Classique
Le violon russe de Sergej Krylov au Théâtre des Champs Elysées

Le violon russe de Sergej Krylov au Théâtre des Champs Elysées

14 November 2017 | PAR Laurent Deburge


 

Le Théâtre des Champs Elysées accueillait lundi 13 novembre 2017 le violoniste et chef russe Sergej Krylov, à la tête de l’Orchestre de Chambre de Lituanie, dans un programme parfait mais un peu sage, dont il aura fallu attendre le final et surtout les bis pour que la musique se libère d’une bienséance un peu compassée bien qu’extrêmement brillante.

 

Il y avait du réconfort à voir la salle de l’avenue Montaigne remplie, en ce deuxième anniversaire des attentats de 2015 ; une manière de marquer le coup contre la peur, de faire corps et de faire front, autour de la musique, contre la barbarie, et ceci d’autant plus qu’il s’agissait de la soirée de gala du Mémorial de la Shoah. Une minute de silence fut observée.

 

C’est en tant que chef d’orchestre que Sergej Krylov début le concert avec « Milky way », une œuvre à la fois dansante et élégiaque, énergique et belle, du compositeur lituanien Arvydas Malcys, né en 1957. De belles images sont évoquées, dans une forme maîtrisée, presque symétrique, qui gagnerait peut-être à être plus ramassée.

 

Au violon ensuite, le virtuose russe entamait le concerto en la mineur de Jean-Sébastien Bach, dans une version enlevée mais aux dynamiques réduites, les piani ayant du mal à se faire entendre dans une telle salle. C’est un peu la limite de l’exercice, les orchestres de chambre sont sans doute moins coûteux à mobiliser, mais seront toujours plus intimistes que les grands orchestres, surtout dans les grandes salles.

 

Au lieu du fameux concerto en mi mineur de Mendelssohn annoncé sur le programme, c’est le plus classique concerto pour violon et cordes en ré mineur qui fut interprété, toujours dans une exécution parfaite, mais qui laissait un sentiment de manque, un manque d’émotion, de sentiment, laissant l’auditeur charmé sans être vraiment subjugué.

 

C’est en reprenant avec l’intégrale des Quatre saisons de Vivaldi, que l’orchestre avive ses couleurs, se réchauffe enfin et que Sergej Krylov peut donner la mesure de sa fougue. C’est notamment dans les passages à trois, dans les duos entre le violon solo et le premier violon, comme dans les duos violon et violoncelle, accompagné du continuo au clavecin, que la musique s’emballe, s’amuse et prend feu.

 

Avec sa silhouette puissante, massive et voutée, ses allures de moujik furieux, on attendait que le violoniste russe bouscule un peu l’assemblée, dérange l’ordre établi par un vent de folie slave et réveille nos sens et nos esprits. C’est ce qui finit par arriver, comme un soulagement et une joie, après la bataille, une fois le programme « officiel » achevé, quand on peut enfin se déboutonner et faire fi des obligations mondaines, avec les deux très généreux bis que nous offrit Krylov. Avec la célèbre Introduction et Rondo Cappricioso de Camille Saint-Saëns, puis le savoureux Hora Staccato du roumain Grigoras Dinicu, le violoniste russe nous donnait enfin ce qu’on attendait en secret, presque honteusement, un moment de joie tzigane, bohème, encanaillée ; un déchaînement de violon vibrant, sonore, voyou et rebelle, une invitation à la danse bienvenue pour détendre la solennité ambiante.

 

 

Laurent Deburge

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