depuis quelques années. Objet de collection pour les aficionados de musique ou de fantasme pour la nouvelle génération, l’ancêtre du CD est célébré nationalement ce 21 avril lors du Disquaire day. En ce jour musical, près de chez vous et sur l’ensemble de l’Hexagone, mais également en Suisse, Belgique et Luxembourg, des initiatives seront mises en place pour mettre en avant les joies du vinyles. TouteLaCulture.com a pu rencontrer Cyprien Barthez, fondateur de Phonographe Corp, qui occupera les lieux du Grand Marché Stalingrad cette année. Et ça promet de déménager! 

Donia Ismail: Qu’est-ce que le disquaire day?

Cyprien Barthez: Le Disquaire Day est un événement anglo-saxon décliné en France depuis 7-8 ans (par le Calif) qui met à l’honneur les disquaires de nos contrées et ce qu’ils proposent : CD, cassettes, vinyles… J’imagine que c’est une opération visant à faire connaître les disquaires et à encourager les adeptes du streaming et de l’achat en ligne à se rendre dans les magasins (dont la fréquentation a baissé depuis l’internet illimité). Chaque année, des sorties et rééditions exclusives sont prévues. Dans notre cas, il s’agit de mettre à l’honneur les labels et disquaires avec qui l’on travaille depuis nos débuts (en 2010) lors d’une journée très festive !

DI: En quoi cette journée est symbolique d’un phénomène plus global: celui de la frénésie du vinyle?
CB: Cela concerne au départ la musique physique en général car il ne faut pas oublier que celle-ci continue d’exister et que les disquaires ont un rôle essentiel dans la transmission de la musique et l’éducation des auditeurs. Qui de mieux pour recommander un artiste qu’un humain ? Il est vrai que dans notre scène (musiques électroniques & club), le format vinyle est largement privilégié par rapport aux K7 & CD, cela est du à la culture club et aux DJs. Quand en 2018 on parle de retour du vinyle et de frénésie, cela me fait sourire car si le format est plus populaire qu’avant, il reste marginal par rapport aux services de Apple Music ou Spotify. Avant 2000, on n’avait pas le choix que d’écouter la musique à la radio ou sur disque. De nos jours, la musique est accessible n’importe où en illimité. Certes, c’est une révolution et il faut savoir vivre avec son temps, d’un autre côté, posséder la musique est un sentiment plaisant en ce qui me concerne. De plus en plus d’auditeurs sont de nouveau enclins à acheter de beaux objets sur vinyle tout en écoutant de la musique en streaming. Pour répondre à ta question, il y a un engouement bien réel autour du format, mais cela reste un micro-phénomène. Cette journée permet de promouvoir et célébrer ceux qui vendent la musique !

DI: Tout au long de la journée, vous rendez hommage au vinyle. Si demain un de nos lecteurs souhaite participer à votre événement, à quoi peut-il s’attendre?
CB: Nous occupons la Rotonde Stalingrad (alias Grand Marché Stalingrad) dès midi le samedi avec une trentaine d’exposants (labels et revendeurs) qui proposeront leurs disques à l’écoute et à la vente, en extérieur. Quatre bars ainsi qu’un espace traiteur leur permettront de se restaurer. Pendant ce temps-là, nous avons invité certains de nos DJ’s préférés à se produire pour sonoriser la terrasse jusqu’à 22h. Il y en aura pour tous les goûts ! Cette partie-là est gratuite, bien entendu, et quelques surprises sont à prévoir. A partir de 22h, nous invitons tout le monde à nous rejoindre à l’intérieur du bâtiment jusqu’au bout de la nuit avec notre invité tout droit venu de Chicago, Mark Grusane !

DI: C’est la cinquième fois que vous participez à un tel événement. Pourquoi vouloir réitérer l’expérience?
CB: Nous avions fait la première édition au feu Nuba puis nous avons “déménagé” à La Rotonde pour plus de confort. Nous travaillons très bien avec l’équipe du lieu ainsi qu’avec le Calif et la dynamique autour de cette journée nous permet de faire un bel événement complet et très fréquenté toute la journée en plein mois d’avril (qui n’est pas la période la plus chaude…). De plus, nous publions du contenu autour de labels & artistes français via notre site toute l’année, cet événement nous permet de mettre en avant tous ces acteurs de façon plus ludique. Le web c’est bien, la réalité, c’est mieux !

