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Festival Palazetto Bru Zane Paris : Nuit du quatuor française

Festival Palazetto Bru Zane Paris : Nuit du quatuor française

03 June 2018 | PAR Victoria Okada

En ouverture de la 6e édition du Festival Palazetto Bru Zane Paris, Le Théâtre des Bouffes du Nord, lieu fidèle de la manifestation depuis sa première édition, a accueilli le 1er juin quatre quatuors français dans un programme… français !

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Dans quatre concerts de 18 h 30 à minuit, les Quatuors Hermès, Ardeo, Cambini-Paris et Modigliani ont interprété des œuvres de Chausson, Fauré, Onslow, Reicha, Gouvy, Gounod Arriaga et Saint-Saëns.

Cette année, le Festival élargit considérablement la durée (du 1er au 29 juin) et les lieux (Ou les Bouffes du Nord, Opéra-Comique, le Théâtre des Champs-Elysées, La Philharmonie, Auditorium de Radio France et le Théâtre de l’Athénée Louis-Jouvet).

C’est le Quatuor Hermès qui donne le coup d’envoi au Festival Palazetto Bru Zane Paris, Le Quatuor, qui fête cette année les 10 ans de ses activités, vient juste de sortir un disque consacré aux chefs-d’œuvre du quatuor français (voir notre chronique disque du mois de février) et c’est dans ce sillage qu’il donne ce concert. Le Quatuor en mi mineur op. 121 de Gabriel Fauré (1845-1924) et celui en ut mineur op. 35 d’Ernest Chausson (1855-1899), sont tous les deux écrites dans la dernière année des compositeurs et ont connu la création posthume. Ce sont une sorte de résumé de la vie créatrice de Fauré et de Chausson, un aboutissement, mais aussi des « essais » car il s’agit de l’unique œuvre du genre pour l’un comme pour l’autre. Les quatre Hermès marquent leur sensibilité délicate, avec un grand soin apporté à chaque détail. Des enchainement harmoniques fauréennes, si linéaires, sont particulièrement bien rendus, tout comme le beau chant de l’« Andante ». Dans Fauré tout comme dans Chausson, la belle sonorité du violoncelle se démarque avec bonheur, donnant épaisseur et profondeur à l’ensemble.

ardeo quartetEnsuite, le Quatuor Ardeo prend le relais avec les œuvres de deux compositeurs encore méconnus : George Onslow (1784-1853) et Antoine (Anton) Reicha (1770-1836). D’origine étrangère, l’un anglaise et l’autre bohémienne, ils furent des grandes figures de la vie musicale de la première moitié du 19e siècle en France. Onslow, né en Auvergne, suit au conservatoire de Paris l’enseignement de Reicha, qui était également professeur de Berlioz, Liszt, Gounod et Franck. Le lyrisme prime dans son Quatuor en ut majeur op. 64, notamment dans le deuxième mouvement « Andante sostenuto » qui sonne comme une transcription d’un air de bel canto. L’entrain, l’ardeur et la gaîté des mouvements rapides, eux aussi évoquent des scènes d’opéra pleines de vivacité, trouvent leurs parfaits reflets dans l’interprétation dynamique. Le Quatuor en ut mineur op. 49 n° 1 de Reicha — profondément marqué par Mozart (le premier thème du premier mouvement est presque une citation du début du 24e Concerto pour clavier) mais fourmille également d’idées originales pleines de contrastes — n’a pas de secret pour les quatre femmes car elles ont enregistré en 2014 en première mondiale les trois quatuors du compositeur, dont celui-ci (même si depuis cette date deux d’entre elles ont été remplacées).

quatuor-cambini-paris-franck-juery-copieÀ 21 h 30, c’est au tour du Quatuor Cambini-Paris qui interprète Charles Gounod (1818-1893) et Théodore Gouvy (1819-1898). Pour les 200 ans de sa naissance, Palazetto Bru Zane consacre cette saison à Gounod à travers de nombreux concerts et publications importants. Ainsi, les musiciens du Quatuor Cambini-Paris ont publié fin avril l’intégrale de ses cinq Quatuos à cordes. Au programme de ce soir, le Quatuor en sol mineur CG565 composé en 1891-1892 fait partie de trois quatuors « inconnus et complets » réapparus en 1993 lors d’une vente publique. Des tourments du premier mouvement au pétillement joyeux du dernier, l’œuvre montre un autre visage du compositeur de l’opéra Faust avec une rigueur formelle évoquant selon les passages Beethoven ou Mendelssohn, sans renoncer le bel aspect vocal qui traverse le mouvement lent. Quant au Quatuor n° 4 en la mineur op. 56 n° 2 de Gouvy qui avait une double culture française et allemande, il mêle deux caractères lyrique et populaire, procédé plus fréquent outre-Rhin, tantôt en les opposant, tantôt en les fusionnant. L’aspect brillant et habile de ces deux partitions est ressorti avec acuité par les quatre musiciens, chacun jouant sur un instrument aux cordes de boyau, contemporain à leurs écritures. Dans leur interprétation règne une grande homogénéité de style et d’expression malgré les caractères très différents entre les mouvements. Véhément et doux, fougueux et tranquille, ces qualificatifs vont à la fois aux musiques et aux musiciens, ces derniers réalisant une belle union avec ces premières.

quatuor-modigliani-vctoria-okadaLa soirée se conclut à 23 heures avec le Quatuor Modigliani qui joue le Troisième Quatuor en mi bémol majeur de Juan Crisostomo de Arriaga (1806-1826) et le Premier Quatuor en mi mineur op. 112 de Camille Sain-Saëns (1835-1921). Grande aisance de l’écriture, virtuosité, fraîcheur d’idées, audace… Ce sont quelques mots qui viennent immédiatement en écoutant ces deux œuvres, malgré le grand décalage d’âge de leurs auteurs au moment de la composition — Arriaga à 18 ans et Saint-Saëns à 64 ans — et l’époque où ils ont vécu. Les deux œuvres regorgent de surprises qui entretiennent chez l’auditeur le désir permanent d’en découvrir d’autres. Les Modigliani qui ont le métier savent tirer la meilleure partie de ces partitions, réalisant la sonorité et la couleur adéquates à chaque moment, dans une grande cohérence interprétative et une harmonie entre les quatre instruments. Avec eux, la luminosité souriante d’Arriaga se mue en épaisseur multi-facette de Saint-Saëns, presque sans transition.

Cette grande soirée est l’unique concert de musique de chambre dans la 6e édition du Festival Palazetto Bru Zane Paris, dominée par la voix. La (re)découverte est pourtant riche pour les œuvres instrumentales. Attendons donc les éditions prochaines pour d’autres aventures qui mettraient plus d’honneur à la musique non vocale.

Photos :
Quatuor Hermès © Jean-Baptisme Millot
Quatuor Ardeo © Franziska Strauss
Quatuor Cambini-Paris © Franck Juery
Quatuor Modigliani © Victoria Okada

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Victoria Okada

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