Classique
[Live Report]: Lisa Batiashvili magnétique et envoûtante dans Beethoven

[Live Report]: Lisa Batiashvili magnétique et envoûtante dans Beethoven

07 March 2014 | PAR Marie Charlotte Mallard

Ce mercredi soir le Théâtre des Champs-Elysées accueillait l’Orchestre Philharmonique de Rotterdam dirigé par Yannick Nezet Seguin et la violoniste Lisa Batiashvili pour le Concerto pour violon et orchestre en ré majeur op.61 de Beethoven et Don Quichotte, poème symphonique en ré majeur op.35 de Strauss.

[rating=3]

Le Concerto pour violon et orchestre en ré majeur op.61 débute par une longue introduction de l’orchestre, nous laissant entendre tour à tour bois puis cordes. Après ces quelques minutes, quelque chose frappe notre oreille. Le son reste confiné sur la scène, comme étouffé l’orchestre nous paraît enfermé sur lui-même, les instruments manquent de projections, aussi les couleurs certes jolies restent pastelles.

Entre enfin Lisa Batiashvili, sur des arpèges montantes elle nous révèle son timbre rond, moelleux et chaleureux qui tranchera d’emblée avec cette ouverture en demi-teinte. Sous ses doigts, le violon se fait charmeur en plus d’être chatoyant, grâce et souplesse nous happent dès les premières notes. La violoniste et Yannick Nezet-Seguin affichent une grande complicité qui fait plaisir à entendre comme à regarder, se passant attentivement le relais. Elle enchaîne les phrases et les trilles avec élégance et légèreté, sa présence est magnétique et hypnotisera durant les 48 minutes que dure le concerto, l’ensemble de la salle. Totalement imprégnée et impliquée, elle livre une version extrêmement réfléchie de l’oeuvre de Beethoven. Sous son archet le discours musical prend tout son sens, et l’artiste nous donne une lecture à la fois personnelle et éclairée où s’opposent sans cesse rythme et chant. Le concerto tient de la romance, du discours amoureux, et de ce point de vue Lisa Batiashvili fera ressortir autant sensible mais positive vulnérabilité que détermination appuyée. Dans le second mouvement l’on appréciera particulièrement la tendresse pensive qu’elle exaltera par l’humilité et la simplicité de son jeu. Se dégage ainsi une douce candeur, voletante, papillonnante, un chant  innocent et rêveur dont on se délecte. Le Rondo, mouvement le plus connu du concerto, arrive ensuite, aérien, dansant, insouciant et badin, il n’a de cesse de tourbillonner, de trépigner, voire même de caracoler. Là l’artiste s’amuse, se plait à faire ressortir la rythmique sautillante et virtuose.

Outre la fascinante et envoûtante interprétation de Lisa qui nous fera totalement oublier la présence de l’orchestre, l’on retient également l’exécution de ces cadences qui surprirent l’oreille et occupèrent tous les esprits à l’entracte. Très contemporaines, donnant à entendre atonalités, froissements abrupts, doubles cordes, discours d’apparence décousus, d’une virtuosité extrême et rugueuse, elles contrastaient immanquablement avec l’œuvre de Beethoven. Et pour cause, il s’agissait des cadences du compositeur russe Schnittke (1934-1998)  écrite pour Gidon Kremer, qui en leur temps défrayèrent la chronique.

Après l’entracte, l’Orchestre Philharmonique de Rotterdam donnait Don quichotte, poème symphonique op.35 de Strauss, avec Floris Minjnders en Don Quichotte au violoncelle et Anne Huser en Sancho Pansa à l’alto. L’œuvre décrit la plupart des aventures du chevalier. L’introduction évoque la perte de la raison de Don Quichotte et les variations ses pérégrinations, du combat contre le troupeau de moutons à celui contre les moulins à vent, mais surtout le vol dans les airs, sans oublier la rencontre avec Dulcinée. L’exécution de la pièce fut bonne, sans aucune anicroche. Le chef joue sur les contrastes de nuances, essaie de faire éclater les flats de cuivres, tend à mettre en lumière les bois. Néanmoins la magie ne prend pas pleinement. Si l’on prend du plaisir à l’écoute, on ne voyagera malheureusement pas, on peinera à se projeter au cœur de l’œuvre de Strauss comme de celle de Cervantès, on ne s’oubliera pas dans la musique. Seul le violoncelle nous transportera vraiment, nous bouleversant notamment au final par l’évocation de la mort de Don Quichotte. Une soirée dont on sortira autant éblouis par l’interprétation de Lisa Batiashvili que déçus de n’avoir pu percevoir toute la brillance de l’Orchestre Philharmonique de Rotterdam.

Visuels: Lisa Batiashvili, © Photo: Anja Frers

Infos pratiques

Théatre Gérard Philipe
Comédie saint michel
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