Classique
NoMadMusic : l’effervescence d’un jeune label en parfaite adéquation avec son époque

NoMadMusic : l’effervescence d’un jeune label en parfaite adéquation avec son époque

24 May 2016 | PAR Elodie Martinez

Ce n’est un secret pour personne, les labels ne vivent pas leurs heures les plus fructueuses depuis quelques années. Si beaucoup ferment leurs portes ou bien se font racheter, il ne faut pas pour autant croire que leur fin est proche, bien au contraire, comme le montrent brillamment Clothilde Chalot et Hannelore Guittet, fondatrices de NoMadMusic. Nous avons eu le plaisir de rencontrer Clothilde qui nous a présenté ce jeune label et certains de ses nombreux projets ou actions, comme une application permettant de composer soi-même un morceau. Loin de suivre des idées préconçues et souvent dépassées sur le monde de la musique d’aujourd’hui, y compris et surtout de la musique classique, NoMadMusic se tourne vers l’avenir, répondant aux attentes modernes du public, dans la joie et la bonne humeur !

Avant tout, pourrais-tu nous présenter le label NoMadMusic ?

Le label NoMadMusic est un label qui a été lancé en janvier 2014 et qui a un répertoire classique, jazz et musique du monde (avec un fort catalogue classique quand même), dû au fait de nos expériences personnelles. Hannelore et moi avons une excellente expertise, ne serait-ce que par rapport à la prise de son et à la direction artistique ; il y a ensuite une question plus stratégique de communication qui est vraiment axée sur le digital. Pour résumer, nous avons vraiment voulu décloisonner ou démocratiser le genre classique en s’adaptant au mode de « consommation » et au mode d’écoute du public. Actuellement, le public c’est aussi bien les jeunes, les moins jeunes que les plus vieux et plus ça va, plus les gens écoutent de la musique sur leur smartphone ou leur tablette. Il n’y a qu’à voir les radios qui se sont mises au digital rapidement : à présent, les gens écoutent la radio non pas via un poste mais via leur ordinateur. Ce sont vraiment des habitudes qui commencent à être ancrées. Et il est vrai que l’album classique, le répertoire classique, c’est un peu l’image d’Epinal de la musique classique. Elle commence cependant à se perdre car par la force des choses, il n’y a plus beaucoup de distribution (il n’y a plus de vendeurs), donc les labels qui sont derrière n’arrivent plus à suivre. Si on se cantonne au physique, on ne vend plus. Et si on ne vend plus, les artistes ne sont plus connus.

Notre but est donc de vraiment faire connaître nos artistes, que l’on y vienne par un biais ou par un autre, que ce soit parce que la pochette est belle, parce qu’on a fait un petit texte dessus, ou par la vidéo. C’est pourquoi on fait des teasers.

Le modèle NoMadMusic est aussi basé sur une communication avec les internautes. On va essayer – et on essaie déjà – de mettre en place des projets interactifs. En décembre 2014, nous avions mis le Gloria de Vivaldi des Cris de Paris en ligne sur notre plateforme et les gens nous ont envoyé des vidéos pour qu’on puisse faire un clip participatif. C’est amusant de voir l’inspiration qu’ont les gens avec la musique classique ! C’était vraiment varié et c’est ce qu’on voulait démontrer : la diversité des genres que peut amener même le Classique.

A présent, avec l’application mise en place, on est vraiment dans cette optique d’interaction où on met à disposition du matériel professionnel : lors d’une première édition, nous avions demandé à Bernard Cavanna de composer une œuvre que nous avions ensuite enregistrée avec des moyens professionnels et des musiciens de l’ONDIF. Zaza Fournier et Mark Berube ont aussi participé à ce projet afin qu’on puisse faire un croisement des genres sur une musique. On a découpé cette œuvre en plusieurs samples, on a développé une application web (qui n’est donc pas à télécharger) et où les sons sont à disposition. Les gens peuvent donc écouter les samples puis les déplacer pour créer leur propre morceau. S’ils le veulent, ils l’enregistrent et c’est envoyé directement à la plateforme pour le soumettre au vote du public ; s’ils ne veulent pas enregistrer, ils peuvent revenir à souhait sur leur interface.

Il y avait ensuite eu le vote du public : l’œuvre (celle qui a obtenu le plus de votes) a été jouée en première partie d’un concert « French Touch » de l’ONDIF à la Philharmonie. Un des partenaires qui est aussi très important pour nous sur cette action c’est la fondation Orange qui a participé au financement de cette application.