DI: Pourquoi ce retour en force du vinyle alors qu’il existe des techniques d’écoute plus modernes? Comment peut on expliquer ce côté « à la mode », que la cassette n’a pas par exemple?
CB: Justement, la cassette revient de plus en plus ! Cela est inhérent au genre je suppose. Un DJ house ou techno peut avoir plus de plaisir à mixer vinyle car il y a un vrai contact. Cela est très subjectif mais ça a un côté artisanal et authentique. Toutes les techniques de DJing sont différentes et tu ne feras pas la même chose avec des platines CD qu’avec des vinyles. Dans la musique électronique, il y a une vraie culture autour du vinyle et cela reste perpétré même si certains DJs préfèrent le digital. Côté auditeurs, c’est un peu la même chose : on est submergé par des liens Youtube, des recommandations Spotify, des fichiers RAR… Parfois, écouter les musiques en vinyle permet de mieux se concentrer sur l’écoute. De même, lorsque l’on dépense plus de 15€ pour un disque, on réfléchit un minimum : est-ce que je vais l’écouter plus de 2 fois ? Dans 5 ans aurai-je encore envie de l’avoir ? On ne se pose pas toutes ces questions pour 0,99€ le morceau ou 9,99€ par mois… Parfois, posséder un beau vinyle active les mêmes mécanismes que d’avoir un bel objet chez soi. Il peut aussi y avoir un délire de collection.

disquaire

DI: Comment peut-on expliquer l’attrait du vinyle avec un prix aussi élevé?
CB : Encore une fois, si on est collectionneur ou vraiment fan de l’artiste, on peut être motivé à l’idée de mettre une certaine somme si l’on en a les moyens. Il y a un côté exclusif aussi quand des disques sont tirés en faible quantité.

DI: Pourquoi la vinyle garde-t-il une telle importance dans l’univers de la musique?
CB: En plus des réponses ci-dessus, il y a un autre élément à prendre en compte : le vinyle existe depuis plus de 50 ans. Malgré une certaine fragilité, les tout premiers sont encore écoutables. Personnellement, mes CDs d’il y a 15 ans n’ont pas tous tenu le coup : ceux qui sont rayés sont foutus… Le vinyle est plus robuste et a résisté à l’épreuve du temps jusqu’à présent. J’avais une énorme collection de MP3s, je me suis fait voler mon ordinateur et mes disques durs, je n’ai plus rien. Si je les avais encore, les disques durs auraient-ils tenu les années ? J’en doute. Le jour où je résilie mon abonnement Spotify, je n’aurai plus le même accès à ma collection en ligne. Si l’entreprise fait faillite, qu’adviendra-t-il de leur catalogue ? Idem, il arrive régulièrement que les maisons de disques & artistes ne soient pas d’accord avec les services de streaming et retirent les albums des plateformes. Toute cette industrie est trop fragile. J’ai mes albums préférés en vinyles, et ça, ça ne bouge pas !

DI: Plusieurs boutiques, notamment Urban outfitters, ont laissé une large place dans leur catalogue aux vinyles ainsi qu’au tourne disque. Malgré le prix exorbitant — surtout des vinyles de musiques actuelles —, la jeunesse d’aujourd’hui est fortement attirée par ce phénomène. Comment peut-on l’expliquer?
CB: Dans le cas de Urban Outfitters – sans jugement aucun – je soupçonne que les consommateurs soient des personnes qui achètent ces disques hautement instagrammables et ne les écoutent jamais. Je doute même qu’ils aient une platine chez eux ! C’est un autre phénomène. Même s’ils possèdent des tourne-disques, je pense – encore une fois pas de jugement – qu’ils ne les allument qu’une fois par semaine le dimanche midi durant leurs brunchs d’hiver.

Le Disquaire Day se déroule le samedi 21 avril en France. Si vous souhaitez participer à l’événement organisé par Phonographe Corp, les places sont disponibles sur leur site internet en pré-vente.

1336 (paroles de Fralibs) : incarner les récits d’une lutte.
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Donia Ismail

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