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Interview de Martin T:son Engstroem, fondateur et directeur du Verbier Festival

Interview de Martin T:son Engstroem, fondateur et directeur du Verbier Festival

17 May 2018 | PAR Claudia Lebon

Le Verbier Festival, événement de la musique classique qui s’installe tous les ans dans le village alpin suisse de Verbier, est de retour cet été pour fêter ses vingt-cinq ans. Le fondateur et directeur, Martin T:son Engstroem, a accepté de répondre à nos questions. Un homme empreint de sympathie, passionné et investi auprès des jeunes talents. 

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Vous êtes le fondateur du Verbier Festival. Quelles étaient vos motivations, vos objectifs au moment de la création ? Et quel bilan tirez-vous de ces vingt-cinq années ?

En 1986, après l’attentat de la rue de Rennes, à Paris, où je vivais avec ma famille, l’atmosphère de la ville avait changé. J’ai donc décidé de m’installer en Suisse, avec mon épouse, chanteuse, et nos deux enfants. En tant qu’agent artistique, j’étais toujours entre les artistes et les organisateurs. Cette position “entre deux” était frustrante pour moi car j’avais beaucoup d’idées. J’ai donc voulu créer quelque chose à moi. L’idée a commencé à se construire en 1991 et la première édition a eu lieu en 1994. Après ces 25 années de festival, je suis très satisfait du résultat et de l’ampleur que prend l’événement.

Cette nouvelle édition prend-elle une nouvelle coloration cette année ? Y a-t-il quelque chose de nouveau, d’inédit par rapport aux éditions précédentes ?

Cette année, tout est augmenté ! Il y a plus d’artistes, plus de manifestations, plus de médiation. Il y aura 25 événements par jour. Toutes les répétitions sont ouvertes. On pourra écouter de la musique très tôt le matin jusqu’après minuit. 15 000 personnes viennent suivre nos Master Class chaque année.

Quels seront les temps forts de cette année ?

Je ne mets jamais en avant un artiste plus qu’un autre. L’intérêt du festival est à la fois le défilé de vraies stars de la musique classique et le suivi des jeunes de l’Académie. L’intimité du lieu où se déroule l’évènement favorise une vraie émulation. Les artistes et les différentes générations se rencontrent et échangent. Dans ce “cul de sac”, ils n’ont pas le choix ! Et c’est notre particularité.

Quelle ampleur prend la dimension internationale de cette programmation ? Les musiciens viennent d’horizons très différents ?

Le Grand Orchestre rassemble des musiciens venant de 25 pays différents. On compte une quinzaine de nationalités dans l’Orchestre des jeunes. Il faut savoir que beaucoup d’artistes, notamment les asiatiques, passent par les Etats-Unis : New-York, ou alors le Royal College Music de Londres.

Vous insistez beaucoup sur votre action de transmission auprès des jeunes. Les autres festivals ne s’engagent pas suffisamment sur cet axe selon vous ?

J’accorde en effet un intérêt particulier à cette action. En tant qu’ancien agent artistique, je veux aider les jeunes artistes à avancer car ils le méritent, bien que je ne puisse pas aider tous les jeunes. C’est un festival international qui accueille régulièrement des jeunes talents exceptionnels. Je discute avec leur famille, leurs parents, pour leur faire comprendre que leur enfant est doué et je leur explique aussi le système : comment savoir si le cachet proposé est juste, comment choisir la bonne agence. Je transmets aussi des contacts, des adresses. Cet aspect-là est très important pour la carrière des jeunes artistes.

Il y a donc de l’espoir, une relève assurée par cette multitude de jeunes talents ?

Oui mais il n’y a pas de sécurité pour les jeunes. La réussite d’une carrière dépend de nombreux éléments. Mais l’espoir est important. Il faut donner tous les instruments aux artistes, leur apprendre à communiquer, se démarquer, se vendre en fait. Aujourd’hui, la communication est très importante. Un musicien peut jouer comme un Dieu mais s’il n’a pas de charisme et de qualités de communication, il aura du mal à faire carrière. J’essaie de faire comprendre aux jeunes que travailler 6 à 7 h chez soi à la maison n’est pas forcément la meilleure façon d’avancer.

Vous proposez de nombreux ateliers, notamment pour les enfants. Pourquoi avoir décidé de renforcer la médiation culturelle cette année ?

Stephen McHolm a rejoint l’équipe cette année pour diriger l’Académie. Il vient du Canada et dans ce pays, la médiation culturelle est très importante. Développer les publics est un axe majeur de la politique culturelle. C’est aussi une passion pour lui. Il a donc intensifié le travail de médiation en faisant de nouvelles propositions, en professionnalisant ce qui existait déjà et en ajoutant une couche anglo-saxonne.

Vous disiez aussi que ces enfants ne seront pas forcément amenés à faire une carrière professionnelle mais que la musique pouvait tout de même leur apporter beaucoup. 

Oui je pense vraiment que la musique peut enrichir l’éducation des enfants. Elle apprend à se discipliner, à écouter, et leur donne une vraie culture générale. Et pour ces enfants, voir beaucoup de jeunes musiciens dans un contexte informel où ils ne sont pas obligés de rester assis, immobiles et sages pendant des heures, est beaucoup plus attirant pour eux.

Après ces vingt-cinq ans de festival, quels sont vos plus beaux souvenirs du Verbier ?

Je suis allé récemment à un concert à Londres où trois jeunes couples se sont présentés à moi pour me dire qu’ils s’étaient rencontrés au Verbier Festival. Ils sont maintenant mariés et ont chacun deux enfants. C’est sans doute mon plus beau souvenir de ces 25 années. Le Verbier permet les rencontres artistiques mais aussi humaines. Il peut être un tournant dans la vie professionnelle mais aussi privée.

Que pourrons-nous retrouver de mémorable dans le fameux livre photos du 25ème bientôt publié chez les Editions Noir et Blanc ?

De l’émotion. La musique, c’est de l’émotion. Chaque moment est unique. Toutes ces photos rassemblées sont des émotions.  Le livre du 25e est donc un album d’émotions immortalisées par de belles photos.

De nouveaux projets en tête pour les prochaines éditions ?

Pourquoi pas, dans quelques années, créer un Verbier Festival à Moscou, en Chine ou ailleurs en Europe. Nous recevons beaucoup d’invitations des organisateurs. Peut-être serait-ce une bonne idée de créer une structure spécifique pour ces déplacements.

Du 19 juillet au 5 août, le village alpin accueillera 59 concerts pour des moments de musique uniques dans un cadre exceptionnel. Un programme qui fait rêver. Retrouvez toutes les informations sur le site du festival.

Visuel © Nicolas Brodard

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