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Quand le London Symphony Orchestra fait son cinéma…

Quand le London Symphony Orchestra fait son cinéma…

17 March 2013 | PAR Marie Charlotte Mallard

Ce vendredi, sous la direction de Franck Strobel, le London Symphony Orchestra faisait son cinéma salle Pleyel. Au programme, John Williams et le cinéma de Spielberg, association complice unique, inébranlable et fusionnelle entre un compositeur et un réalisateur, qui depuis 1974, enchaînent les succès, portant une véritable reconnaissance à la musique de film dans les salles de concerts classique.

E.T, Indiana Jones, Jurassic Park, Les Dents de la Mer, Rencontres du troisième type, La liste Schindler, autant de succès du box-office dont les musiques ont également pulvérisé les records de ventes d’albums. Si bien souvent, le nom du compositeur reste ignoré du spectateur, aucun d’eux n’ignorent sa musique. Incontournables, elles restent pour l’imaginaire de n’importe quel cinéphile, l’identité propre d’un film, d’un personnage ou d’une scène particulière. Nous sommes tous capables d’entonner une de ses mélodies et avons tous été marqués par ces thèmes, qui résonnent aujourd’hui comme de véritables références inséparables de l’œuvre cinématographique qu’elles illustrent, en témoigne la musique de la célèbre saga Stars Wars, association cette fois de John Williams et de George Lucas. Les différents thèmes musicaux créés par John Williams restent donc incontournables et s’ancrent dans la mémoire profonde, dans l’imaginaire collectif, suscitant bien souvent émotion, joie intense, quasi enfantine, liée à la réminiscence d’une aventure cinématographique, et de tous les souvenirs qui l’accompagnent. De ce fait, le concert de ce soir était très attendu et ne réunissait pas que les afficionados des grands orchestres et de la musique classique, mais également et surtout, des grands fans de cinéma, et bien souvent de grands enfants, qui dans le foyer de la salle Pleyel exprimaient déjà leur excitation et leur impatience d’entendre leur musique de films favoris sous les doigts d’un grand orchestre international. Pour beaucoup c’était même, LE CONCERT, à ne pas manquer. Exaltation et effervescence règnent donc à l’entrée de la salle Pleyel où les discussions vont bon train, chacun se remémorant les films au programme du concert de ce soir. Au-dessus de l’orchestre est placé un écran géant, et l’on se ravit d’avance de savoir qu’en plus de la musique l’on pourra également admirer les différentes séquences les plus marquantes du cinéma de Spielberg.

L’orchestre est tonitruant, fracassant, et se révèle imposant, volumineux, ample, peut-être un peu trop. Les nuances fortississimo résonnent et éclatent littéralement dans la salle Pleyel. Néanmoins, si cette force et ce volume sonore siéent parfaitement dans les musiques où règne l’aventure et le danger, on regrette un manque de subtilité et de précaution. En effet, de manière générale, peu de contraste, peu de sensibilité, on se demande même si l’orchestre est capable de faire de véritables piano. L’interprétation de La liste de Schindler achève d’ailleurs de nous conforter dans cette idée. En effet, si le premier violon, ici à la place de soliste nous donne une interprétation magistrale de la partition, pleine de finesse, d’une sensibilité exacerbée, d’un son doux, clair et chaleureux, d’où ressortait une tendresse blessée touchante qui nous procura beaucoup d’émotion, on reste déçus et désappointés par la prestation de l’orchestre et des autres instrumentistes à ses côtés, bien trop brutales dans leurs interventions. In fine, l’impression que l’on est dans le “trop”, ne nous quitte jamais et on déplore un manque de délicatesse et de réflexion quant à l’interprétation. Si l’on apprécie cette première partie parce qu’on aime les musiques de film et qu’on apprécie les entendre en version concert plutôt que sur CD, on déplore néanmoins, un éventail de nuances bien trop court, et surtout un cruel manque de soin et de subtilité. Aussi, l’on reste donc sur notre faim et dubitatifs quant à cette prestation, frustrés de ces interprétations quasi mécaniques d’où ne ressort que fracas. En outre, on ne retrouve pas le LSO et son niveau, qui parfois semble peiner dans la mise en place.

La deuxième partie viendra néanmoins relever un peu notre première opinion. En effet, l’interprétation de Rencontres du troisième type fut très précautionneuse. Enfin, l’orchestre nous donne à entendre précision, concentration, et surtout nuances savamment ménagées et soignées, allant chercher au plus loin les pianissimos, faisant résonner les cinq notes emblématiques qui caractérisent le thème. Autre joli moment, la musique du film Le terminal, ici la clarinette est largement mise en avant, puisque la partition lui accorde l’essentiel du thème, et révèle une clarinette solo virtuose. Contrairement à ce que l’on avait pu constater dans la liste de Schindler, l’orchestre ici est attentif au soliste et le suit véritablement. Ainsi, une joyeuse et tonifiante osmose se dégage de la prestation. Le concert se terminera par la musique d’E.T, toujours dans cet esprit fortississimo, fracassant et rugissant.

Si l’on est quelque peu déçus force est de constater que l’ensemble du public apprécia largement la prestation, en témoignaient les applaudissements et cris qui résonnaient dans la salle. Le public ne voulait laisser partir l’orchestre, à tel point que celui-ci nous gratifia de trois bis, Munich, prière pour la paix, 1941, et l’inévitable Stars Wars, qui dès les premières notes fut acclamé par l’ensemble de la salle surexcitée. A l’issue de la prestation, Pleyel tout entier se lèvera dans un tonnerre d’applaudissements et de cris pour saluer la prestation des musiciens, et chacun ressortira avec un large sourire. Aussi, si la prestation fut à notre sens trop en force, en brutalité, en férocité, pas assez dans la rigueur, la sensibilité, la finesse et l’émotion, du point de vue du public le charme opère. Il est vrai que l’on a peu l’occasion d’entendre ce genre de répertoire, et que malgré tout, la soirée fut un beau moment de divertissement, dommage que cela ne soit justement rester qu’au simple état de divertissement, sans plus de profondeur, de sentiment et de recherche, mais peut-être est-ce simplement une question de répertoire…

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Marie Charlotte Mallard
Titulaire d’un Master II de Littérature Française à la Sorbonne (Paris IV), d’un Prix de Perfectionnement de Hautbois et d’une Médaille d’Or de Musique de Chambre au Conservatoire à Rayonnement Régional de Cergy-Pontoise, Marie-Charlotte Mallard s’exerce pendant deux ans au micro d’IDFM Radio avant de rejoindre la rédaction de Toute la Culture en Janvier 2012. Forte de ses compétences littéraires et de son oreille de musicienne elle écrit principalement en musique classique et littérature. Néanmoins, ses goûts musicaux l’amènent également à écrire sur le rock et la variété.

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