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[Live Report] Les Dissonances à la Cité de la musique : sans chef, et alors ?

[Live Report] Les Dissonances à la Cité de la musique : sans chef, et alors ?

24 October 2014 | PAR Victorine de Oliveira

Mardi 21 octobre, les Dissonances s’arrêtaient à la Cité de la musique pour défendre un programme Schubert, Schönberg et Brahms… le tout sans chef d’orchestre !

 

 

 

Pour paraphraser un célèbre western, le paysage orchestral français se divise en deux catégories. D’un côté la tradition avec chef d’orchestre, baguette et estrade, qui impose aux musiciens tempo et interprétation. De l’autre, les Dissonances. A une dynamique verticale, l’ensemble mené par le violoniste David Grimal préfère l’horizontalité démocratique d’un répertoire discuté, débattu et joué à plusieurs. Quand à savoir qui creuse, on vous laissera en juger en bas de page…

Se passer de chef d’orchestre détonne dans un milieu où la tête d’affiche se résume bien souvent à son nom. Bien que les Dissonances défendent l’idée depuis maintenant dix ans, couronnés d’un succès à la fois critique et public, on entend quelques sceptiques parmi les spectateurs. Avec ses allures de démonstration, le programme donné le 21 octobre à la Cité de la musique aura sans aucun doute achevé de les convaincre.

Schubert et son dernier quatuor à cordes ouvrent la soirée, avec un petit comité de musiciens : David Grimal (premier violon), Hans Peter Hofmann (second violon), David Gaillard (alto) et Xavier Phillips (violoncelle). Les quatre hommes ont l’habitude de jouer ensemble, et cela s’entend. Phrasé, vitesse d’archet, respirations… le tout est sérieusement millimétré. Un peu trop ? Entre le « Scherzo » et le final « Allegro assai », quelques ajustements techniques de David Grimal avec sa partition détendent un peu l’atmosphère. La tarentelle malicieuse du dernier mouvement s’envole sur fond de pupitre vacillant sous quatre pages déployées, pas toujours pratiques à tourner. Tombera, tombera pas… même pas ! Schubert et son ironie désespérée se sont contentés du talent des musiciens pour se manifester.

Pour Schönberg et sa Symphonie de chambre n°2, les solistes du quatuor se transforment chacun en chef de pupitre. L’effectif de l’orchestre est limité, le vide laissé par l’absence de baguette semble tout naturel. Hyper rythmique et pleine de feux, l’œuvre va bien à la fougue de musiciens plutôt jeunes, avides de mordre la corde à pleine dent. Regards et sourires circulent, le plaisir est évident. On s’écoute avec acuité entre solistes et musiciens du rang, chacun devenant à tour de rôle leader de l’orchestre quand la partition l’exige.

La Symphonie n°3 de Brahms clôt magistralement la démonstration. Les Dissonances se sont transformées en orchestre symphonique au complet, l’électricité en plus. Bien sûr, David Grimal, premier violon, donne quelques grands départs, bat parfois la mesure de son archet. Mais l’absence de chef donne ici une telle densité et fluidité à la musique que l’on a parfois l’impression d’entendre cette symphonie pour la première fois… Vu l’archi-tubesque troisième mouvement, ce n’était pourtant pas gagné ! Ce dernier, bissé pour un public conquis, donne l’occasion d’apprécier doublement le travail d’orfèvre pratiqué sur articulations et nuances.

Composées de musiciens solistes et chambristes venus de France et d’Europe, les Dissonances pourraient n’avoir l’air que d’un groupe de fortes têtes. Il n’en est rien. Leur dynamique tire justement sa force d’individualités qui savent s’écouter. Quand les autres creusent, les Dissonances, elles, sortent avec justesse du lot.

Visuel: Une: Les dissonances © Benoit Linero -site internet les dissonances / Les Dissonances © Gilles Abegg / David Grimal © Benoit Linero

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Bastien Stisi
Journaliste musique. Contact : [email protected] / www.twitter.com/BastienStisi

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