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[Saintes, jour 1] Une Messe pour la paix de 1520 pour célébrer le 14 juillet

[Saintes, jour 1] Une Messe pour la paix de 1520 pour célébrer le 14 juillet

15 July 2017 | PAR Yaël Hirsch

En ce jour de fête nationale et premier jour du Festival de Saintes, le public de l’Abbaye aux Dames revivait le faste de la rencontre de François Premier et Henri VIII dans une messe de paix reconstituée par l’ensemble Doulce Mémoire. Une plongée dans le 16e siècle qui nous immerge dans le lien fort qui existe entre la musique et la grandeur d’un pays.
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Premier jour de Festival dans l’enceinte de l’Abbaye aux Dames. Alors qu’à l’heure du déjeuner,  le ténor Reinoud van Mechelen nous a transportés dans l’univers “burlesque” de Clérambault (il y a même une Cantate sur le café de Bach!) et que les festivaliers curieux pouvaient aller entendre le Jeune Orchestre de l’Abbaye répéter avec Philippe Herrweghe, en ce jour de fête nationale le concert de 19h30 célébrait l’Histoire et les fastes de la cour de François Premier avec une reconstitution exceptionnelle de la messe qui a été donnée lors de la rencontre du Camp du Drap d’Or (1520), près de Calais, où le monarque a reçu Henri VIII d’Angleterre pour tenter de négocier une alliance contre Charles Quint. Au cœur de ces trois semaines de tournois et de faste, la «Messe pour la paix» a permis aux meilleurs musiciens des deux chapelles royales de rivaliser d’excellence et de beauté. Dirigé par Denis Raisin Dadre, l’ensemble Doulce Mémoire est allé puiser dans les archives de l’époque et dans ce que l’on sait des compositeurs attitrés des deux chapelles pour reconstituer cette Messe flamboyante.

Alors que le soleil est encore haut dans le ciel, le public remplit l’abbatiale. C’est en hauteur et par l’arrière que les trompettes de l’ensemble surprennent le public pour annoncer de manière officielle le début des festivités. Mais c’est la voix – et quelles voix ! – qui sera au cœur de cette Messe avec une vraie réflexion sur la spatialisation de ces voix : commençant sur le devant de la scène au début notamment pour les modulations frontales des deux Da Pacem inauguraux, du Kyrie et le long Sanctus (une vraie épreuve de physique pour la beauté), parfois relayées par les instruments qui les encadrent en final d’une étape, les deux sopranos, trois ténors et deux basses de Doulce Mémoire s’avancent vers le fond de l’abbatiale pour un son pur et uni. Le déroulé classique de la messe est entrecoupé d’un seul moment instrumental et régulièrement d’une récitation «historique» de la rencontre du Camp du Drap d’or par Philippe Vallepin.

Hypnotisé par la musique, le public profite des pauses parlées pour penser à l’immensité de la tâche accomplie par l’ensemble : imaginer, à partir d’archives et de travaux historiques comment s’est déroulé cette messe diplomatique, il y a 500 ans! Ce qui nous permet d’ailleurs de découvrir ou redécouvrir des compositeurs méconnus ou oubliés comme Claudin de Sermisy (que Rabelais mentionne dans Gargantua) ou Jean Mouton. Du côté anglais, alors qu’Henri VIII était un grand mélomane, compositeur lui-même et que le 16e siècle est l’époque de ThomasTallis, c’est Nicholas Ludford qui représente largement dans cette reconstitution le génie anglais. Après le traditionnel Agnus Dei, Doulce Mémoire propose pour terminer la Messe un psaume de Jean Mouton très imagé, où les deux sopranos se répondent disposées des deux côtés de la scène.

Enfin, en bis, après avoir expliqué comment l’acoustique parfaite de l’Abbaye aux Dames «où l’on entend tout» est impressionnante, Denis Raisin Dadre propose d’entendre les yeux presque fermés son ensemble qui fait monter une «élévation» depuis le fond de l’abbatiale. Un moment de grâce pure avant de revenir à la vie vibrante et conviviale d’un 14 juillet en Charentes-Maritimes.

Il est 21h30 quand l’on sort de l’abbaye et en attendant de voir le feu d’artifice fuser sur la Charente à 23h, le public du Festival de Saintes se réunit dans l’air frais d’une parfaite soirée d’été sous «la voile» au flanc de l’abbatiale. Avec un verre de vin trié sur le volet par le «winetruck» ou devant une soupe, il est rejoint par d’autres publics pour un Bal trad’ qui nous promène dans la musique traditionnelle à travers le monde : aussi bien dans les Balkans qu’en Moyen-Orient, entre beauté méditative et envie de danser. C’est seulement après le feu d’artifice de 23 heures où tous s’arrêtent pour regarder au-dessus de la Charente, que la danse l’emporte avec un moment d’effervescence et de fête folle où tous sont invités à danser ensemble dans de grandes rondes traditionnelles où l’on rencontre tout le public à force de changer de partenaire pour répondre aux figures imposées. Les vieux habitués forment peu à peu les plus jeunes et la fête continue tard dans Saintes illuminée.

Visuels : YH

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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