Classique
Tendres Lieder à l’Athénée

Tendres Lieder à l’Athénée

15 May 2018 | PAR Suzanne Lay-Canessa

Accompagné de deux jeunes solistes tout aussi prometteurs, Edwin Fardini affirme ses affinités avec le Lied allemand, et nous fait découvrir de belles mélodies méconnues de Guy Ropartz.

fardini

C’est avec une stature de communiant et une timidité mal dissimulée qu’Edwin Fardini, encore élève au CNSM de Paris, présente son programme à l’auditoire. Difficile d’imaginer, alors, qu’assez de vécu, de douleur et de profondeur, indispensables pour ce répertoire, seront à trouver chez ce jeune interprète. Ces craintes se dissipent vite une fois entamées les pages de Liszt choisies. “Es muss ein Wunderbares sein” révèle de solides aigus et une joliesse de phrasé saluable. Si le médium, plein, impressionne sur “Im Rhein, im schönen Strome”, la finesse requise pour faire redouter une insuffisance de volume. Réserve que vient immédiatement contredire la netteté de “Vergiftet sind meine Lieder”, où l’âpreté et le désespoir commencent à poindre. “Ein Fichtenbaum steht einsam” esquisse une plus grande ampleur de chant, entre dissonance, tressaillement et harmonieuses unissons. Rajouté au programme, “über alle Gipfeln ist ruh” confirme la belle alchimie entre le soliste et le piano de Tanguy de Williencourt.

Sur les “Quatre Poèmes” de Guy Ropartz, ce sont des accents schumanniens que l”on entend ensuite le temps d’une plus longue introduction au piano. La langue de Heine, déjà entendue chez Liszt, apparaît ici dans un français joliment articulé, qu’on regrettera, tout comme l’allemand, de ne pouvoir explorer plus avant dans le programme de salle, réduit ici à son strict minimum. Puissante, pure la voix semble ici d’une expressivité presque naïve, en cohérence avec le lyrisme simple – mais pas simpliste – d’une oeuvre qu’on aurait tort d’une oeuvre qu’on aurait tort laisser tomber dans l’oubli.

Au retour de l’entracte, on entre dans un Brahms à la rafraîchissante intranquilité dardée du beau crin et du toucher de l’altiste Adrien La Marca, qui donne corps à l’homophonie allemande faisant de “Streich” les “Streichen” désignant les cordes et le verbe “streicheln” évoquant la caresse. Arrive enfin le clou du programme, les attendus Kindertotenlieder, qui sollicitent plus qu’auparavant Tanguy de Williencourt, à l’aise sur le contrepoint de l’exposition, rappelant sur une petite échappée un trait de bois, sur un sforzando des coups d’archet, sur un accord grave les cuivres. Jusqu’alors plus élégant qu’incarné, plus appliqué qu’impliqué, Fordini révèle sur Mahler un lâcher-prise scénique plus intéressant. La voix, quant à elle, est bien là, et augure du meilleur. “Nun will die Sonne” impressionne, de même que la montée en puissance bien amenée sur le vers “Du musst nicht die Nacht in dir verschränken”, les pleurs se font entendre sur “ein Lämplein verlosch in meinem Zelt”, la noirceur envahit la “Freudenlicht” qui conclue le Lied. L’aigu se resserre quelque peu sur les pianissimi de “Nun sehe ich wohl” quand le grave impressionne par sa texture ; les palatales sont d’une donceur admirable sur “Wenn dein Mütterlein”, “Oft denke ich” déploie de belles couleurs. La colère le cède à la résignation sur “In diesem Wetter”, où s’étend une belle palette du grave colérique à l’aigu éthéré. Une fin évidente auquel le public ne semble vouloir croire, tant l’applaudissement tarde à venir – et tarde encore plus à s’éteindre. Le Brahms du Bis ramène le spectateur de la fresque au joli paysage, charmante conclusion à cette succession de Lieder traitée comme un livre d’images.

Visuel : ©Jeunes Talents

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Suzanne Lay-Canessa

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