Classique
Une Odyssée Betsy Jolas au CNSM de Paris

Une Odyssée Betsy Jolas au CNSM de Paris

13 March 2016 | PAR Yaël Hirsch

Alors que sa nouvelle création d’un opéra sur l’archéologue qui a redécouvert Troie, Henrich Schlieman, se donne au Conservatoire jusqu’au 17 mars en partenariat avec la Philharmonie, la compositrice franco-américaine Betsy Jolas fêtait ses 90 printemps en musique avec la création de cet opéra, samedi 12 mars 2016 et en amont de ce grand événement, un concert de musique de chambre où ses œuvres, ses amis et la maestria des étudiants du Conservatoire de Paris étaient à l’honneur. Retour sur l’anniversaire mélomane d’une toute grande dame.

Juste avant la création de l’Opéra de Betsy Jolas, la compositrice proposait une autre création, “Un post-it pour Henri- In Memoriam Henri Dutilleux“, parmi un florilège de pièces de chambre données par des étudiants du Conservatoire de Paris et le violoncelliste Marc Coppey dans la magnifique salle de l’orgue. Betsy Jolas était elle-même assise dans le public, ainsi qu’un autre compositeur joué ce soir-là et qui compte parmi ses influences les plus importantes : Gilbert Amy. Mais c’est sur une pièce d’un autre ami de la musicienne que le concert c’est ouvert : les émouvantes Trois strophes sur le nom de Sacher, commandées en leur temps pour Rostropovich et interprétées ce samedi 12 mars par Florian Pons.

Boulez était également convié à cet anniversaire avec un pièce très courte, “Ravery” commandée en 2014 (et interprétée à nouveau ce soir là) par le violoncelliste Marc Coppey pour un hommage au grand compositeur et chef d’orchestre à l’occasion de ses 90 ans. En dehors de ces grandes amitiés musicales, on a pu découvrir ou redécouvrir plusieurs compositions phares de Betsy Jolas : “La plupart du temps II”, sur des vers de Reverdy et “Musique pour Xavier”. Par ailleurs, le concert d’une heure a permis de rappeler l’importance de trois grands axes de la musique de Betsy Jolas : tout d’abord l’influence de la musique ancienne, notamment à travers deux magnifiques séries de transpositions de Cantates et Psaumes de Lassus et Schütz pour clarinette, saxophone et aussi (dans Schütz), violon et violoncelle. Et puis ensuite sa capacité à reprendre des travaux ou des matériaux de composition plusieurs fois, et, ce, parfois à des décennies d’intervalle, ce qui permet de mieux comprendre comment la musicienne a retravaillé son opéra de 1995 sur Heinrich Schlieman. Et enfin, la présence forte de la clarinette de Masako Miyako et du saxophone de Jonathan Radford nous ont préparé à accueillir la force des bois dans les compositions de la compositrice.

A 20h30, c’est dans la grande salle du Conservatoire et avec son orchestre qu’une salle comble a découvert la création de Illiade, L’Amour, opéra de chambre de 1h45 commandé par radio France, sur une adaptation de la pièce de Bruno Bayen. Démarrant sur la tombe du grand archéologue allemand Heinrich Schlieman (interprété par le baryton Julien Clément), l’intrigue se déroule en plusieurs langues, sorte de petit Babel très inspiré des classiques allemands et notamment Faust, et qui repose sur l’intuition très romantique qu’on ne pouvait pas redécouvrir Troie, berceau de l’humanité, sans avoir été amoureux de son Hélène.

Jouant les bois, des percussions et des silences sur un mode néo-orientaliste envoûtant, citant Wagner aussi bien que Goethe, Betsy Jolas joue de la mesure pour raconter une épopée sur le mode de la rencontre amoureuse. Si la narration est parfois un peu difficile à suivre et les femmes symboliques assez évanescentes, la direction de David Reiland donne du rythme à cette Illiade romantique et la mise en scène de Antoine Gindt joue joliment sur les couleurs, les costumes et l’espace pour faire monter et descendre les protagonistes d’une histoire immémoriale. L’acmé du spectacle est probablement le récit – en grec- de quelques vers d’Homère. Une création empreinte d’histoire à découvrir encore les 15 et 17 mars à 20h30 au Conservatoire de Paris, pour continuer de célébrer les 90 ans de Betsy Jolas.

visuels :

– Betsy Jolas avec M. Miyako, J. Radford, M. Yessetova, a. Fougeroux / Marc Copey (c) Yaël Hirsch

– Photo de Illiade L’Amour (c) F Ferranti

Infos pratiques

Fukushima sous l’oeil de Google Street View
Fenêtres: ce Bachir qui fait valser les cadres
Avatar photo
Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration