Un Elias de Mendelssohn majestueux à la Philharmonie
Très suivi pour sa direction de la sulfureuse Carmen de Tcherniakov l’an dernier au Festival d’Aix, le chef espagnol Pablo Heras-Casado faisait ses début à la Philharmonie ce vendredi 6 avril 2018, avec le Freiburger Barockorchester et le RIAS Kammerchord dans l’Oratorio de Felix Mendelssohn, Elias. Avec pour solistes Matthias Goerne, Sebastian Kohlhepp, Marianne Beate Kielland et Sophie Karthaüser, cette oeuvre inspirée a transformé un temps la salle Boulez en cathédrale.
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Créé en anglais, Elias (1846) est un oratorio qui fait suite à Paulus (1836). Autour de la voix la plus basse d’homme dans le tôle-titre (ici le baryton Matthias Goerne) incarnant le prophète, cette oeuvre sacrée évoque d’abord la prophétie et la lutte du monothéisme contre le culte de Baal avant de parler de l’exil d’Elias. Lorsque les musiciens entrent en scène, le choeur habillé de pourpre (robes pour les femmes, chemises pour les hommes) prend place derrière les instruments anciens. Ce soir on n’entendra Elias en allemand, ce qui surligne nécessairement la filiation à Bach et on l’entendra sur cordes de boyaux, ce qui peut surprendre justement pour Mendelssohn, mais qui -avec et malgré la maîtrise infinie d’un Freiburger Barockorchester et d’un très élégant Pablo Heras-Casado nous emmenant vers deux heures d’ascension sacrée – donne une certaine idée de lutte avec l’ange de la part des musiciens. Et ce, dès l’ouverture, qui vient juste après la première phrase récitée de Elias. Elias annonce le pire aux hommes le chœur est sublimement suppliant et à temps, puissamment louangeur. La musique est solide, structurée, complexe, les voix des solistes à la hauteur du chœur qui excelle également en formations de quatuor. Peut-être un peu hermétique au livret, on ne suit pas tout à fait les rebondissement des prophéties de Elias, ni même l’histoire de son exil forcé, en revanche, les voix nous mènent sur de longs chemins de joie et se suivent comme des fils directeurs. Ainsi du duo toujours très métaphorique des voix de Marianne Beate Kielland et Sophie Karthaüser. Ainsi aussi du timbre éclatant et n’évoquant que la pureté de Sebastian Kohlhep. Quant à Matthias Goerne, il est un Elias parfaitement sombre et charismatique, culminant avec l’air de la fin de la première partie “Ist nicht des Herrn Worts wie ein Feuer” (“La parole du Seigneur n’est elle pas comme un feu?”) Un Oratorio et une oeuvre de Mendelssohn qui laissent une longue impression de perfection venu du fond des âges et qui semble capter l’essence même de ce qu’est un Prophète de l’Ancien Testament. On attend avec impatience l’enregistrement.
visuel : YH