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[Live-Report] Zelmira à l’Opéra de Lyon : le cycle se poursuit

[Live-Report] Zelmira à l’Opéra de Lyon : le cycle se poursuit

11 November 2015 | PAR Elodie Martinez

Dimanche 8 novembre se tenait la première des trois dates de la coproduction tant attendue de l’Opéra de Lyon avec le TCE. En effet, depuis 2011, le chef italien participe aux versions de concert de chef-d’oeuvres du bel canto données trois jours en novembre, deux à Lyon et un à Paris. Il y a 4 ans, le public entendait I Capuleti e i Montecchi avec Olga Peretyatko et Anna Caterina Antonacci. En 2012, c’était au tour d’I Puritani, avec Olga Peretyatko et Dmitry Korchak, puis Norma l’année suivante avec Elena Mosuc, John Osborn et Sonia Ganassi. L’an passé, nous avions vu une très belle Semiramide, toujours avec Elena Mosuc et John Osborn. En cette saison 2015-2016, c’est au tour de Zelmira d’enchanter le public.

[rating=3.5]

La direction d’Evelino Pido est reconnaissable dès les premières notes, avec l’énergie et la vie qui la caractérisent. Pas de longue pièce musicale introductive dans cette oeuvre, nous entrons dans le vif du sujet en entendons rapidement le choeur des hommes. Ainsi, en quelques minutes à peine, nous retrouvons avec un immense plaisir l’excellence de l’Orchestre de l’Opéra de Lyon suivant les directives précises, parfois quelque peu invectives du chef italiens, toujours dans un jeu et une technique parfaite, respectant le rythme endiablé du maestro et sachant faire preuve d’une grande douceur lorsqu’il le faut. A cette excellence s’ajoute celle du Choeur de l’Opéra qu’on ne peut pas cesser de louer ici, notamment pour ce qui est des voix masculines très présentes. Assurément, Lyon peut se targuer d’avoir l’un des meilleurs orchestre ainsi que l’un des meilleurs choeurs de France et n’a rien à envier à Paris.

Antenore (Sergey Romanovsky) ouvre ensuite le bal des solistes et c’est une véritable découverte que cette voix de ténor! Le jeune artiste russe possède une projection magistrale (parfois un peu trop puissante, comme dans son premier air, mais elle reste remarquable), un timbre chaud et profond qui donne une belle dimension à son timbre naturel. Autre point fort appréciable : l’unité de cette voix qui, dans les notes les plus hautes, ne marquent aucune cassure avec les plus basses. Le public ne s’y trompe pas et l’applaudit vivement après son interprétation de “Terra amica, ove respira” absolument superbe et magistrale. Un nom à retenir et à suivre!

Leucippo (Patrick Bolleire) est bien sûr sur ses pas, les deux complices étant inséparables dans leur plan machiavélique. La voix de la basse -qui interprétait Oroe dans Semiramide l’an passé- laisse lui aussi entendre une voix claire et sonore.

Face à ces visages graves de comploteurs parfaitement interprétés se pose le joueur Ilo (Antonino Siragusa) qui amuse le public dès son arrivée, montrant un personnage bien plus léger. Lorsque viendra la terrible heure où ce roi sera dupé par Antenore et Leucippo qui l’amènent à croire à la trahison de sa femme, le jeu du ténor changera bien sûr en accord avec les sentiments du personnage. La voix est extrêmement puissante, parfois peut-être un peu trop poussée dans les notes les plus aiguës, rappelant d’une certaine manière le ténor russe Dmitry Korchak quelques années plus tôt.

Dernière voix masculine, cette de Polidoro (Michele Pertusi), le père de Zelmira que l’on croit mort. Là aussi, nous retrouvons un nom familier à ce cycle de bel canto, lui qui chantait Azur l’an passé ainsi que Sir George Walton dans I Puritani. Quel que soit le rôle, le jeu de la basse est sensiblement le même dans ces versions de concert et le début de cette soirée le voit un petit peu détaché, ce qui s’arrange par la suite. Si on ne le sent pas forcément complètement investi par son personnage, on ne peut que reconnaître une technique et une voix toujours d’une même qualité, servant parfaitement la partition.

Face à toute cette testostérone, deux personnages féminins, seules contre tous : Emma et bien entendu Zelmira, interprétée ici par Patrizia Ciofi, gros bémol de cette production. La voix est en effet très fatiguée, les cordes vocales donnent l’impression de se frotter sans cesse. L’artiste lutte toute la soirée face à cette partition difficile, parvenant à faire entendre une voix qui va mieux lors de l’air “Perche mi guardi”, le sauvant sans malheureusement le sublimer comme il aurait pu l’être. Le deuxième acte amène la cantatrice dans ses retranchement, laissant voir un signe significatif de sa main. On finit presque par souffrir avec elle lorsque l’on sent venir cette dernière note finale redoutable… qu’elle parvient à sortir et à tenir. Les applaudissements du public saluent surtout le courage et la persistance de la soprano qui, malgré tout, n’a pas abandonné. Nous avons entendu dire que, même si certaines limites se sont faites sentir, Patrizia Ciofi était en meilleure forme mardi soir, laissant présager un beau concert parisien en fin de semaine.

Celle qui ressort de cette soirée est alors Emma, la confidente de Zelmira, interprétée par la mezzo-soprano Marianna Pizzolato. Dès les premières notes nous savons que nous sommes en présence d’une grande voix, profonde, très émouvante et admirablement juste. Chacune de ses intervention est marquante, que cela soit dans “Soave conforto”, ou encore, et surtout, au début du deuxième acte dans “Ciel pietoso, ciel clemente”. Ce moment est une véritable parenthèse onirique qui transporte au point de tout oublier : cette voix qui s’élève des choeurs a quelque chose de divin.

Pour résumer cette soirée, malgré une Patrizia Ciofi à la voix fatiguée, nous avons assisté là à une belle leçon de bel canto. Une telle soirée est un rare onguent pour l’esprit et le coeur.

© studio-harcourt pour Patrizia Ciofi, loic fontaine pour Patrick Bolleire et vincent arbelet pour Sergey Romanovsky.

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Elodie Martinez
Après une Licence de Lettres Classiques et un Master en Lettres Modernes, Elodie découvre presque par hasard l'univers lyrique et a la chance d'intégrer en tant que figurante la production du Messie à l'Opéra de Lyon en décembre 2012. Elle débute également une thèse (qu'elle compte bien finir) sur Médée dans les arts en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, puis, en parallèle d'un stage dans l'édition à Paris, elle découvre l'univers de la rédaction web et intègre l'équipe de Toute la culture où elle participe principalement aux pages d'opéra, de musique classique et de théâtre. Elle a aussi chroniqué un petit nombre de livres et poursuit l'aventure une fois rentrée sur Lyon. Malheureusement, son parcours professionnel la force à se restreindre et à abandonner les pages de théâtre. Aujourd'hui, elle est chargée de projets junior pour un site concurrent axé sur l'opéra, mais elle reste attachée à Toute la culture et continue d'être en charge de l'agenda classique ainsi que de contribuer, à moindre échelle, à la rédaction des chroniques d'opéra.

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