Côté partenaires d’ailleurs, nous n’avons pas eu de porte close, ils ont très vite accepté et tout s’est fait dans un bel esprit de partage. On s’est lancé dans une aventure qui n’existait pas en se faisant confiance et en se disant : « on va essayer, on verra bien ce que ça donnera, on espère que ça va marcher ».

L’ONDIF a été le premier orchestre auquel vous avez pensé ?

Oui. D’ailleurs, nous avons sorti leur album en février, mais entre sortir un album et faire un projet digital, il y a quand même un poids deux mesures : un album, on sait tous ce que ça va être, alors que ce n’était pas le cas avec ce projet. On avait bien sûr une idée, une stratégie,… mais c’était nouveau. Et nous avions remarqué qu’ils nous ressemblaient dans leurs communications : ils font des tests, ils essaient des choses et ils étudient aussi. Ils ont un travail pédagogique et un travail avec le public qui est vraiment très intéressant.

Pour revenir à l’application, il y avait 12 sons préenregistrés lors de la première version, à présent il y en a 22. Comment s’est fait le choix de ce nombre et de la nature de ces sons ?

Il y a avant tout un point technique : tout le monde n’a pas la même taille d’écran. Sur celui d’un ordinateur, on pouvait mettre plus de sons parce que l’écran est plus large ; mais ça veut dire que les briques sont plus petites, et si elles le sont sur l’ordinateur, elles le seront aussi sur le téléphone. On voulait vraiment s’adapter à tout type de support, parce que ça nous permet de voir qui joue sur quoi. De plus, si la bibliothèque est trop grande, les gens ne vont pas utiliser tous les sons.

Concernant le découpage, il a été fait de façon assez minutieuse entre Bernard Cavanna et Hannelore [Guittet, cofondatrice de NoMadMusic] On a ensuite testé sur l’équipe puis auprès de gens qui représentaient la cible, c’est-à-dire sans pratique musicale. Et contrairement à certaines critiques et idées reçues du départ, ça n’a pas donné « n’importe quoi ». Jamais personne n’a fait quelque chose de dissonant ou de désagréable à écouter, ce qui est assez logique : la musique est une sensation, c’est instinctif, c’est de l’émotion. La surprise a été d’apprendre que des enfants de 8-12 ans jouaient régulièrement alors qu’ils n’ont pas l’esprit de concours.

Nous avons également préparé une autre édition avec Yvan Cassar et l’Opéra de Rouen autour d’un événement qui s’appelle « Normandie Impressionniste » qui se déroule d’avril à septembre en Normandie, période durant laquelle nous proposons l’application modifiée et retravaillée. Les étudiants de la classe de composition du conservatoire de Rouen, supervisés par Yvan Cassar, composent la Sonate de Vinteuil [œuvre musicale fictive pour violon et piano plusieurs fois évoquée tout au long de À la recherche du temps perdu de Marcel Proust] et l’oeuvre est enregistrée par l’orchestre de l’Opéra de Rouen. Avec des sons et d’autres surprises à disposition, les gens peuvent créer leur Sonate de Vinteuil durant tout le festival avant d’être peut-être jouée en clôture.

D’autres projets ?

On nous a sollicités pour participer à la programmation classique, jazz et musique du monde sur Main d’œuvre [la salle de Saint-Ouen]. C’est une co-programmation, nous sommes 4, et notre premier concert est celui de Tango Carbon, mais on va aussi programmer du classique.

Rappelons que ce jeune label est celui du dernier album de l’Ensemble Amarillis  qui a remporté 4F Télérama et est nominé aux International Classical Music Awards ou encore celui du talentueux Quatuor Zaïde, lui aussi distingué par 4F Télérama. A suivre avec attention et surtout avec plaisir!

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Elodie Martinez
Après une Licence de Lettres Classiques et un Master en Lettres Modernes, Elodie découvre presque par hasard l'univers lyrique et a la chance d'intégrer en tant que figurante la production du Messie à l'Opéra de Lyon en décembre 2012. Elle débute également une thèse (qu'elle compte bien finir) sur Médée dans les arts en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, puis, en parallèle d'un stage dans l'édition à Paris, elle découvre l'univers de la rédaction web et intègre l'équipe de Toute la culture où elle participe principalement aux pages d'opéra, de musique classique et de théâtre. Elle a aussi chroniqué un petit nombre de livres et poursuit l'aventure une fois rentrée sur Lyon. Malheureusement, son parcours professionnel la force à se restreindre et à abandonner les pages de théâtre. Aujourd'hui, elle est chargée de projets junior pour un site concurrent axé sur l'opéra, mais elle reste attachée à Toute la culture et continue d'être en charge de l'agenda classique ainsi que de contribuer, à moindre échelle, à la rédaction des chroniques d'opéra.

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